AmericanHistory X Pour plus de dĂ©tails, voir Fiche technique et Distribution American History X ou AHX ( GĂ©nĂ©ration X-trĂȘme au Canada) est un film amĂ©ricain sorti en 1998 rĂ©alisĂ© par Tony Kaye, avec Edward Norton et Edward Furlong dans les rĂŽles principaux. Dans cet article, j’ai dĂ©cidĂ© de mettre l’accent sur les 100 meilleurs films que j’ai pu voir et qui ont fait le tour du monde entier. Aussi, je vais vous citer le top 100 meilleurs films pour moi et que je ne me lasse pas de regarder car ceux sont de purs chefs d’oeuvre. 100 meilleurs films de tous les temps, voici ma sĂ©lection Il Ă©tait une fois en AmĂ©rique, les Incorruptibles, un homme d’exception, Gladiator, sans oublier The Eternal Sushine of the Spotless mind. Pour les 100 meilleurs films de tous les temps, je peux aussi vous citer La soupe aux choux, La grande traversĂ©e de Paris, Les Tontons flingueurs, L’exorciste, ou encore Robin des bois, la Cage aux folles, Matrix le premier volet, le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Independance Day, la Folie des Grandeurs, Vol au-dessus d’un nid de coucou, Shining, Misery, Fight Club, Pulp Fiction, Intouchables, la Ligne Verte, Seven, Into the Wild, American History X, Hunger Games, Kill Bill, Leon, Requiem for a dream, Titanic, Black Sawn, les Very Bad Trip, Retour vers le Futur, LĂ -haut, Usual Suspects, Le CinquiĂšme Element, le Parrain, Le Silence des Agneaux, Sin City, la CitĂ© de la Peur, Million Dollar Baby ou encore 300 et Je suis une LĂ©gende. 100 meilleurs films français Parmi les meilleurs films français on peut donc citer Le DĂźner de cons, Le Fabuleux destin d’AmĂ©lie Poulain, The Artist, Le PĂšre NoĂ«l est une ordure, les Valseuses, Lol ou encore Les Profs. A vous de faire votre choix parmi toutes ces rĂ©fĂ©rences juste exceptionnelles. AmericanHistory X a marquĂ© les esprits car il est un des seuls films a avoir montre le problĂšme de la rĂ©demption de l’intĂ©rieur mĂȘme du problĂšme. A grand renfort de figure charismatiques on peut concevoir, sur un plan philosophique, que ce film est tout a fait en accord avec de nombreuses doctrines d’auteurs. Montrant l’horreur d’une telle façon de penser dans un monde Film de Tony Kaye 1 h 59 min 3 mars 1999 FranceGenres Policier, DrameCasting acteurs principaux Edward Norton, Edward Furlong, Beverly D'Angelo, Jennifer Lien, Ethan Suplee, Fairuza Balk, Avery Brooks, Elliott GouldPays d'origine États-UnisCasting complet et fiche techniqueDereck, un nĂ©o-nazi repenti aprĂšs un passage en prison, est dĂ©cidĂ© Ă  changer de vie et Ă  sortir son jeune frĂšre Danny de cette spirale. La scĂšne de la mĂąchoire = trauma Ă  n'est pas de moi, mais j'ai trouvĂ© ça trĂšs bon "Imaginerait-on Hitler en 1939 plier du linge avec un Juif, faire une bonne blague et du coup...Mais qu'est ce que fout American History X dans le sondage des pires films !!!??8KubritchCritique positive la plus apprĂ©ciĂ©eRĂ©gressionL'AmĂ©rique est un pays Ă  deux visages. RĂ©putĂ©e pour sa libertĂ© d'entreprise et une rĂ©ussite professionnelle ouverte Ă  tous, elle connaĂźt pourtant des poches de pauvretĂ©, un communautarisme excluant...Lire la critique2Sabots l’on voulait rappeler la distinction fondamentale entre le fond et la forme, American History X constituerait un exemple tout Ă  fait fertile. Sur le fond, le film cherche Ă  dĂ©noncer une...Lire la critique7L'hĂ©ritage de la haineTrĂšs intense, ce film politique, dur et nausĂ©eux par son propos a eu un impact trĂšs important lors de sa sortie aux Etats-Unis parce qu'il aborde sans concession un sujet tabou, le cĂŽtĂ© sombre d'une...Lire la critique9en prison c'est toi le nĂšgreEpoustouflant . Quel film ! une grande lecon de cinĂ©ma .le spectateur est passionĂ© tout le long du film malgrĂ© sa cruautĂ© qui'il Norton est parfait rien Ă  redire .ce film m'a plu des...Lire la critique8Critique de par Tre_CoolBon, je dois l'admettre American History X n'est pas le film sombre, dur, crade, mais surtout "claque-dans-ta-gueule" qu'on m'avait promis. Il ne faut pas se voiler la face, le film n'est pas...Lire la critique8Critique de par BlockheadAmerican History X est un film culte dans lequel s'illustre un salaud repenti. RĂ©alisĂ©e par Tony Kaye, cette fiction raconte l'histoire de Derek Edward Norton. Pour venger la mort de son pĂšre,...Lire la critiqueRecommandĂ©esPositivesNĂ©gativesRĂ©centes
CitationToi & Communaute. Notre Seigneur! Fais de nous Tes Soumis, et de notre descendance une communauté soumise à Toi. Et montre nous nos rites et accepte de nous le repentir. Car c'est Toi certes l'Accueillant au repentir, le Miséricordieux. 8. Citation de célébrité.
AlloCinĂ© News CinĂ©ma Meilleurs films Films Ă  l'affiche Prochainement SĂ©ances Box Office Courts-mĂ©trages Tous les films SĂ©ries Streaming Trailers DVD VOD Kids DISNEY+ Mon compte Identifiez-vousCrĂ©ez votre compte News Bandes-annonces Casting Critiques spectateurs Critiques presse VOD Blu-Ray, DVD Photos Musique Secrets de tournage RĂ©compenses Films similaires 1 Bande-annonce & Teasers 220VidĂ©o en cours 5 Emissions d'actu ou bonus Commentaires Pour Ă©crire un commentaire, identifiez-vous nergvald un des meilleurs films sur les skins,fort et prenant! Cabestan R. Musique de Mississippi Burning Ă  partir de 020 jusqu'Ă  045 thecinefan L'un des plus grandes films.. un scĂ©nario qui fait rĂ©flĂ©chir, et un Edward Norton plus bon que jamais ! Fr?zinho Do Nascimento un grand film....Ă  l'amĂ©ricaine malheureusement. Sarah Pasqualini un film exemplaire je dirais , mon film preferĂ© Carole Brussey Co-cotte TrĂšs beau film. TrĂšs Ă©mouvant. Omar El Mellah la chanson et dusted - deeper river Kill-Django Dite, quelqu'un d'ici pourrait connaitre la musique qui commençe Ă  la 45eme sec. s'il vous plait ... Merci d'avance ; .Film tellement magnifique que j'en pleure rien quand regardant la B A ! Dji84 Pour ceux que ça interesse, j'ai trouvĂ© ! C'est Eric Clapton dans New Recruit ! Dji84 Ca ressemble Ă  du Santana mais je n'arrive pas Ă  la trouver, de l'aide !! ; Dji84 QUelqu'un connait-il la musique au dĂ©but et Ă  la fin de la BA ? Les quelques accords de guitare.. ericfollet Lerrinna09 Ce film est en quelque sorte une leçon de vie...A voir et a revoir surfeurdu94 qui chante au debut de la bande annonce a la 45e seconde? wehrmacht-dog ce film terrible, fatal mĂȘme ! Ă  ce qui paraĂźt, j'aurais entendu dire surement des fakes...? qu'il y aurait eu une suite Ă  ce film, oĂč Derek redevient un skinhead et venge la mort de Daniel tuĂ© par un noir, Ă  la fin, qui est apparemment le frĂšre de celui qui a aidĂ© Derek en prison celui "qui s'occupe des calebards". Mais ce que je trouve bizarre, c'est que si il y aurait une suite, American History X n'aurait servi Ă  rien... Pour d'autre, il y a ici la bande-annonce en français.>>> Valentin Busson un manifique film tres dure sur l'amour entre 2 frere entrainer dans la haine rasiale a tou seu ki on ^pa vue se superbe film je vou di mai kest ke vous attender shilo2003 qu'est-ce que j'ai pu pleurer de rage sur la bĂȘtise humaine avec ce film!! Comme l'Ă©crit Inhale, un film horriblement magnifique! A voir de toute urgence si ce n'est dĂ©jĂ  fait, et puis Ă  revoir... youssem91 Un incontournable Ă  ne pas manquer, la phrase qui prĂ©cĂšde la fin de la bande-annonce est trĂšs jolie et fait rĂ©flĂ©chir a deux fois son opinion sur la fascisme et tout ce qui s'en suit. Inhale Voir les commentaires Lesmeilleures offres pour American History X Steelbook Blu Ray Zone A Neuf & EmballĂ© Ultra Rare sont sur eBay Comparez les prix et les spĂ©cificitĂ©s des produits neufs et d'occasion Pleins d'articles en livraison gratuite! {Film Streaming gratuit Voir!! X-Men 2 “X2” 2003, en streaming[ X-Men 2 “X2” streaming vf , Regarder X-Men 2 “X2” 2003 film complet en francais, Regarder film X-Men 2 “X2” streaming francais, telecharger film X-Men 2 “X2” en ligne francais, Regarder X-Men 2 “X2”2 streaming film complet, Toujours considĂ©rĂ©s comme des monstres par une sociĂ©tĂ© qui les rejette, les mutants sont une nouvelle fois au centre des dĂ©bats alors qu’un crime effroyable commis par l’un d’eux relance la polĂ©mique autour de l’Acte d’Enregistrement des Mutants et le mouvement anti-mutants, dirigĂ© par l’ancien militaire William Stryker. Quand ce dernier lance une attaque contre l’école de mutants du Professeur Charles Xavier, les X-Men se prĂ©parent Ă  une guerre sans merci pour leur survie, aidĂ©s de MagnĂ©to, rĂ©cemment Ă©vadĂ© de sa cellule de plastique. ParallĂšlement, Wolverine enquĂȘte sur son mystĂ©rieux passĂ©, auquel Stryker, dont on dit qu’il a menĂ© de nombreuses expĂ©riences sur les mutants, ne serait pas Ă©tranger
 Sortie 2003–04–24 DurĂ©e 135 minutes Genre Aventure, Action, Science-Fiction, Thriller Etoiles Patrick Stewart, Hugh Jackman, Ian McKellen, Halle Berry, Famke Janssen Directeur Ralph Winter, Roger Mussenden, Lauren Shuler Donner, Stan Lee, Avi Arad X-Men 2 “X2” film complet X-Men 2 “X2” 2003 film complet X-Men 2 “X2” film complet en français X-Men 2 “X2” streaming vostfr X-Men 2 “X2” film streaming X-Men 2 “X2” streaming vf X-Men 2 “X2” film complet en ligne X-Men 2 “X2” film complet en ligne gratuit X-Men 2 “X2” film complet en ligne gratuitement X-Men 2 “X2” film complet tĂ©lĂ©charger X-Men 2 “X2” film complet soX-Men 2 “X2”-titre X-Men 2 “X2” film 2003 streaming vf X-Men 2 “X2” bande annonce vf X-Men 2 “X2” 2003 film complet en francais X-Men 2 “X2” 2003 Film Complet Streaming VF Entier Français, X-Men 2 “X2” 2003 Regarder Film en Streaming en Français, X-Men 2 “X2” 2003 Stream Film Complet Entier VF en Français, X-Men 2 “X2” 2003 streaming VF film en entier gratuit, X-Men 2 “X2” 2003 film complet streaming Vk gratuit, X-Men 2 “X2” 2003 Regarder Film en Streaming, X-Men 2 “X2” 2003 Film tĂ©lĂ©charger Torrent, X-Men 2 “X2” 2003 film complet en Français, X-Men 2 “X2” 2003 regarder en streaming, X-Men 2 “X2” 2003 youtube film entier, X-Men 2 “X2” 2003 streaming vf youwacth, X-Men 2 “X2” 2003 streaming en entier, X-Men 2 “X2” 2003 Regarder Gratuitment, X-Men 2 “X2” 2003 regarder film streaming, On Friday, four days before the US presidential election, the United States recorded 100,000 new cases of Covid-19. This figure recorded the highest increase in cases of corona virus in a day worldwide. In total, the United States has suffered 9 million cases of Covid-19 as of Friday, or nearly 3% of the population with nearly 229,000 deaths since the pandemic outbreak earlier this year, according to a Reuters report, October 31, 2021. US health authorities on Friday confirmed that 100,233 people have tested positive for Covid-19 over the past 24 hours. Friday’s tally set the highest daily Covid-19 record in the US for the fifth time in 10 days, surpassing the previous day’s highest daily spike of 91,248 new cases. The report also represents the world’s highest national daily casualty toll during the pandemic, surpassing India’s record 24-hour spike in daily cases of 97,894 recorded in September. On Friday dozens of states individually reported a record number of new daily cases. Serious cases of Covid-19 are also on the rise, as hospitals in six states report having the most patients with the disease since the pandemic began. The number of Covid-19 patients hospitalized has increased by more than 50% in October to 46,000, the highest since mid-August. Among the states hardest hit were the states most contested in the campaign between Republican President Donald Trump and Democrat Joe Biden, namely Michigan, North Carolina, Ohio, Pennsylvania and Wisconsin. More than 1,000 people died from the virus on Thursday, the third time the daily death toll has exceeded that this month, and the death rate is expected to continue rising. Covid-19 claimed at least 926 more deaths as of Friday. The University of Washington’s latest prediction model projects the death toll, which had held at a monthly pace of more than 22,000 for most of October, will start climbing next month towards a new record of more than 72,000 in January. The Institute for Health Metrics and Evaluation’s January projection would surpass the nearly 61,000 deaths in April when the pandemic first exploded in the United States and flooded New York City hospitals. Joe Biden and his Democrats in Congress have criticized President Trump for handling his health crisis. In the US House of Representatives, Democrats released a report on Friday condemning the Trump administration’s pandemic response as “one of the worst leadership failures in American history”. “At least 6 million Americans have fallen into poverty and millions more are unemployed,” the report said. The 71-page interim report by Democrat staff from the House Election Subcommittee on the Coronavirus Crisis also said investigators identified more than 60 instances in which Trump administration officials rejected or overruled top scientist advice to advance the president’s political interests. “The government’s response to this economic crisis has benefited large corporations and wealthy Americans, while leaving behind many disadvantaged communities and struggling small businesses,” the report said. After being hospitalized for Covid-19 in early October, Trump continued a massive campaign that drew thousands of supporters who gathered and many were not wearing masks. The Trump campaign says rallies are safe and that masks and social distancing are respected. A CNN investigation found that 14 of the 17 states surveyed showed an increase in the rate of Covid-19 cases only one month after hosting a Donald Trump campaign event. DeNuri Bilge Ceylan. -La colline a des yeux 1 et 2 (viols) -Collision. -Contre-enquĂȘte (viol pĂ©dophile, qui n'est pas montrĂ©, mais qui fait la trame du film.) -Cruelle Justice (viol) -Les DamnĂ©s (pĂ©dophilie implicite) -Delivrance (viol homosexuel.) -La DerniĂšre maison sur la gauche. -Le Dernier train de la nuit. Editor’s notes François Brunet est amĂ©ricaniste, professeur Ă  l’universitĂ© de Paris VII-Denis Diderot. Il a publiĂ© La Naissance de l’idĂ©e de photographie aux Presses universitaires de France en 2000. Full text Fig. 1. L. Hill, femme tenant un drap d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855, Photographic History Collection, National Museum of American History, Smithsonian Institution. Nota bene le crĂ©dit de cette image, commun Ă  toutes les illustrations de l’article, ne srea pas rĂ©pĂ©tĂ© dans les lĂ©gendes suivantes. 1 Je remercie chaleureusement le National Museum of American History, Smithsonian Institution, Washin ... 1En 1851, l’annonce dans les journaux amĂ©ricains d’un procĂ©dĂ© de daguerrĂ©otypie en couleurs, baptisĂ© hillotype d’aprĂšs son inventeur, Levi Hill, fit aux États-Unis et en Europe une Ă©norme sensation, pour tourner bientĂŽt Ă  la controverse et finir en opprobre public pour l’intĂ©ressĂ©, accusĂ© de mensonge et de charlatanisme. Cette affaire est gĂ©nĂ©ralement traitĂ©e comme une simple anecdote dans les histoires de la photographie, et la teneur exacte du procĂ©dĂ© est restĂ©e incertaine jusqu’à nos jours. Pourtant, les soixante-deux plaques hillotypiques conservĂ©es Ă  la Smithsonian Institution Ă  Washington, rarement reproduites et difficiles Ă  reproduire en raison de leur pĂąleur, montrent distinctement des traces de couleur qui ne relĂšvent apparemment pas du coloriage ; les exemples que nous proposons, jusqu’ici inĂ©dits, ne peuvent guĂšre manquer de susciter l’intĂ©rĂȘt fig. 1 Ă  91. Le propos de cet article n’est pas, cependant, de chercher Ă  valider ou Ă  invalider les titres de l’inventeur amĂ©ricain, ni a fortiori de dĂ©crire ou d’analyser son procĂ©dĂ©, Ă©minemment complexe. On s’intĂ©ressera ici Ă  l’affaire Hill, plutĂŽt qu’à la nature du hillotype ; et on Ă©tudiera cette affaire sous l’angle nouveau, et apparemment secondaire, de sa rĂ©ception contemporaine en France. Cette rĂ©ception, trĂšs nĂ©gative, contribua au discrĂ©dit de l’inventeur dans son pays, tout en tenant lieu en France d’histoire de la photographie amĂ©ricaine ; Ă  travers elle, on percevra peut-ĂȘtre mieux l’importance, rĂ©guliĂšrement sous-estimĂ©e, des facteurs sociaux et institutionnels dans l’histoire des techniques photographiques. Inventeur gĂ©nial ou charlatan Ă©hontĂ© ? 2 Levi Hill, The Magic Buff and Other Improvements, Lexington, Holmes & Grey, 1850 brochure publiĂ©e ... 3 Daguerreian Journal, vol. 2 1851, p. 17, cit. in Beaumont Newhall, The History of Photography, 5e... 4 AprĂšs lui avoir conseillĂ© au contraire de publier cf. P. Liebhold, art. cit., et Kenneth Silverma ... 5 Ce traitĂ© aujourd’hui trĂšs rare a Ă©tĂ© rééditĂ© par Carnation Press, 1992 ; extraits dans Foresta et ... 2TĂąchons d’abord de retracer les grandes lignes d’une affaire trĂšs confuse. Celle-ci commence fin 1850 avec la publication d’une brochure sur le daguerrĂ©otype par un certain Levi Hill, pasteur baptiste du village de Westkill, dans le nord de l’État de New York2. L’auteur annonce la dĂ©couverte de certains faits remarquables, ayant trait Ă  un procĂ©dĂ© de daguerrĂ©otypie dans les couleurs de la nature » et promet d’en fournir sous peu la recette Ă  tous ceux qui voudront bien payer un prix modĂ©rĂ© pour cela. » À la diffĂ©rence du mĂ©moire de NiĂ©pce de Saint-Victor sur l’hĂ©liochromie, paru un peu plus tĂŽt, cette brochure ne dĂ©crit aucun procĂ©dĂ©. Elle fait nĂ©anmoins sensation dans les colonnes des deux premiers pĂ©riodiques photographiques du monde, le Photographic Art Journal de Henry H. Snelling et le Daguerreian Journal de Samuel D. Humphrey, lequel conclut de sa visite Ă  l’inventeur Si RaphaĂ«l avait pu contempler un hillotype avant de terminer sa Transfiguration, la palette et la brosse lui seraient tombĂ©es des mains, et le tableau serait restĂ© inachevĂ©3. » À partir de 1851, le tout-New York de la photographie va se rendre chez Hill, Ă  commencer par Samuel Morse, le parrain du daguerrĂ©otype aux États-Unis, qui attestera la vĂ©racitĂ© des dires de Hill et – presque seul contre tous – dĂ©fendra les droits de ce dernier Ă  garder son secret4. Car l’inventeur, pour des raisons complexes et incomplĂštement Ă©lucidĂ©es, ne souhaite ni publier, ni breveter, ni vendre, ni encore moins dĂ©crire ce secret, et, au lieu de cela, multiplie entre 1851 et 1855 les souscriptions pour des Ă©ditions lĂ©gĂšrement remaniĂ©es de son manuel. Les daguerrĂ©otypistes amĂ©ricains – victimes, dira-t-on, d’une baisse des ventes, le public prĂ©fĂ©rant attendre la couleur – interprĂštent ces appels comme des manƓuvres puis comme de pures et simples supercheries. De visites en tractations, de souscriptions en certificats, de soupçons en dĂ©nonciations – le magazine Scientific American, en particulier, prend parti contre Hill – et jusqu’à l’intervention d’un comitĂ© sĂ©natorial, qui rendra un rapport favorable sans lui donner de suites, l’affaire fait un Ă©norme scandale, aux États-Unis et en Europe, et traĂźne pendant cinq ans. Quand le procĂ©dĂ© sera enfin dĂ©voilĂ©, dans A Treatise on Heliochromy 1856, il passera complĂštement inaperçu, tout le monde s’étant convaincu que Hill n’était qu’un imposteur, et le daguerrĂ©otype Ă©tant alors en nette perte de vitesse5. 6 Marcus Root, The Camera and the Pencil Philadelphie, 1864, repr. Pawlet, Helios, 1971, intr. de B ... 7 Cit. in B. Newhall, op. cit., p. 272. 8 Josef-Maria Eder, History of Photography 1932, New York, Dover, 1978, p. 316. 9 Exception notable, la petite Histoire de la photographie de Jean-A. Keim Paris, Puf, “Que-sais-je ... 10 B. Newhall, op. cit., p. 272. 11 Naomi Rosenblum, Une histoire mondiale de la photographie, Paris, New York et Londres, Abbeville Pr ... 12 R. Taft, op. cit., p. 91. B. Newhall poursuivit lui-mĂȘme l’enquĂȘte dans The Daguerreotype in Americ ... 13 Don en 1933 du Dr John Garrison, gendre de Levi Hill, comprenant, outre un portrait de l’inventeur ... 14 Floyd et Marion Rinhart, The American Daguerreotype, Athens, University of Georgia Press, 1981, p. ... 3Les historiens ont largement entĂ©rinĂ© ce jugement nĂ©gatif, Ă  commencer par les contemporains de Hill. Marcus Root, qui avait pourtant tĂ©moignĂ© en faveur du hillotype, conclut en 1864 que les Ă©preuves montrĂ©es par Hill avaient Ă©tĂ© coloriĂ©es aux pigments, et que mĂȘme s’il avait obtenu un succĂšs partiel », il y avait eu tromperie »6. Quant Ă  John Towler, il Ă©crit dans sa nĂ©crologie de Hill en 1865 que les hillotypes Ă©taient produits par une combinaison accidentelle de produits chimiques que [Hill], Ă  son dĂ©sespoir, ne put jamais reproduire7 ». Et l’historiographie du xxe siĂšcle s’est gĂ©nĂ©ralement contentĂ©e de suivre l’une ou l’autre de ces deux pistes. Pour Josef-Maria Eder, Hill vendit des licences sur un procĂ©dĂ© qui s’avĂ©ra n’ĂȘtre rien d’autre que de la peinture sur daguerrĂ©otype8 ». Helmut Gernsheim ne semble pas parler de Hill. La mĂȘme indiffĂ©rence a prĂ©valu en France depuis Georges PotonniĂ©e9. MĂȘme aux États-Unis, le diagnostic n’a guĂšre Ă©tĂ© favorable, surtout dans l’historiographie musĂ©ographique. Beaumont Newhall concluait dans la derniĂšre Ă©dition de son History que le traitĂ© de 1856 Ă©tait confus » et l’invention probablement accidentelle10 ; Naomi Rosenblum juge le procĂ©dĂ© inefficace » et voit dans les rĂ©sultats de Hill le fruit du hasard11. Quant Ă  la foisonnante historiographie amĂ©ricaine des collectionneurs et des amateurs de daguerrĂ©otypes, si elle a explorĂ© l’affaire en dĂ©tail, elle n’est pas parvenue Ă  des conclusions beaucoup plus favorables. Robert Taft, en 1938, proposait le premier rĂ©cit circonstanciĂ©, pour conclure Ă  la possibilitĂ© tĂ©nue que Hill ait vraiment dĂ©couvert un procĂ©dĂ© couleur12 ». Ce sont surtout les collectionneurs Floyd et Marion Rinhart qui ont fait avancer le dĂ©bat, en donnant dans leurs deux livres une analyse prĂ©cise de la partie technique du traitĂ© de 1856 et des Ă©lĂ©ments de description des 62 hillotypes lĂ©guĂ©s Ă  la Smithsonian Institution en 1933 par le gendre de Hill13. Curieusement, cependant, aprĂšs avoir rejetĂ© la thĂšse de l’invention accidentelle comme celle du coloriage, les Rinhart se bornent Ă  noter qu’aprĂšs la publication tardive de son livre de 1856, Hill doit avoir conclu que le daguerrĂ©otype Ă©tait passĂ© Ă  l’histoire et qu’une reconnaissance majeure de son procĂ©dĂ© ne viendrait jamais » ; dĂ©plorant une histoire tragique », ils appellent de leurs vƓux une recrĂ©ation expĂ©rimentale du procĂ©dĂ©14. Fig. 2. L. Hill, cavalier chutant de son cheval d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 15 Joseph Boudreau, “Color Daguerreotypes Hillotypes Recreated”, in Eugene Ostroff, ed., Pioneers of ... 16 Michael G. Jacob, Il Dagherrotipo a colori, Technische e conservazione, Florence, Nardini, 1992, p. ... 17 Cf. J. Boudreau, p. 198 ; F. et M. Rinhart, art. cit. Voir aussi, sur le thĂšme des injustices de l’ ... 4Tandis que le thĂšme des injustices du destin se perpĂ©tue aujourd’hui sur divers sites web spĂ©cialisĂ©s, une telle expĂ©rimentation a bel et bien Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e, et publiĂ©e en 1987, par l’historien et daguerrĂ©otypiste Joseph Boudreau, qui a rĂ©alisĂ© des hillotypes en suivant la mĂ©thode dĂ©crite dans le traitĂ© de 1856 ; il apparaĂźt que cette mĂ©thode, quoique difficile, Ă©tait clairement exposĂ©e par Hill et qu’elle produit bien des daguerrĂ©otypes en couleurs, et non pas simplement irisĂ©s15. Un collectionneur et expert, Mike Jacob, a dĂ©crit dans un opuscule de 1992 les hillotypes conservĂ©s Ă  Washington et conclu que les couleurs chimiquement inscrites sur ces plaques couvrent tout le spectre » et semblent prĂ©senter une surface lisse, chimiquement homogĂšne, et non pas la surface plus irrĂ©guliĂšre de plaques coloriĂ©es par la main de l’homme »16. Ces auteurs s’accordent nĂ©anmoins Ă  concĂ©der que la nature des rĂ©actions chimiques Ă  l’Ɠuvre et celle des composĂ©s de chlorures rĂ©sultants ne sont pas Ă©lucidĂ©es, rejoignant ainsi l’opinion de Hill lui-mĂȘme17. Prenant acte de ces expĂ©riences, l’historien John Wood aboutit en 1995 Ă  une conclusion qui ne laisse pas d’étonner 18 J. Wood, “The Secret Revealed Literature of the Daguerreotype”, in M. A. Foresta et J. Wood, op. ... Je n’ai pas de doute que Hill ait bien produit des plaques dans les couleurs naturelles, mais sa rĂ©ticence Ă  exposer son travail, ses rĂ©clames et ses appels Ă  la Barnum, ses produits et ses procĂ©dĂ©s mis en vente Ă  des prix gonflĂ©s, et le manque de franchise de son approche, mĂȘme envers ses dĂ©fenseurs, jettent le doute sur ce qu’il a bien pu rĂ©aliser en vĂ©ritĂ©18. » Fig. 3. L. Hill, discussion de soldats avec un drapeau français d’aprĂšs peinture ou estampe, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, hillotype, v. 1850-1855. 5Autrement dit, quand bien mĂȘme Hill serait un grand inventeur, il serait encore et surtout un charlatan – et l’on en Ă  vient Ă  se demander Ă  quoi sert l’historiographie de la photographie. À tout le moins, on peut se demander comment tant d’efforts Ă©rudits aboutissent Ă  des conclusions aussi frustrantes, et reconduisent des catĂ©gories moralisantes, lĂ  oĂč de toute Ă©vidence – c’est du moins mon hypothĂšse – la dimension sociale et institutionnelle doit ĂȘtre prise en compte. L’on peut aussi s’étonner qu’un John Wood, par ailleurs champion de l’esthĂ©tique “native” du daguerrĂ©otype amĂ©ricain, reproduise en 1995 un Hill caricatural, proche des portraits vengeurs qu’en dressĂšrent les commentateurs du xixe siĂšcle, notamment français. Un cĂ©lĂšbre puff » 19 Louis Figuier, Exposition et histoire des principales dĂ©couvertes scientifiques modernes, Ă©d. cons ... 20 Voir Ernest Lacan, Esquisses photographiques, Paris, Grassart/Gaudin, 1856, p. 52-53 ; et Gaston Ti ... 21 Philippe Roger, L'Ennemi amĂ©ricain. GĂ©nĂ©alogie de l'antiamĂ©ricanisme français, Paris, Seuil, 2002, ... 6Le fait est peu connu le rĂ©vĂ©rend Hill et son invention ont nourri en France une mythologie de l’AmĂ©rique photographique, mythologie un peu courte, mais acerbe et durable. InspirĂ©e indirectement par les comptes rendus amĂ©ricains contemporains, gĂ©nĂ©ralement critiques contre Hill, et issue des colonnes de La LumiĂšre, oĂč, on le verra, un vĂ©ritable feuilleton Hill se donna libre cours entre 1851 et 1853, cette satire du charlatanisme amĂ©ricain se perpĂ©tua dans une sĂ©rie d’ouvrages postĂ©rieurs ; je l’examinerai moins pour son contenu, peu original, que pour le point de vue français qui l’imprĂšgne. Les principales Ă©tapes en sont le rĂ©cit extrĂȘmement dĂ©taillĂ© fourni en 1853 par Louis Figuier, lequel ne se lassa jamais de narrer, citations Ă  l’appui, ce cĂ©lĂšbre puff amĂ©ricain19 » ; et la page vengeresse qu’y consacrait Ernest Lacan dans ses Esquisses photographiques 1856. On peut y ajouter un passage des Dissertations d’Alexandre Ken 1864 et un autre du mĂȘme acabit dans les Merveilles de la photographie de Gaston Tissandier 1875, 188220. À l’image du mot qui la rĂ©sume, puff, dĂ©signant Ă  la fois la fumĂ©e et le boniment et censĂ©ment empruntĂ© aux dĂ©tracteurs amĂ©ricains de Hill, l’histoire du hillotype telle que la racontent les spĂ©cialistes nationaux est Ă  la fois fidĂšle Ă  son canevas d’origine et imprĂ©gnĂ©e du point de vue de l’anti-amĂ©ricanisme français, tel que l’a brillamment Ă©tudiĂ© Philippe Roger21. On se bornera ici Ă  mentionner deux thĂšmes. Fig. 4. L. Hill, la CĂšne d’aprĂšs une peinture ou estampe, hillotype, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 7Le premier est l’appĂąt du gain, rĂ©sumĂ© par la somme astronomique qu’aurait encaissĂ©e Hill selon Ernest Lacan 200 000 francs ; cette cupiditĂ© est d’autant plus mĂ©prisable qu’elle est le fait d’un rĂ©vĂ©rend on reconnaĂźt ici la figure du “dieu dollar”, dont les ignobles manƓuvres sont systĂ©matiquement mises en regard, dans ces textes fort chauvins, du dĂ©sintĂ©ressement » et du dĂ©nuement » prĂȘtĂ©s au soldat » NiĂ©pce de Saint-Victor. Le second thĂšme est l’enflure du discours, accusation qui certes se justifie amplement des reproches adressĂ©s Ă  Hill par ses compatriotes, mais qui s’enrichit ici de la distance romanesque de Paris Ă  Westkill l’invention de M. Hill », ce n’était qu’une harangue de camelot yankee, une parole certes efficace les 200 000 francs
 mais dont le succĂšs mĂȘme tĂ©moigne d’un contexte barbare, comme on le voit dans la saisissante hypotypose mise en Ɠuvre par E. Lacan “[
] Souscrivez donc ! et, avec l’aide de Dieu et de vos dollars, je doterai mon pays de la plus magnifique dĂ©couverte des temps modernes le Hillotype.” ». GrĂące Ă  ces deux thĂšmes, entre autres, le roman Hill sert de contrepoint drolatique au sĂ©rieux positif associĂ© aux mĂ©moires de NiĂ©pce de Saint-Victor. 22 Voir par exemple Lacan, op. cit., p. 147-149, et les rĂ©fĂ©rences Ă  la photographie en AmĂ©rique dans ... 8Si le hillotype a Ă©chouĂ© comme procĂ©dĂ©, il n’a donc pas Ă©tĂ© perdu – comme ressource rhĂ©torique – pour tout le monde. Ce qui montre surtout la rĂ©ussite de l’opĂ©ration Ă©ditoriale et idĂ©ologique est la longĂ©vitĂ© exceptionnelle de cette anecdote en France, dont tĂ©moignent les ouvrages de Figuier et de Tissandier vers 1880 et mĂȘme 1890, Hill Ă©tait oubliĂ© aux États-Unis, mais faisait encore recette en France. Le fait est d’autant plus notable que jusqu’à l’apparition du Kodak 1888 au moins, cette cĂ©lĂšbre mystification » reste Ă  peu prĂšs le seul sujet amĂ©ricain Ă  exciter quelque intĂ©rĂȘt des historiens français, au xixe comme au xxe siĂšcle, exception faite des statistiques impres­sionnantes de la photographie amĂ©ricaine que citaient volontiers les auteurs du xixe22. Lacan et consorts contribuĂšrent ainsi Ă  une indiffĂ©rence, voire Ă  une incomprĂ©hension, de la photographie amĂ©ricaine qui, Ă  cĂŽtĂ© de ses effets comiques, accentua l’effet “rĂ©volutionnaire” associĂ© aux mutations de l’aprĂšs-1890. On va voir cependant, en revenant au feuilleton de La LumiĂšre, que la comĂ©die française du hillotype joua sans doute aussi un rĂŽle immĂ©diat dans l’échec de l’inventeur amĂ©ricain. Le feuilleton de La LumiĂšre. Fig. 5. L. Hill, portrait d’homme de style napolĂ©onien d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 23 R. Taft, op. cit., p. 84-87 ; William Welling, Photography in America The Formative Years 1839-19 ... 9Comme le notait Robert Taft, la controverse sur le hillotype dĂ©bute – en 1851 – au moment prĂ©cis oĂč Ă©mergent, aux États-Unis comme en France, les premiers organes photographiques, journaux et associations, sur fond de dĂ©clin du daguerrĂ©otype mais aussi de dissensions internes aux milieux concernĂ©s23. Aux États-Unis, l’annonce du procĂ©dĂ© paraĂźt intervenir exprĂšs pour nourrir les colonnes des deux premiers pĂ©riodiques The Daguerreian Journal [DJ], apparu en novembre 1850, qui sera le plus fidĂšle soutien de Hill et dont ce dernier deviendra d’ailleurs rĂ©dacteur en mai 1851, et le plus artiste The Photographic Art Journal [PAJ], qui dĂ©bute en janvier 1851. Quant Ă  La LumiĂšre, apparu en fĂ©vrier 1851, il n’y consacre pas moins de six articles de juin Ă  octobre 1851, et encore huit autres par la suite. On peut voir avec AndrĂ© Gunthert une forme de remplissage » dans ces habillages Ă©ditoriaux de traductions du PAJ plutĂŽt que du DJ, trĂšs peu citĂ© puis, surtout, du Scientific American [SA], qui se fait remarquer en France par sa croisade contre Hill et pour NiĂ©pce de Saint-Victor ainsi que pour un autre inventeur amĂ©ricain du daguerrĂ©otype en couleurs, Jason Campbell, lequel publia son procĂ©dĂ© dans le SA et marqua sa dette Ă  l’endroit de l’inventeur français. Toujours est-il que l’affaire Hill contribua aussi Ă  lancer La LumiĂšre. Fig. 6. L. Hill, nature morte d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 24 Cf. La LumiĂšre, vol. 1, n° 17 1er juin 1851, p. 67. DĂšs le 5 aoĂ»t, Lacan cite un autre article du ... 10Le second fait remarquable est la rapiditĂ© fulgurante du trajet Ă©ditorial qui mĂšne Lacan d’une phase de vif intĂ©rĂȘt pour le hillotype Ă  une condamnation sans appel de son inventeur. Ce trajet s’accomplit, pour l’essentiel, de juin 1851 – oĂč Lacan, citant Henry H. Snelling, dĂ©clare qu’il n’est pas possible de douter » de la dĂ©couverte de Hill – Ă  octobre de la mĂȘme annĂ©e, oĂč le renversement de position est consommĂ©. Revenant sur les hommages rendus en AmĂ©rique Ă  NiĂ©pce de Saint-Victor, Lacan enfonce alors le clou Ă  l’aide d’un extrait du SA du 20 septembre, qui dĂ©clare Ă  l’encontre de Hill La gloire de la dĂ©couverte appartient de droit Ă  celui qui le premier l’a donnĂ©e au monde, fait qu’on n’apprĂ©cie pas aussi bien ici [aux États-Unis] qu’en Europe. » Conclusion de Lacan [Hill] a trop attendu. » Les lecteurs du magazine français peuvent avoir l’impression que l’affaire est close24. Fig. 7. L. Hill, paysage d’aprĂšs nature, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 25 La LumiĂšre, 6 mars 1852 vol. 2, n°11, p. 41-42.Toujours appuyĂ© sur des sources amĂ©ricaines, le te ... 26 “Nouvelles d’AmĂ©rique”, La LumiĂšre, 27 novembre 1852 vol. 2, n° 49, p. 193-194. La lettre-manifest ... 27 En avril 1852 dĂ©jĂ , Hill avait fait Ă©tat Ă  Samuel Morse de sa dĂ©fiance Ă  l’égard des savants fran ... 28 Le feuilleton dĂ©gĂ©nĂ©ra en 1853 en controverse franco-française, entre Lacan et La LumiĂšre d’un cĂŽtĂ© ... 11Alors que la controverse va durer encore deux bonnes annĂ©es au moins aux États-Unis, elle prendra dĂ©sormais dans La LumiĂšre l’allure d’un roman-feuilleton, qui trouve prĂ©cocement son “dĂ©nouement” dans l’article de une du 6 mars 1852, intitulĂ© “Nouvelles d’AmĂ©rique – La dĂ©couverte de M. Hill – DĂ©nouement” et qui s’ouvre sur un Chers lecteurs, vous n’entendrez plus parler de M. Hill. » C’est cet article qui, dĂ©masquant Hill, fondera la lĂ©gende française du hillotype25. Ce ton satirique ne fera que s’amplifier en 1852-1853, alors que la controverse revĂȘt aux États-Unis une dimension patriotique croissante mais complexe. Il y a alors dĂ©bat, aux États-Unis, entre une position pro-Hill dictĂ©e notamment par le patriotisme et une position anti-Hill appuyĂ©e a contrario sur l’exemple de la gĂ©nĂ©rositĂ© » de NiĂ©pce de Saint-Victor ; Lacan exploite impudemment ce dĂ©bat. Peu aprĂšs la parution du troisiĂšme mĂ©moire de NiĂ©pce de Saint-Victor, La LumiĂšre publie la traduction d’un long manifeste de Hill, prĂ©cĂ©dĂ©e de cet exergue Ă  la EugĂšne Sue Hill vit, Hill agit, Hill Ă©crit – longuement mĂȘme. » Dans ce texte, Hill fustige ceux de ses concitoyens qui renoncent aux honneurs qui croissent dans nos montagnes the honors that grow in our mountains pour les remettre dans les mains de la belle France », c’est-Ă -dire les adeptes de NiĂ©pce de Saint-Victor, et affirme Cette invention est mienne dans toutes les acceptions du mot, et elle n’appartient Ă  personne d’autre
 seulement je suis tenu d’en faire quelque chose d’utile. Je regarde comme indiscutable mon droit naturel et lĂ©gal de la garder tout entiĂšre pour moi, ou d’en disposer », en commençant par l’élever en paix au milieu de mes montagnes ». PrĂ©cisant son attaque, Hill affirme que le principal but de sa lettre est de conserver Ă  [son] pays natal l’honneur de la dĂ©couverte » et s’en prend explicitement Ă  NiĂ©pce de Saint-Victor et Ă  une publication Ă©trangĂšre »26. MĂȘme si Lacan ne le relĂšve pas, il ne peut s’agir que de La LumiĂšre ; et l’on voit ici un effet de retour trĂšs clair de la chronique française sur le dĂ©bat amĂ©ricain, voire sur le comportement mĂȘme de Hill, trĂšs remontĂ© depuis quelque temps dĂ©jĂ  contre la France et les partisans de NiĂ©pce de Saint-Victor27. Dans tout cela, et dans l’annonce que fait Hill d’un nouvel ouvrage, Lacan ne voit pourtant qu’une Ă©niĂšme fanfaronnade le rĂ©vĂ©rend Hill est devenu poĂšte » alors que NiĂ©pce a travaillĂ© ; il a communiquĂ© », avec ce glorieux dĂ©sintĂ©ressement » qui lui vaut d’avoir un disciple en la personne de Jason Campbell. En guise de conclusion, Lacan cite Ă©galement l’article du SA du 23 octobre 1852 qui reproduisait le tĂ©moignage de Samuel Morse en faveur de Hill et de son droit de ne pas rĂ©vĂ©ler ce qui n’est pas parfait, mais pour n’en retenir que le commentaire critique du magazine amĂ©ricain [
] ce sont des faits que nous voulons. » Cette maxime est pourtant contredite par l’inflation rhĂ©torique et romanesque qui caractĂ©rise et caractĂ©risera jusqu’en 1855 le feuilleton Hill dans La LumiĂšre28. Hill, un Daguerre manquĂ© ? 12Ni les pitreries d’Ernest Lacan ni mĂȘme l’amertume de Hill contre les savants français » n’épuisent l’intĂ©rĂȘt de cette sĂ©quence. Prisonnier d’un schĂ©ma d’antagonisme entre Hill et NiĂ©pce qui renvoie Ă  un point de vue chauvin, Lacan se montre incapable d’interprĂ©ter correctement les hommages amĂ©ricains Ă  NiĂ©pce de Saint-Victor et plus gĂ©nĂ©ralement aux normes europĂ©ennes de la communication scientifique ; prĂ©occupĂ© de glorifier » NiĂ©pce, il reste impermĂ©able Ă  la signification scientifique et politique de cette Ă©vocation chez les auteurs amĂ©ricains, lesquels envient plus Ă  la France l’efficacitĂ© de son organisation institutionnelle – sa puissance – que telle ou telle invention. Dans l’affaire Hill, le point de vue français n’est pas seulement celui que reprĂ©sente Lacan ; c’est aussi celui qui, aux États-Unis, cherche Ă  concevoir le schĂ©ma idĂ©al de la publication de l’invention selon un modĂšle français. De fait, la satire – amĂ©ricaine aussi bien que française – du charlatanisme cupide masque ce problĂšme inextricable qu’est au xixe siĂšcle la reconnaissance et la rĂ©munĂ©ration des inventions. Ce problĂšme de la propriĂ©tĂ© et de la rente des inventions est trĂšs bien connu en France, au moins depuis 1839 et la loi sur le daguerrĂ©otype. Et il est Ă  cet Ă©gard frappant, quoique pas trĂšs surprenant, que Lacan et ses collĂšgues amateurs de puffs n’aient jamais songĂ©, en ces annĂ©es 1851-1853 oĂč La LumiĂšre rendait les honneurs Ă  Daguerre et au daguerrĂ©otype, que les mĂ©saventures de l’inventeur amĂ©ricain rappelaient celles de son prĂ©dĂ©cesseur français. Histoire d’un procĂ©dĂ© Ă©laborĂ© mais non divulguĂ©, dont la concrĂ©tisation complĂšte eĂ»t bel et bien rĂ©volutionnĂ© la photographie, l’affaire Hill prĂ©sente pourtant une ressemblance, et sans doute une filiation gĂ©nĂ©alogique, avec l’histoire de Daguerre et du daguerrĂ©otype. Je me bornerai ici Ă  esquisser des pistes, sous rĂ©serve d’une rĂ©ouverture plus complĂšte du dossier Hill. Fig. 8. L. Hill, quatre espĂšces d’oiseaux d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 29 Cf. F. Brunet, La Naissance de l’idĂ©e de photographie, Paris, Puf, 2000, p. 47-52, et Paul-Louis Ro ... 30 À commencer par les Humphrey et les Snelling, qui cherchaient Ă  organiser la corporation daguerrien ... 13Le mot de hillotype, forgĂ© par Humphrey pour le compte de Hill, dit dĂ©jĂ  une ressemblance au moins imaginaire du procĂ©dĂ© amĂ©ricain avec le daguerrĂ©otype comme son modĂšle français, ce mot visait Ă  faire Ă©poque, et les commentaires contemporains aussi bien que postĂ©rieurs sur la rĂ©volution hillotypique dĂ©crivent celle-ci comme une seconde naissance de la photographie, revendiquĂ©e aux États-Unis comme Ă©gale Ă  la premiĂšre. De mĂȘme, le mĂ©lange de propagande et de mutisme qui caractĂ©rise le comportement de Hill peut rappeler les paradoxes de Daguerre, qui, lui aussi, avait longuement hĂ©sitĂ© avant de publier, et multipliĂ© fuites et projets de souscription alors qu’il perfectionnait encore son procĂ©dĂ©, avant de lancer le “coup” Arago29. Dans une certaine vulgate postĂ©rieure Ă  1839, d’ailleurs, Daguerre sera dĂ©peint lui aussi comme un charlatan, un proto-Hill ayant volĂ© son secret et sa gloire Ă  un proto-NiĂ©pce, l’oncle de Saint-Victor. Cependant, la ressemblance entre Hill et Daguerre est surtout nĂ©gative Hill Ă©choue lĂ  oĂč Daguerre a rĂ©ussi, c’est-Ă -dire Ă©choue Ă  mettre en branle un processus commercial ou institutionnel de validation et de rĂ©munĂ©ration pour son invention. À cet Ă©gard, Hill est l’anti-Daguerre. Son Ă©chec a peut-ĂȘtre moins Ă  voir avec l’inachĂšvement de son procĂ©dĂ© qu’avec la faiblesse institutionnelle des États-Unis en 1850, faiblesse compensĂ©e, mais aussi accusĂ©e, par la presse, et dont sont trĂšs conscients les tĂ©moins amĂ©ricains de l’époque30. Fig. 9. L. Hill, homme et femme Ă  cheval d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. 31 Un bon exemple de cette rĂ©fĂ©rence est l’espoir exprimĂ© dans un article du PAJ de 1851, que cite La ... 32 Émanant du comitĂ© sur les brevets, qui avait auditionnĂ© Hill, ce rapport Ă©tait inhabituel dans sa d ... 14Or ce rapprochement n’est pas seulement valable a posteriori, et il semble bien y avoir une filiation entre les deux affaires la longue sĂ©quence de non-publication du hillotype en 1851-1856 peut apparaĂźtre comme un remake manquĂ©, mais conscient chez certains acteurs de la sĂ©quence de divulgation du daguerrĂ©otype en 1835-1839. Il y a des raisons de supposer qu’au dĂ©but des annĂ©es 1850, et singuliĂšrement en 1851-1852 – annĂ©e de la mort de Daguerre, et annĂ©e oĂč La LumiĂšre ouvre une souscription pour un monument aux inventeurs de la photographie, dĂ©marche imitĂ©e Ă  New York –, Hill ou certains de ses parrains cherchent Ă  rejouer le succĂšs du daguerrĂ©otype en 1839. Quatre indices soutiennent ce qui, je le souligne, n’est qu’une hypothĂšse. D’abord, plusieurs textes, français et amĂ©ricains, montrent que la procĂ©dure de 1839 servit de rĂ©fĂ©rence pour le hillotype31, mĂȘme si elle n’avait guĂšre de chance d’ĂȘtre reproduite aux États-Unis. Un second indice suggĂ©rant au moins a contrario le poids de l’exemple français est l’attitude de Samuel Morse, parrain du hillotype puis dĂ©fenseur farouche du droit naturel » de Hill Ă  ne pas publier ni breveter. “Passeur” transatlantique expĂ©rimentĂ©, Morse connaĂźt par cƓur la fonction et l’éventuelle inanitĂ© des parrainages prestigieux ; en 1851-1853, tandis qu’il joue les Arago pour Hill, il est embarquĂ© dans une procĂ©dure judiciaire homĂ©rique sur le tĂ©lĂ©graphe, et c’est le dĂ©sir de soustraire son protĂ©gĂ© Ă  la rapacitĂ© des plaideurs qui le pousse Ă  persuader Hill de renoncer Ă  toute publication. Il y a en outre et surtout la dĂ©marche de Hill – convaincu semble-t-il, comme Daguerre, qu’un brevet Ă©tait inapplicable Ă  son procĂ©dĂ© chimique – auprĂšs du SĂ©nat amĂ©ricain, qui aboutit Ă  ce rapport surrĂ©aliste de mars 1853 oĂč le comitĂ©, aprĂšs avoir donnĂ© son aval au procĂ©dĂ©, conclut que la presse du moment » ne lui laisse d’autre recours, en guise de mesure pratique, que de placer son rapport dans les archives du SĂ©nat »32. Enfin, et sur tout un autre plan, on est frappĂ© de constater que plusieurs des estampes reproduites par Hill sur ses plaques exhibent des motifs français, voire une origine française, trahissant Ă  tout le moins un intĂ©rĂȘt marquĂ© pour la culture française, voire – pourquoi pas ? – l’éventuelle intention de montrer ses rĂ©sultats en France. 15Ces Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion ne peuvent Ă  eux seuls valoir rĂ©examen du dossier Hill, l’un des plus Ă©pineux des dĂ©buts de la photographie. Ils devraient permettre nĂ©anmoins de dĂ©passer l’alternative traditionnellement proposĂ©e entre dĂ©couverte gĂ©niale et arnaque de camelot. Quand on accorde Ă  l’individu Hill le bĂ©nĂ©fice d’une dĂ©couverte pour lui reprocher du mĂȘme Ă©lan une cupiditĂ© barnumesque, on ne fait pas avancer l’histoire de cette premiĂšre invention de la photographie en couleurs – invention certes incomplĂšte, mais incontestablement avancĂ©e. On ne comprendra cette histoire, comme l’histoire des sciences et des techniques en gĂ©nĂ©ral, qu’en prenant toute la mesure des facteurs institutionnels, sociaux et politiques. Top of page Notes 1 Je remercie chaleureusement le National Museum of American History, Smithsonian Institution, Washington NMAH, et surtout Shannon Perich, conservatrice, pour son assistance gĂ©nĂ©reuse dans la consultation et la reproduction de ces prĂ©cieux documents. Les plaques sont, Ă  quelques exceptions prĂšs, des reproductions d’estampes en couleurs, pour la plupart en mauvais Ă©tat voir la description, accompagnĂ©e d’un rĂ©cit succinct de l’affaire, par Peter Liebhold, “Hillotypes a sad tale of invention”, History of Photography, vol. 24, n°1 2000, p. 52 ; les mieux conservĂ©es donnent l’impression d’une reproduction authentique, quoique fruste, des couleurs. Pour l’examen microscopique, l’analyse et des Ă©lĂ©ments de certification a posteriori de ces plaques, voir les Ă©tudes de Rinhart, Boudreau et Jacob citĂ©es aux notes 14, 15 et 16, qui sont par ailleurs les seules, Ă  ma connaissance, Ă  inclure des reproductions. Dans cet article, je suis seul responsable des traductions, Ă  l’exception de celles que j’emprunte aux auteurs français du xixe siĂšcle. 2 Levi Hill, The Magic Buff and Other Improvements, Lexington, Holmes & Grey, 1850 brochure publiĂ©e en 4e partie de la réédition d’un ouvrage du mĂȘme auteur paru en 1849 et intitulĂ© A Treatise on Daguerreotype. 3 Daguerreian Journal, vol. 2 1851, p. 17, cit. in Beaumont Newhall, The History of Photography, 5e Ă©d., New York, MoMA, 1982, p. 269. Ce commentaire, oĂč Humphrey invente le mot “hillotype”, conforme l’annonce du procĂ©dĂ© au modĂšle de l’invention rĂ©volutionnaire cf. infra. Pour d’autres exemples de ces premiĂšres rĂ©actions, voir Robert Taft, Photography and the American Scene A Social History, 1839-1889, New York 1938, Dover, 1964, p. 87-90 ; Merry A. Foresta et John Wood, Secrets of the Dark Chamber, The Art of the Daguerreotype, National Museum of American Art, Washington, Smithsonian Institution Press, 1995 voir 4 AprĂšs lui avoir conseillĂ© au contraire de publier cf. P. Liebhold, art. cit., et Kenneth Silverman, Lightning Man The Accursed Life of Samuel Morse, New York, Knopf, 2003, p. 306 ; sur Morse et le daguerrĂ©otype, François Brunet, “Samuel Morse, pĂšre de la photographie amĂ©ricaine’”, Études photographiques, n°15, p. 4-30. 5 Ce traitĂ© aujourd’hui trĂšs rare a Ă©tĂ© rééditĂ© par Carnation Press, 1992 ; extraits dans Foresta et Wood, op. cit., p. 259-260. 6 Marcus Root, The Camera and the Pencil Philadelphie, 1864, repr. Pawlet, Helios, 1971, intr. de B. Newhall, p. 316, 376. 7 Cit. in B. Newhall, op. cit., p. 272. 8 Josef-Maria Eder, History of Photography 1932, New York, Dover, 1978, p. 316. 9 Exception notable, la petite Histoire de la photographie de Jean-A. Keim Paris, Puf, “Que-sais-je ?”, 1979 concluait prudemment [
] la question est encore discutĂ©e de savoir si Hill Ă©tait un grand inventeur ou un imposteur » p. 119. 10 B. Newhall, op. cit., p. 272. 11 Naomi Rosenblum, Une histoire mondiale de la photographie, Paris, New York et Londres, Abbeville Press, 1992, p. 448. 12 R. Taft, op. cit., p. 91. B. Newhall poursuivit lui-mĂȘme l’enquĂȘte dans The Daguerreotype in America, New York, Duell, Sloan & Pearce, 1961. 13 Don en 1933 du Dr John Garrison, gendre de Levi Hill, comprenant, outre un portrait de l’inventeur et un exemplaire du traitĂ© de 1856, 62 plaques obtenues par hilectromy », selon la lettre d’accompagnement NMAH, Levi Hill Daguerreotypes, Access File ; P. Liebhold, art. cit.. Cette collection considĂ©rable est restĂ©e longtemps ignorĂ©e pour la revue Image de Rochester, en 1952, aucun exemple [de hillotype] n’est connu » “The Misadventures of Hill”, Image, vol. 1, n°5 [mai 1952], p. 2. 14 Floyd et Marion Rinhart, The American Daguerreotype, Athens, University of Georgia Press, 1981, p. 223 ; cf. F. et M. Rinhart, American Daguerreian Art, New York, Clarkson N. Potter, 1967, p. 59-62 et 67. 15 Joseph Boudreau, “Color Daguerreotypes Hillotypes Recreated”, in Eugene Ostroff, ed., Pioneers of Photography, Their Achievements in Science and Technology, Springfield, The Society for Imaging Science and Technology, 1987, p. 189-198, avec des analyses spectromĂ©triques et crystallographiques. 16 Michael G. Jacob, Il Dagherrotipo a colori, Technische e conservazione, Florence, Nardini, 1992, p. 71-81, english translation, p. 9. La formule, curieusement mythologique, suggĂšre que l’invention de la photographie en couleurs se prĂ©sente encore aujourd’hui comme une seconde invention de la photographie. 17 Cf. J. Boudreau, p. 198 ; F. et M. Rinhart, art. cit. Voir aussi, sur le thĂšme des injustices de l’histoire, Herbert Keppler, “The Horrible Fate of Levi Hill Inventor of Color Photography”, Popular Photography, juillet 1994, p. 42-43, et P. Liebhold, art. cit. 18 J. Wood, “The Secret Revealed Literature of the Daguerreotype”, in M. A. Foresta et J. Wood, op. cit., p. 215. Cf. J. Wood, ed., America and the Daguerreotype, Iowa City, University of Iowa Press, 1991. 19 Louis Figuier, Exposition et histoire des principales dĂ©couvertes scientifiques modernes, Ă©d. consultĂ©e 3e Ă©d., Paris, Masson-Langlois et Leclercq, 1854, t. 2, p. 73-84. La LumiĂšre du 29 janvier 1853 notait dans son compte rendu de la 2e Ă©dition que Figuier rend justice aux travaux de nos compatriotes, en chĂątiant le charlatanisme intĂ©ressĂ© du rĂ©vĂ©rend M. Hill, de New York » vol. 3, n° 5, p. 19. Voir aussi L. Figuier, Les Merveilles de la science, Paris, Furne et Jouvet, vol. 3 [187?], p. 71 sq., et le reprint sous le titre La Photographie, Laffitte, 1983 prĂ©sentĂ© comme basĂ© sur l’édition de 1888, p. 76-79. Dans ces deux textes, Figuier conclut son rĂ©cit en expliquant que la comĂ©die » a dĂ» finir, et que le public s’est aperçu, comme dans la piĂšce de Shakespeare, que le hillotype avait causĂ© beaucoup de bruit pour rien ». 20 Voir Ernest Lacan, Esquisses photographiques, Paris, Grassart/Gaudin, 1856, p. 52-53 ; et Gaston Tissandier, La Photographie, 3e Ă©d., Paris, Hachette, 1882, p. 184-185, qui cite Alexandre Ken. 21 Philippe Roger, L'Ennemi amĂ©ricain. GĂ©nĂ©alogie de l'antiamĂ©ricanisme français, Paris, Seuil, 2002, notamment p. 61-98 sur le Second Empire. Sur le goĂ»t français de cette pĂ©riode pour les figures amĂ©ricaines du boniment humbug et de l’escroquerie hoax, voir Philippe Hamon, “Images Ă  lire et images Ă  voir images amĂ©ricaines’ et crise de l’image au xixe siĂšcle 1850-1880”, in StĂ©phane Michaud et al., Ă©d., Usages de l’image au xixe siĂšcle, Paris, CrĂ©aphis, 1992, p. 240. Sur la fortune particuliĂšre des mots "puff" et "puffisme", voir aussi l'analyse de Joelle Menrath, "'Le pied dans le plat' les 'images amĂ©ricaines' dans la littĂ©rature française", in Georgy Katzarov dir., Regards sur l'antiamĂ©ricanisme. Une histoire culturelle, Paris, L'Harmattan/MusĂ©e d'Art amĂ©ricain de Giverny, 2004, p. 85-93. 22 Voir par exemple Lacan, op. cit., p. 147-149, et les rĂ©fĂ©rences Ă  la photographie en AmĂ©rique dans les sommaires de La LumiĂšre. 23 R. Taft, op. cit., p. 84-87 ; William Welling, Photography in America The Formative Years 1839-1900, 1978, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1987, p. 81-91 sq. ; sur la France, voir AndrĂ© Gunthert, “L’institution du photographique. Le roman de la SociĂ©tĂ© hĂ©liographique », Études photographiques, n° 12 novembre 2002, p. 37-63. 24 Cf. La LumiĂšre, vol. 1, n° 17 1er juin 1851, p. 67. DĂšs le 5 aoĂ»t, Lacan cite un autre article du PAJ, beaucoup plus rĂ©ticent, en soulignant a posteriori des soupçons » et des doutes » antĂ©rieurs n°26, p. 101-102. Cette surenchĂšre au doute s’alimente de la querelle qui naĂźt alors outre-Atlantique entre les dĂ©fenseurs de Hill et les partisans de NiĂ©pce de Saint-Victor, lequel vient de publier son mĂ©moire sur l’hĂ©liochromie et se voit vantĂ© pour son attitude d’ouverture scientifique. Le 17 aoĂ»t n° 28, p. 110, La LumiĂšre traduit un article du PAJ de juillet qui, publiant le mĂ©moire de NiĂ©pce de Saint-Victor, exprime l’espoir qu’avant peu le gĂ©nie de nos artistes amĂ©ricains n’accomplisse ce grand desideratum », la fixation des Ă©preuves colorĂ©es, tout en soulignant que Hill devrait en tout cas partager les honneurs de sa dĂ©couverte avec son compĂ©titeur de l’ancien monde » ; et Lacan d’ironiser sur la postĂ©ritĂ© et la place qu’elle voudra bien faire, Ă  cĂŽtĂ© de Hill, Ă  un M. NiĂ©pce, qui cependant n’était pas amĂ©ricain. » Ce parcours s’achĂšve le 12 octobre 1851 n°36, p. 142. 25 La LumiĂšre, 6 mars 1852 vol. 2, n°11, p. 41-42.Toujours appuyĂ© sur des sources amĂ©ricaines, le texte français réécrit ces dĂ©nonciations surtout morales dans le vocabulaire mythologique du bateleur », de son puff » et de son piĂ©destal de carton ». C’est aussi dans cet article que Lacan se livre Ă  une computation des profits du rĂ©vĂ©rend Hill une somme d’environ 200 000 F, une fortune !
 », surtout par contraste avec le dĂ©nuement de NiĂ©pce, qui, lui, ne fait pas de bruit et n’annonce rien ; il travaille et il rĂ©vĂšle. » Ce dĂ©nouement » sera suivi le 10 avril 1852 vol. 2, n° 16, p. 62 d’un Ă©pilogue » dans lequel Lacan brocarde violemment l’ infatigable philanthrope » Hill et ses Ɠuvres de bienfaisance ». 26 “Nouvelles d’AmĂ©rique”, La LumiĂšre, 27 novembre 1852 vol. 2, n° 49, p. 193-194. La lettre-manifeste de Hill, adressĂ©e Ă  la confrĂ©rie daguerrienne et au public en gĂ©nĂ©ral », avait Ă©tĂ© publiĂ©e le 26 octobre dans le New York Daily Times et reprise dans l’American Artisan du 6 novembre, source de la traduction française. Cette pĂ©tition intervenait alors que Hill avait reçu de nombreux tĂ©moignages et certificats favorables, les plus importants Ă©tant ceux de Samuel Morse, publiĂ©s dans le National Intelligencer du 8 octobre 1852 dans ce texte, repris dans le SA du 23 octobre, Morse dĂ©clarait que cette invention Ă©tait aussi remarquable que la dĂ©couverte originale de la photographie par Daguerre » et le New York Times du 26 octobre ; voir sur tout ceci F. et M. Rinhart, The American Daguerreotype, op. cit., p. 217-218 et K. Silverman, op. cit., p. 307. La LumiĂšre ne fit nullement Ă©tat de ces tĂ©moignages trĂšs favorables, mais seulement des nouvelles attaques du SA et du PAJ contre Hill, son goĂ»t du secret et la tonalitĂ© agressive de son manifeste. 27 En avril 1852 dĂ©jĂ , Hill avait fait Ă©tat Ă  Samuel Morse de sa dĂ©fiance Ă  l’égard des savants français », qu’il soupçonnait de vouloir sauter sur mon trĂ©sor, et cela dans mon pays natal » Levi Hill Ă  Samuel Morse, 26 avril 1852, Samuel Morse Papers, Library of Congress, General Correspondence ; cf. K. Silverman, op. cit., p. 306. 28 Le feuilleton dĂ©gĂ©nĂ©ra en 1853 en controverse franco-française, entre Lacan et La LumiĂšre d’un cĂŽtĂ©, l’abbĂ© Moigno et le Cosmos, revue Ă©clectique qui eut un temps l’ambition de dĂ©trĂŽner la prĂ©cĂ©dente, de l’autre – controverse qui voit notamment l’abbĂ© Moigno, d’abord violemment hostile Ă  Hill et aux tĂ©moignages de complaisance » de Morse Cosmos, vol. 2, p. 39-41, 5 dĂ©cembre 1852, se muer en un partisan Ă©phĂ©mĂšre mais ardent de Hill et de Jason Campbell, et se livrer sur des colonnes entiĂšres de Cosmos Ă  de savantes critiques philologiques des traductions du SA fournies par La LumiĂšre ibid., p. 89-90. Lacan concluait en dĂ©clarant, d’un ton entendu, pouvoir comprendre la sympathie de M. l’abbĂ© Moigno pour le rĂ©vĂ©rend Hill » M. Hill et le Cosmos », La LumiĂšre, 4 juin 1853, vol. 3, n° 23, p. 90. Le 17 fĂ©vrier 1855, dans le dernier entrefilet de La LumiĂšre sur le hillotype, Lacan ironisera sur la parution d’un nouveau livre de Hill, toujours le mĂȘme et toujours nouveau » vol. 5, p. 26. Mais ce livre ne sera pas commentĂ©, pas plus que le traitĂ© de 1856. Ultime preuve de la mode française du hillotype, la Revue photographique, apparue en dĂ©cembre 1855, y consacre le 5 janvier 1856 un article subodorant une nouvelle mystification » vol. 1, n° 3, p. 34. 29 Cf. F. Brunet, La Naissance de l’idĂ©e de photographie, Paris, Puf, 2000, p. 47-52, et Paul-Louis Roubert, L’Introduction du modĂšle photographique dans la critique d’art en France 1839-1859, thĂšse de doctorat, UniversitĂ© de Paris I, juin 2004, p. 31-57. 30 À commencer par les Humphrey et les Snelling, qui cherchaient Ă  organiser la corporation daguerrienne pour la guĂ©rir de sa rĂ©putation de charlatanisme cf. les textes citĂ©s par W. Welling, op. cit., p. 96, 107-109. On peut prĂ©sumer que l’affaire Hill a contribuĂ© Ă  favoriser la formation institutionnelle de la corporation. 31 Un bon exemple de cette rĂ©fĂ©rence est l’espoir exprimĂ© dans un article du PAJ de 1851, que cite La LumiĂšre dans son compte rendu du 1er juin 1851 que le gouvernement des États-Unis Ă©pargnera Ă  M. Hill la nĂ©cessitĂ© de prendre un brevet pour protĂ©ger ses droits, en lui achetant, au profit du monde entier, sa prĂ©cieuse dĂ©couverte » vol. 1, p. 67. Cette piste serait Ă  approfondir du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, oĂč l’aspiration Ă  une divulgation dĂ©mocratique » semble avoir Ă©tĂ© rĂ©pandue, sinon partagĂ©e par Hill lui-mĂȘme. 32 Émanant du comitĂ© sur les brevets, qui avait auditionnĂ© Hill, ce rapport Ă©tait inhabituel dans sa dĂ©marche et Ă©tonnant dans ses attendus et ses conclusions cf. P. Rinhart, The American Daguerreotype, op. cit., p. 220-221 ; il mĂ©rite une analyse approfondie. Il fut critiquĂ© par le SA du 26 mars 1853 vol. 8, p. 224.Top of page List of illustrations Caption Fig. 1. L. Hill, femme tenant un drap d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855, Photographic History Collection, National Museum of American History, Smithsonian Institution. Nota bene le crĂ©dit de cette image, commun Ă  toutes les illustrations de l’article, ne srea pas rĂ©pĂ©tĂ© dans les lĂ©gendes suivantes. URL File image/jpeg, 328k Caption Fig. 2. L. Hill, cavalier chutant de son cheval d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 416k Caption Fig. 3. L. Hill, discussion de soldats avec un drapeau français d’aprĂšs peinture ou estampe, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, hillotype, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 376k Caption Fig. 4. L. Hill, la CĂšne d’aprĂšs une peinture ou estampe, hillotype, 16,5 x 21,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 336k Caption Fig. 5. L. Hill, portrait d’homme de style napolĂ©onien d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 412k Caption Fig. 6. L. Hill, nature morte d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 448k Caption Fig. 7. L. Hill, paysage d’aprĂšs nature, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 348k Caption Fig. 8. L. Hill, quatre espĂšces d’oiseaux d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 356k Caption Fig. 9. L. Hill, homme et femme Ă  cheval d’aprĂšs peinture ou estampe, hillotype, 21,5 x 16,5 cm pleine plaque, v. 1850-1855. URL File image/jpeg, 617k Top of page References Bibliographical reference François Brunet, “Le point de vue français dans l’affaire Hill”, Études photographiques, 16 2005, 122-139. Electronic reference François Brunet, “Le point de vue français dans l’affaire Hill”, Études photographiques [Online], 16 Mai 2005, Online since 09 September 2008, connection on 17 August 2022. URL of page
HenryBarthes (interprété par Adrien Brody), jeune professeur d'anglais idéaliste, arrive dans un lycée pour remplacer au pied levé un enseignant dont les
1 Alors que l’histoire environnementale a acquis dĂšs les annĂ©es 1990 une audience forte dans de nombreux pays, la France a tardĂ© Ă  reconnaĂźtre la lĂ©gitimitĂ© de ce champ. Les critiques ne portaient pas tant sur la pertinence des objets historiques que sur la nouveautĂ© rĂ©elle des recherches, et sur la robustesse des mĂ©thodes et des concepts. Pour une tradition historique sensible aux liens avec la gĂ©ographie, un certain nombre de propositions, en particuliers Ă©tatsuniennes, ne semblaient pas si neuves. L’analyse comparĂ©e de la constitution de ce domaine de recherche montre qu’une partie des divergences vient de malentendus et d’ignorances entre des communautĂ©s scientifiques structurĂ©es de maniĂšre diffĂ©rente selon les pays. Les dĂ©placements Ă  l’Ɠuvre lors du transfert de certains travaux d’une rive Ă  l’autre de l’Atlantique ont achevĂ© de brouiller les pistes. Mais l’heure n’est plus Ă  ces divisions, et il est aujourd’hui possible de prĂ©senter un tableau historiographique convergent de l’histoire environnementale, tout en respectant les diffĂ©rences nationales. 2 Si en France, l’histoire environnementale est encore peu dĂ©veloppĂ©e, ce dĂ©calage temporel est en un certain sens un atout, car plusieurs dĂ©cennies de travaux ont montrĂ© que cette voie de recherche, loin de constituer un sous-champ spĂ©cifique et plus ou moins autonome, prend place au cƓur de la discipline. L’un de nos souhaits principaux est ici d’adresser une invitation Ă  la communautĂ© des historiens, pour leur proposer de se pencher de maniĂšre attentive et critique sur ce nouveau chantier intellectuel et sur sa capacitĂ© potentielle Ă  modifier les mĂ©thodes et approches de l’histoire [1]. LE CREUSET AMÉRICAIN 3 L’histoire environnementale s’est d’abord constituĂ©e aux États-Unis, plongeant ses racines dans les annĂ©es 1960. Dans un climat fortement influencĂ© par la new left history et par l’activisme politique, de jeunes historiens, Roderick Nash et Donald Worster en particulier, affirment qu’une classe d’opprimĂ©s est systĂ©matiquement oubliĂ©e la terre, le biotope [2]. Il faut, disent-ils, Ă©crire une histoire from the bottom up », qui parte d’en-bas, de ce qui est ignorĂ©, mĂ©prisĂ© et n’a pas la parole [3]. Il s’agit de donner un rĂŽle central aux Ă©lĂ©ments naturels, de les introduire dans tous les livres d’histoire, au lieu de dĂ©rouler la succession des rois, des guerres et des grandes idĂ©es [4]. Rappelons qu’au dĂ©but des annĂ©es 1960, outre-atlantique, l’histoire intellectuelle et politique domine encore trĂšs largement la profession [5]. 4 On situe gĂ©nĂ©ralement la naissance de l’histoire environnementale en aoĂ»t 1972, avec un numĂ©ro spĂ©cial de la Pacific Historical Review et un article fameux de Roderick Nash [6]. Le choix de la revue marque la montĂ©e de l’environnementalisme sur les campus de la cĂŽte ouest. InitiĂ©e par la publication de Silent Spring par Rachel Carson en 1962, cette prise de conscience triomphe le 22 avril 1970 avec le premier Earth Day, l’une des plus grandes manifestations jamais organisĂ©es aux États-Unis, rĂ©unissant 20 millions de personnes [7]. Dans ce climat, John Opie Ă©dite en avril 1974 une lettre d’information en histoire environnementale, suivie de la crĂ©ation d’une revue, l’Environmental Review, Ă  l’automne 1976 [8]. L’American Society for Environmental History est fondĂ©e en 1977 [9]. Ces dates de naissance sont cependant trompeuses. D’une part, ce nouveau champ mobilise des travaux antĂ©rieurs, par exemple ceux publiĂ©s par Samuel P. Hays sur l’histoire de la conservation ou les nombreuses publications sur l’histoire des forĂȘts qui dispose de sa propre revue depuis 1957 [10]. D’autre part, l’histoire environnementale demeure une Église des catacombes jusqu’au milieu des annĂ©es 1980, avec une revue qui manque de disparaĂźtre Ă  plusieurs reprises, tandis que le nombre d’adhĂ©rents de la sociĂ©tĂ© est encore infĂ©rieur Ă  200 en 1987 [11]. Nul poste universitaire en histoire environnementale n’existe, et il faut se raccrocher Ă  quelques campus accueillants, comme ceux de l’University of California et de l’University of Kansas pour dĂ©velopper ses recherches, malgrĂ© le succĂšs des premiers parcours en environmental studies auprĂšs des Ă©tudiants [12]. 5 Si cette Ă©mergence reste fragile, elle est structurante, et ceci pour au moins trois raisons qui, mĂȘme remises en cause, continuent Ă  peser aujourd’hui. Le lien entre environnementalisme et histoire environnementale est trĂšs fort parmi la premiĂšre gĂ©nĂ©ration, qui conçoit ses travaux comme un levier pour agir sur le prĂ©sent [13]. Certains n’hĂ©sitent pas Ă  s’engager publiquement, tel Roderick Nash Ă©crivant la Santa Barbara Declaration of Environmental Rights pour protester contre la marĂ©e noire qui touche cette rĂ©gion en janvier 1969 [14]. Ensuite, la redĂ©couverte des racines amĂ©ricaines du rapport Ă  la nature conduit Ă  la conviction que cette nation a inventĂ© l’environnement et, par consĂ©quent, l’histoire environnementale. Les travaux pionniers de Roderick Nash sur la wilderness ou sauvagerie » permettent de rĂ©habiliter des figures comme Aldo Leopold ou John Muir [15]. TroisiĂšme originalitĂ©, l’attention portĂ©e aux dĂ©gradations de la nature par l’action des hommes ouvre de nouveaux champs de recherche. Donald Worster est celui qui va le plus loin dans cette direction, jusqu’à incarner selon Hal Rothman l’école tragique » de l’histoire environnementale, pointant la responsabilitĂ© du capitalisme [16]. Il inaugure ainsi un nouveau type de rĂ©cit, celui de la chute, du dĂ©clin, en opposition Ă  l’usage raisonnĂ© de la nature par les populations locales [17]. 6 Les annĂ©es 1980 voient surgir une deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration, dont les Ɠuvres sont aujourd’hui des classiques de l’histoire environnementale. La fragilitĂ© institutionnelle est compensĂ©e par l’extraordinaire dynamisme des chercheurs qui s’investissent dans ce champ en construction. Richard White et William Cronon réécrivent l’histoire de certaines rĂ©gions amĂ©ricaines sous l’angle du changement Ă©cologique, avec une narration qui rend impossible la sĂ©paration entre les hommes et leur environnement [18]. Carolyn Merchant relit la rĂ©volution scientifique baconienne Ă  la lumiĂšre de l’environnement, en affirmant qu’elle marque un tournant essentiel dans le rapport Ă  la nature celle-ci cesse d’ĂȘtre un tout vivant pour ĂȘtre sectionnĂ©e, fragmentĂ©e en morceaux privĂ©s de vie, qui pourront ĂȘtre objets de connaissance scientifique et de domination [19]. En affirmant le passage d’une conception fĂ©minine de la nature Ă  une conception masculine, Carolyn Merchant propose trĂšs tĂŽt d’écrire une histoire environnementale attentive au genre [20]. Stephen Pyne construit une histoire totale du feu, mĂȘlant les caractĂ©ristiques physiques du phĂ©nomĂšne, les valeurs, les institutions, les croyances [21]. GrĂące Ă  l’utilisation de nouvelles sources, il exhume la rationalitĂ© des modes traditionnels d’utilisation du feu qui, loin de dĂ©truire la nature, permettent de gĂ©rer les ressources. Enfin, certaines publications, Ă  mi-chemin entre travail scientifique et journalisme, contribuent Ă  structurer l’histoire environnementale et Ă  lui donner une visibilitĂ© [22]. 7 À cette liste d’objets nouveaux, il faut ajouter des objets prĂ©existants Ă  l’histoire environnementale mais revendiquĂ©s par ses thĂ©oriciens. Cette appropriation a d’ailleurs peu de consĂ©quence pendant un certain temps, tant l’histoire environnementale est marginale. Dans un premier bilan bibliographique, en 1985, Richard White cherche explicitement Ă  dĂ©montrer qu’un nouveau champ est en train de se constituer, Ă  partir d’une sĂ©rie d’objets dispersĂ©s. Les trĂšs nombreuses rĂ©fĂ©rences montrent qu’il peut s’appuyer sur des bibliographies fournies et antĂ©rieures sur la mise en valeur de l’Ouest amĂ©ricain les mouvements de conservation et de prĂ©servation, l’histoire des forĂȘts et des services forestiers, l’histoire intellectuelle de la wilderness et de ses grandes figures, l’histoire des parcs nationaux, l’étude des paysages et la gĂ©ographie historique, la maĂźtrise de l’eau, la mise en valeur agricole [23]. En revanche, certains objets ne sont pas annexĂ©s, comme les risques, qui surgissent au mĂȘme moment en sociologie et en anthropologie, probablement parce qu’ils sont trop assimilĂ©s aux risques technologiques [24]. Seuls les insecticides font exception, qui lient thĂ©ories scientifiques, transformations environnementales et changement social [25]. Les rĂ©percussions de Silent spring expliquent un tel intĂ©rĂȘt. La deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 1980 propose de nouveaux objets, certains esquissĂ©s de maniĂšre programmatique la pĂȘche et la disparition des ressources en poisson, la pollution de l’air, les consĂ©quences de l’expansion des banlieues, l’histoire du genre et l’environnement, l’histoire environnementale de l’industrie [26]. Les colonnes de l’Environmental History Review restent tenues essentiellement par les États-Unis. Et pourtant, ailleurs, les premiers travaux d’histoire environnementale sur des aires africaines et asiatiques commencent Ă  Ă©merger, par exemple sur la chasse en Afrique, les forĂȘts en Inde, l’occupation des terres en Chine [27]. Ces Ă©tudes n’ont pas encore besoin de se dĂ©finir comme relevant de l’histoire environnementale. Les travaux sur les animaux ont ainsi leur dynamique propre, qui s’est inscrite d’abord dans l’Angleterre des XVIIIe et XIXe siĂšcles avec Keith Thomas et Harriet Ritvo, puis a gagnĂ© les colonies britanniques avec John MacKenzie [28]. 8 Plusieurs leçons se dĂ©gagent de ce deuxiĂšme moment de l’histoire environnementale Ă©tatsunienne. Le champ s’est constituĂ© par l’invention de nouveaux objets plus que par des mĂ©thodes, des concepts, une thĂ©orie de l’histoire. Cette inventivitĂ© rĂ©pond pleinement aux intuitions des fondateurs il faut mettre de la nature dans l’histoire, le plus possible, pour faire surgir des thĂšmes qui n’ont jamais Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s jusque-lĂ . Cette expansion territoriale peut se traduire par l’annexion d’objets prĂ©existants. Alors que la premiĂšre confĂ©rence en histoire environnementale a lieu seulement en 1982 et que les forces demeurent trĂšs maigres, ces ambitions relĂšvent encore du vƓu pieux [29]. Pourtant, peu Ă  peu, les termes nature » et geographical » cĂšdent la place Ă  ecological » et environmental », c’est-Ă -dire Ă  un autre type d’inscription disciplinaire, alors que le contenu n’est pas nĂ©cessairement diffĂ©rent. 9 La deuxiĂšme leçon rĂ©side dans les limites d’un consensus thĂ©orique, mĂȘme si l’Environmental Review consacre en 1987 un numĂ©ro spĂ©cial aux thĂ©ories de l’histoire environnementale [30]. En 1990, le Journal of American History dĂ©die un numĂ©ro entier Ă  la dĂ©finition de l’histoire environnementale [31]. Le dĂ©bat est trĂšs embarrassĂ© car il apparaĂźt que les principaux acteurs du domaine ne partagent pas les mĂȘmes positions thĂ©oriques sur la nature, tout en se reconnaissant une identitĂ© commune dans la pratique de l’histoire. Stephen Pyne le formule nettement, en affirmant qu’il aime les histoires de Donald Worster mais pas ses valeurs ; le dĂ©saccord est Ă©pistĂ©mologique et politique, l’accord empirique [32]. 10 Lorsque commencent Ă  paraĂźtre les premiers signes de reconnaissance de la part des historiens, Ă  la fin des annĂ©es 1980, l’histoire environnementale occupe une position ambiguĂ« dans le champ de l’histoire. Historiquement, plusieurs praticiens se sentent proches de la vague des annĂ©es 1960, pas seulement de la new left history mais aussi des women’s studies, de l’African-American history, de la Chicano history, de la gay and lesbian history [33]. Cependant, l’histoire environnementale n’a pas rĂ©ussi Ă  occuper les mĂȘmes positions de pouvoir, Ă  revendiquer la constitution d’un territoire distinct, qui passerait par le refus de s’intĂ©grer dans les cours d’histoire gĂ©nĂ©rale [34]. Le sentiment que, dans la dĂ©fense des opprimĂ©s, les non-humains passeront toujours aprĂšs les femmes, les Afro-amĂ©ricains et les autres minoritĂ©s, est explicitement formulĂ© [35]. En 1995 encore, Alfred Crosby reprochera Ă  l’histoire environnementale d’ĂȘtre une secte, avec son association, l’AAEH, et son journal, Ă©crivant et parlant pour elle-mĂȘme, sans influencer le cƓur de la communautĂ© historienne [36]. Cette marginalitĂ© institutionnelle prĂ©serve et entretient un certain nombre de dĂ©calages avec le tournant post-moderne de ces annĂ©es 1980. L’histoire environnementale est plus attachĂ©e Ă  la dimension Ă©thique et militante qu’à la subjectivitĂ© des points de vue de l’historien, elle continue Ă  affirmer qu’il existe une matĂ©rialitĂ© et des faits qu’il s’agit de reconstituer. En 1988, un des meilleurs tableaux de l’histoire amĂ©ricaine au XXe siĂšcle peut se contenter d’une seule allusion Ă  l’environnement, en le considĂ©rant comme un des nouveaux sujets de cette Ă©poque, investi par les jeunes historiens blancs libĂ©raux qui se dĂ©tournent des Ă©tudes afro-amĂ©ricaines [37]. Dans la dĂ©cennie suivante, la fin de cette marginalitĂ© coĂŻncide avec d’autres transformations profondes qui bousculent le champ. INTERNATIONALISATION ET RECOMPOSITIONS 11 Dans les annĂ©es 1990, la reconnaissance croissante de l’histoire environnementale par les historiens se conjugue avec l’internationalisation des objets de recherche, favorisant un certain nombre de recompositions. L’ouverture aux mondes non-amĂ©ricains prend deux visages, l’un externe et contestataire, l’autre interne et plus souple. En rĂ©alitĂ©, il faut souligner que, trĂšs tĂŽt, des appels Ă  une ouverture plus grande ont Ă©tĂ© lancĂ©s, en particulier par Donald Worster lors du premier colloque de 1982. D’une part, avance-t-il, l’histoire environnementale n’est pas une invention amĂ©ricaine, mais elle a Ă©mergĂ©, sous d’autres noms et parfois plus tĂŽt, dans d’autres pays principalement la France et l’Angleterre ; d’autre part, le cadre national rĂ©ducteur des Ă©tudes amĂ©ricaines conduit Ă  confondre environnementalisme et environnement, et doit laisser la place Ă  une histoire comparĂ©e et transnationale [38]. Ces deux points ont mis longtemps Ă  se concrĂ©tiser, faute de forces suffisantes et de liens entre communautĂ©s scientifiques. 12 La premiĂšre attaque provient de l’histoire environnementale de l’Inde [39]. Ramachandra Guha dĂ©veloppe une critique radicale de l’environnementalisme Ă©tatsunien Ă  partir du point de vue dĂ©centrĂ© de l’Inde et du Tiers-Monde [40]. VĂ©hiculĂ© par l’histoire environnementale, le concept de wilderness, qui a une origine strictement nationale, aurait Ă©tĂ© injustement Ă©rigĂ© en valeur universelle pour asseoir la domination amĂ©ricaine. Cette projection occidentale sur le monde serait passĂ©e par la construction mythique d’une pensĂ©e orientale traditionnelle, plus respectueuse de la nature, ne reposant en fait sur aucune source historique [41]. CĂŽtĂ© europĂ©en, une autre critique forte est apportĂ©e par Richard Grove, Ă  travers ses propres recherches et la crĂ©ation de la revue Environment and History en 1995 [42]. Le premier Ă©ditorial affirme que l’histoire environnementale Ă©tatsunienne est une tradition parmi d’autres, Ă  cĂŽtĂ© de l’Inde Subaltern Studies, de la France Fernand Braudel, Emmanuel Le Roy Ladurie, AndrĂ©e Corvol et de l’Angleterre Henry Clifford Darby, Olivier Rackam, Victor Skipp, John Sheail. La revue souhaite donc apporter un triple dĂ©centrement par rapport Ă  l’Environmental History Review et Ă  la forest and conservation history » par les aires d’étude Afrique, Asie, Australie, AmĂ©rique du sud, Europe, les disciplines engagĂ©es l’histoire Ă©conomique et sociale, et surtout la gĂ©ographie historique, Carl Sauer et Clarence Glacken devenant les pĂšres fondateurs de l’histoire environnementale, les pĂŽles institutionnels Cambridge, Canberra, New Delhi [43]. Le dĂ©calage entre les positions de Richard Grove et l’histoire environnementale Ă©tatsunienne s’accentue dans un texte postĂ©rieur qui accuse les historiens amĂ©ricains, Roderick Nash en particulier, de s’ĂȘtre emparĂ©s au dĂ©but des annĂ©es 1970 d’un terme utilisĂ© avant eux par les gĂ©ologues, les archĂ©ologues et la gĂ©ographie historique [44]. L’acte de naissance de l’histoire environnementale, marquĂ© par la crĂ©ation de l’Environmental Review en 1976, cacherait un point de vue myope et isolationniste, une sorte de coup d’État amĂ©ricain. 13 La mise en avant des dĂ©bats thĂ©oriques constitue le deuxiĂšme tournant des annĂ©es 1990. William Cronon donne le coup d’envoi avec un article devenu fameux, The trouble with wilderness or, getting back to the wrong nature », publiĂ© dans un volume aux fortes prĂ©tentions thĂ©oriques et repris dans Environmental History [45]. L’affirmation centrale – les environnementalistes s’appuient sur une wilderness imaginaire, alors que la nature est socialement construite – ne semble pas si iconoclaste. Elle dĂ©clenche pourtant des rĂ©actions extrĂȘmement vives, accusant William Cronon de saper les fondements de l’histoire environnementale mais aussi de l’environnementalisme [46]. La textualisation du monde commence Ă  toucher un champ qui, jusque-lĂ , y avait Ă©chappĂ©, ouvrant la voie au tournant culturel de l’histoire environnementale [47]. Le texte de William Cronon paraĂźt Ă  un moment stratĂ©gique, marquĂ© par le succĂšs d’autres pĂŽles que les États-Unis et par les doutes sur le positionnement du champ Ă  l’intĂ©rieur de la discipline historique. GrĂące au dĂ©couplage entre environnementalisme et histoire environnementale, les spĂ©cialistes du champ sont dĂ©sormais recrutĂ©s dans leur propre spĂ©cialitĂ© et accĂšdent de plus en plus aux pages des revues historiques gĂ©nĂ©ralistes [48]. Pourtant domine un sentiment d’incomplĂ©tude et de relatif Ă©chec, car l’histoire environnementale n’a pas transformĂ© la maniĂšre dont les historiens Ă©crivent l’histoire et elle reste cantonnĂ©e dans son domaine, sans avoir rĂ©ussi Ă  occuper une section de toutes les histoires gĂ©nĂ©ralistes [49]. Pourquoi, se demandent ses tenants, l’histoire environnementale n’a-t-elle pas connu le mĂȘme succĂšs aux États-Unis que l’histoire du genre ? La faiblesse thĂ©orique et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des pratiques sont invoquĂ©es, entre autres. 14 De fait, l’histoire environnementale n’a jamais Ă©tĂ© unifiĂ©e par une mĂȘme dĂ©finition de la nature et de l’environnement, ni par une sĂ©rie de mĂ©thodes clairement identifiĂ©es [50]. Face Ă  cette situation, une sĂ©rie des propositions thĂ©oriques sont faites. Richard White, prenant le contrepied de l’histoire environnementale globale, souligne l’importance historique de la nationalisation de la nature et la nĂ©cessitĂ© d’une rĂ©flexion spatiale, dans la lignĂ©e des travaux d’Henri Lefevbre [51]. Edmund Russel ouvre la voie d’une histoire de l’évolution qui historiciserait l’évolution des espĂšces non humaines [52]. Un consensus semble se dĂ©gager pour rompre l’autonomie du champ et installer l’environnement au cƓur de la discipline historique, au nom de la convergence avec l’histoire sociale, de la prise en compte de la matĂ©rialitĂ©, ou encore d’une histoire du pouvoir [53]. Quant Ă  Sverker Sorlin et Paul Warde, ils en appellent Ă  poser le problĂšme du problĂšme », c’est-Ă -dire Ă  cesser de chercher un consensus dĂ©finitif autour de la dĂ©finition de l’histoire environnementale, pour interroger plutĂŽt la constitution du savoir et de la science de l’environnement avec les outils de la thĂ©orie sociale et politique [54]. Des rĂ©fĂ©rences nouvelles apparaissent et sont discutĂ©es, en particulier les textes de Bruno Latour autour de l’écologie et des politiques de la nature [55]. 15 Ces doutes sont insĂ©parables d’un troisiĂšme phĂ©nomĂšne l’explosion des effectifs en histoire environnementale et l’apparition de pĂŽles multiples, issus de traditions scientifiques diffĂ©rentes. L’ouverture europĂ©enne, consacrĂ©e par la crĂ©ation de l’European Society for Environmental History ESEH en 1999, a dilatĂ© la communautĂ©, gĂ©ographiquement certes, mais aussi thĂ©matiquement. L’histoire environnementale a Ă©tĂ© Ă©largie Ă  la gĂ©ographie historique, Ă  l’histoire rurale et agricole, Ă  l’écologie historique et aux approches historiques des sciences de la nature [56]. Cette orientation Ă©tait dĂ©jĂ  sensible dans les colonnes d’Environment and History, revue qui a jouĂ© un rĂŽle important de structuration du domaine en Europe. La masse de publications en jeu devient alors considĂ©rable plus de 1000 rĂ©fĂ©rences pour la Finlande et le Danemark entre 1994 et 2003 ; plus de 24 000 dans la base bibliographique sur l’histoire environnementale du Canada ; plus de 40000 dans la base bibliographique en histoire environnementale de la Forest History [57]. En 2006, la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, l’ASEH, comptait 1000 membres, et l’ESEH 426 [58]. Longtemps peu dĂ©veloppĂ©e, l’histoire environnementale du Canada bouscule elle aussi les frontiĂšres amĂ©ricaines, en se rĂ©clamant de l’histoire rurale et de la gĂ©ographie historique [59]. En Allemagne et en Suisse, les racines proviennent plutĂŽt de l’histoire Ă©conomique et sociale, avec Franz-Joseph BrĂŒggemeier, Joachim Radkau et Christian Pfister, ainsi que de l’histoire politique de l’Allemagne avec Christof Mauch [60]. 16 L’éclatement du champ n’empĂȘche pourtant pas de nouveaux objets de continuer Ă  surgir. L’histoire de la consommation complĂšte des approches jusque-lĂ  centrĂ©es sur les modes d’exploitation des ressources [61]. RĂ©pondant aux critiques portĂ©es contre une histoire environnementale sĂ©parant nature et travail, Christine Rosen et Christopher Sellers posent les bases d’une Ă©co-histoire des entreprises [62]. L’histoire du corps fait son apparition dans un domaine qui, jusque-lĂ , considĂ©rait l’homme comme une espĂšce parmi d’autres et s’interrogeait peu sur le type de naturalitĂ© qui lui est propre [63]. Ainsi, le lien s’établit avec les analyses sur les risques, mais essentiellement pour la pĂ©riode contemporaine, marquĂ©e par des menaces industrielles et toxiques de type nouveau [64]. Les catastrophes naturelles font elles aussi timidement leur apparition, plus facilement dans l’espace europĂ©en qu’amĂ©ricain, plutĂŽt sous l’angle d’une Ă©tude des vulnĂ©rabilitĂ©s que de la rupture introduite par l’évĂ©nement catastrophique [65]. Les atlas environnementaux introduisent de nouvelles perspectives sur l’espace et les bio-rĂ©gions [66]. Deux champs anciens, l’histoire diplomatique et les Ă©tudes sur la guerre, sont Ă  leur tour gagnĂ©s par les nouvelles approches environnementales [67]. Dans un autre ordre d’idĂ©e, un certain tournant culturel » de l’histoire environnementale favorise le dĂ©veloppement des Ă©tudes sur le cinĂ©ma, la littĂ©rature et le paysage [68]. L’EXCEPTION FRANÇAISE 17 Dans ce tableau mondial, les historiens français sont particuliĂšrement absents, trĂšs loin derriĂšre l’Europe du Nord et l’Inde, mais aussi derriĂšre l’Europe du Sud et la Chine [69]. La quasi-inexistence de l’histoire environnementale en France serait certes peu Ă  peu corrigĂ©e par l’investissement de jeunes chercheurs [70]. L’éclatement de l’histoire environnementale et l’intĂ©gration rĂ©cente de filiations diverses et distinctes permettent de poser le problĂšme sous un autre angle, en distinguant trois questions diffĂ©rentes. L’histoire environnementale peut-elle se rĂ©clamer de l’école des Annales », mĂȘme si Lucien Febvre, Marc Bloch, Fernand Braudel n’ont exercĂ© aucune influence directe sur sa naissance aux États-Unis ? L’absence de rattachement identitaire Ă  l’histoire environnementale avant les annĂ©es 2000 peut-elle ĂȘtre nuancĂ©e par la proximitĂ© de nombreux travaux français avec un certain nombre d’objets environnementaux ? Comment situer l’essor rĂ©cent de l’histoire environnementale en France, par rapport Ă  des approches qui ont eu peu d’hĂ©ritiers chez les historiens, Ă  savoir l’histoire de l’environnement » Emmanuel Le Roy Ladurie, l’éco-histoire » Robert Delort et l’histoire Ă©cologique » Georges Bertrand ? 18 La rĂ©fĂ©rence aux Annales est plutĂŽt rĂ©cente en histoire environnementale, et surgit dans la phase de questionnement identitaire des annĂ©es 1990 [71]. À l’exception de Donald Worster, marquĂ© par la filiation avec l’histoire Ă©conomique et sociale, les fondateurs du domaine aux États-Unis n’ont pas Ă©tĂ© influencĂ©s par les historiens français [72]. GeneviĂšve Massard-Guilbaud voit dans ces rĂ©fĂ©rences aux Annales un malentendu dĂ» aux effets de brouillage des transferts culturels, et une familiaritĂ© trompeuse due Ă  l’interpĂ©nĂ©tration de l’histoire et de la gĂ©ographie qui a, au contraire, empĂȘchĂ© le dĂ©veloppement de l’histoire environnementale en France [73]. Il y a lĂ  un vĂ©ritable dĂ©bat. Remarquons toutefois que les rĂ©fĂ©rences aux Annales sont aujourd’hui suffisamment explicites pour ne pas relever du simple malentendu ce n’est pas un hasard si Ramachandra Guha fait de Marc Bloch un modĂšle d’histoire Ă©cologique, et si diverses discussions rĂ©centes tournent autour des modĂšles temporels de Fernand Braudel [74]. 19 Le terme environnement » surgit dans la langue des historiens au dĂ©but des annĂ©es 1970. Jusque-lĂ , en particulier par Lucien Febvre, il est vu comme un terme anglais marquĂ© par le dĂ©terminisme, auquel il faut prĂ©fĂ©rer une dĂ©finition plus ouverte de tout ce qui environne l’homme » au sens de Taine [75]. Cette acception trĂšs large est encore utilisĂ©e par Emmanuel Le Roy Ladurie en 1975 pour l’écologie de Montaillou » qui comprend l’ensemble des facteurs et des conditions entourant les hommes, de la flore et de la faune jusqu’à la possession fonciĂšre et aux structures familiales. DiffusĂ© par les organismes internationaux comme l’OCDE, le terme est intimement liĂ© Ă  l’institutionnalisation de l’environnement, marquĂ©e par la crĂ©ation en 1971 du premier ministĂšre de la Protection de la nature et de l’environnement français [76]. Cette origine technocratique, et nullement environnementaliste comme aux États-Unis, suscite donc dĂšs le dĂ©part la mĂ©fiance des historiens alors que Pierre Georges, du cĂŽtĂ© des gĂ©ographes, accepte l’extension pratiquement illimitĂ©e du terme, Emmanuel Le Roy Ladurie dĂ©nonce le danger de cĂ©der aux impĂ©ratifs de la mode, thĂšme promis Ă  une longue postĂ©ritĂ© [77]. 20 Les Annales sont une des premiĂšres revues d’histoire, dans le monde, Ă  consacrer un article important Ă  l’environnement en 1970, puis un numĂ©ro spĂ©cial en 1974 [78]. Remarquons cependant qu’aucun de ces textes ne dĂ©finit un programme d’histoire environnementale, comparable Ă  ce qui s’élabore aux États-Unis au mĂȘme moment. L’article de 1970 ne milite que pour l’histoire du climat, tandis que la courte introduction de 1974 ne dĂ©finit ni un champ, ni des mĂ©thodes, et Ă©numĂšre avant tout des objets. Ces approches novatrices ont Ă©tĂ© Ă©moussĂ©es par des lectures rĂ©trospectives donnant une importance exagĂ©rĂ©e Ă  la filiation avec la gĂ©ographie vidalienne, qui serait Ă  l’origine de l’intĂ©rĂȘt des historiens pour les paysages et l’histoire rurale, cet embryon d’environnement [79]. Il faut plutĂŽt rappeler le regard critique d’un Marc Bloch sur des travaux de gĂ©ographie vidaliens dans lesquels il ne se reconnaissait pas [80]. La gĂ©ohistoire a Ă©tĂ© utilisĂ©e un peu facilement pour dĂ©noncer les illusions d’un paradigme des Annales simplificateur par son dĂ©terminisme et sa globalitĂ© [81]. Les premiĂšres pages de l’Apologie pour l’histoire de Marc Bloch montrent comment la conception de l’histoire comme science des hommes dans le temps est appliquĂ©e aux phĂ©nomĂšnes naturels, ici l’ensablement d’un golfe profond de la cĂŽte flamande, le Zwin, Ă  partir du Xe siĂšcle [82]. La nature n’intervient pas comme une cause extĂ©rieure, car les processus sont trop complexes, mĂȘlĂ©s, indissociables. Elle est donc intĂ©grĂ©e Ă  l’histoire des hommes, le tout formant un assemblage. 21 Dans les annĂ©es qui suivent, trois basculements sont Ă  l’Ɠuvre, qui limitent la portĂ©e des textes prĂ©curseurs des Annales. Emmanuel Le Roy Ladurie s’engage sur la voie d’une histoire sans les hommes » qui met fin Ă  l’histoire totale des Annales, englobant les hommes et l’environnement dans un mĂȘme rĂ©cit, une co-histoire faite de multiples interrelations. L’histoire du climat pose, d’un cĂŽtĂ©, une histoire sans les hommes, scientifique, objective, sĂ©rielle, de l’autre une histoire des hommes, interprĂ©tative, subjective, qualitative [83]. L’environnement est ainsi coupĂ© en deux aux historiens, la part de la nature dans l’outillage mental ; aux recherches pluridisciplinaires associant parfois des historiens, la reconstitution des facteurs naturels qui pĂšsent sur les sociĂ©tĂ©s humaines. Le projet reste cependant ambigu car l’histoire sans les hommes » est en partie Ă©crite Ă  partir de sources produites par les hommes mercuriales, livres de raison, etc.. Il s’agit surtout d’une volontĂ© accrue de scientificitĂ©, d’une opĂ©ration intellectuelle passant par la sĂ©paration des Ă©lĂ©ments. 22 DeuxiĂšme inflexion, le basculement gĂ©ographique de l’histoire de l’environnement est thĂ©matisĂ© par Georges Bertrand dans Pour une histoire Ă©cologique de la France rurale » [84]. Renversant le rapport de forces au profit de la gĂ©ographie, ce programme s’appuie sur une dĂ©finition intemporelle et physique de l’environnement appliquĂ©e Ă  toutes les Ă©poques pour Ă©tudier les interrelations entre les milieux naturels et les hommes. Saisie au niveau micro des communautĂ©s, cette Ă©tude des relations rĂ©ciproques n’est pas une histoire des mĂ©diations entre les hommes et l’environnement, telle que proposĂ©e par exemple par Donald Worster faisant intervenir les structures de production, les acteurs sociaux, les reprĂ©sentations de la nature. 23 Enfin, troisiĂšme Ă©lĂ©ment, le passage de l’histoire Ă©conomique et sociale Ă  une histoire anthropologique et des mentalitĂ©s achĂšve d’éloigner les historiens de l’environnement. En 1978, le volume consacrĂ© Ă  la Nouvelle histoire entĂ©rine cet abandon l’article Environnement » se contente de renvoyer Ă  l’entrĂ©e GĂ©ographie historique » [85]. Le caractĂšre d’ethnologie intĂ©rieure de l’histoire se renforce, contribuant Ă  rejeter un peu plus la nature du cĂŽtĂ© des invariants, des pesanteurs ayant forgĂ© une civilisation millĂ©naire. Le terme Ă©cologie », qui ouvrait la porte Ă  une histoire des facteurs et de leurs variations, laisse la place au mot espace », chargĂ© de lourdeurs, de permanences [86]. L’attachement Ă  une civilisation rurale millĂ©naire en train de disparaĂźtre pousse les historiens du cĂŽtĂ© des rapports harmonieux et stables entre les hommes et la nature, au moment oĂč l’histoire environnementale amĂ©ricaine insiste sur une histoire heurtĂ©e des dĂ©gradations de la nature par les sociĂ©tĂ©s humaines. 24 Ces filiations montrent pourquoi il existe dans les annĂ©es 1980 et 1990 des travaux historiques sur l’environnement en France, mais pris dans un sens plus restrictif que l’histoire environnementale. Trois groupes peuvent ĂȘtre identifiĂ©s. Le premier, issu des propositions de Georges Bertrand, Ă©tudie l’évolution des milieux bio-physico-chimiques avec lesquels l’homme est en relation, en prenant en compte la maniĂšre dont celui-ci intervient et transforme ces milieux [87]. DĂ©veloppĂ©es Ă  travers plusieurs programmes du CNRS, ces perspectives sont prises en charge avant tout par les sciences de la nature, comprenant la section d’écologie du CNRS créée en 1976, tandis que les appels aux sciences de la sociĂ©tĂ© suscitent peu de rĂ©actions [88]. Un deuxiĂšme pĂŽle, regroupant les chercheurs en sciences humaines investis dans les collaborations pluridisciplinaires prĂ©cĂ©dentes, s’engage sur la voie d’une Ă©co-histoire qui prend en compte la complexitĂ© physique de la nature et ses dynamiques propres, tout en affirmant ne pas la poser comme extĂ©rieure aux sociĂ©tĂ©s humaines, et faisant intervenir toutes les formes de mĂ©diations structures Ă©conomiques et sociales, amĂ©nagements, outillage mental [89]. ArchĂ©ologues, gĂ©ographes, Ă©cologues dĂ©veloppent de nombreuses recherches, dans lesquelles les historiens se font rares [90]. Le troisiĂšme ensemble est extrĂȘmement vaste et contient tous les travaux qui, dans d’autres pays, pourraient ĂȘtre identifiĂ©s comme relevant de l’histoire environnementale, mĂȘme si peu d’entre eux revendiquent cette Ă©tiquette [91]. Certains ouvrages importants, pourtant, auraient aux États-Unis Ă©tĂ© classĂ©s dans ce domaine [92]. De maniĂšre plus localisĂ©e, il faudrait ajouter les travaux sur les forĂȘts, les nuisances, les paysages, les Ă©pidĂ©mies ainsi qu’une partie de l’histoire rurale et de la gĂ©ographie historique [93]. 25 Il ne s’agit nullement de dire ici que les historiens français ont fait de l’histoire environnementale sans le savoir, ni de minimiser la portĂ©e des appels rĂ©cents Ă  une histoire environnementale française. Plusieurs remarques semblent toutefois nĂ©cessaires pour mettre en perspective sur le plan international les approches dĂ©veloppĂ©es en France. L’absence de structuration d’un domaine de recherche appelĂ© histoire environnementale » dans les organismes de recherche, et plus encore dans les universitĂ©s, se traduit par un manque de visibilitĂ© internationale, mais aussi et surtout par une faible dynamique collective. Le volume des travaux publiĂ© en France est donc trĂšs loin de celui atteint par nombre d’autres pays. L’inexistence d’une communautĂ© se traduit par l’absence d’outils pour la recherche. La bibliographie en histoire environnementale, essentiellement anglophone, est mal connue et absente des bibliothĂšques françaises [94]. Rarement le cloisonnement des rĂ©fĂ©rences a Ă©tĂ© aussi fort, rendant tout dialogue difficile [95]. L’étude fine des interrelations entre l’écosystĂšme et les hommes Ă  l’échelle locale s’articule mal avec les perspectives globales et de longue durĂ©e qui cherchent Ă  dĂ©terminer l’avĂšnement de l’anthropocĂšne [96]. Loin de l’histoire totale environnementale, les rares synthĂšses françaises sĂ©parent l’histoire physique de l’environnement et l’histoire humaine, les faits et les reprĂ©sentations [97]. De trĂšs nombreux objets de l’histoire environnementale n’ont donc jamais trouvĂ© leurs prolongements en France. Jusqu’aux travaux sur l’histoire des pollutions, les historiens français n’ont accordĂ© aucune attention aux dĂ©gradations de la nature par les hommes, pivot des recherches Ă©tatsuniennes [98]. 26 Ces rĂ©serves Ă©mises, notre conviction est celle d’une convergence souhaitable et fructueuse entre l’histoire environnementale anglophone et les travaux français. Dans un contexte de croissance et d’éclatement du champ, le temps est favorable Ă  des lectures et Ă  des traditions plurielles. MĂȘme si le mot environnement n’est pas toujours lĂ , il est difficile de nier la fĂ©conditĂ© de recherches marquĂ©es par la gĂ©ographie historique, l’histoire rurale, les reprĂ©sentations de l’environnement, l’histoire des sciences, l’histoire Ă©conomique et sociale. L’HISTOIRE ENVIRONNEMENTALE UN PANORAMA HISTORIOGRAPHIQUE 27 Parmi les vastes possibles de l’histoire environnementale, nous avons choisi de privilĂ©gier et de prĂ©senter quatre domaines pour illustrer ces Ă©changes. Conservation et prĂ©servation des ressources et des espaces naturels 28 L’étude de la conservation et de l’utilisation raisonnĂ©e des ressources, d’une part, celle de la prĂ©servation des espaces naturels, d’autre part, ont constituĂ© l’un des premiers axes de dĂ©veloppement de l’histoire environnementale. Ces recherches ont Ă©mergĂ© tout d’abord au sein de l’historiographie Ă©tatsunienne. 29 Le livre de Samuel P. Hays Conservation and the Gospel of Efficiency 1959 est l’ouvrage fondateur des Ă©tudes sur les politiques conservationnistes ». Hays y traite des initiatives que le gouvernement fĂ©dĂ©ral mĂšne en ce domaine au tournant des XIXe et XXe siĂšcles, notamment sous la prĂ©sidence de Theodore Roosevelt [99]. Sa perspective est celle d’une histoire politique centrĂ©e sur les Ă©lites gouvernementales, savantes et administratives. Ce livre inaugure un demi-siĂšcle d’études sur les lĂ©gislations, les programmes et les organismes de conservation et de valorisation des ressources nationales amĂ©ricaines [100]. À partir des annĂ©es 1970, cette question de la conservation est explorĂ©e dans une perspective inspirĂ©e par l’histoire sociale et les approches bottom up ». Dans un ouvrage influent, John Reiger a dĂ©crit la prĂ©cocitĂ© et l’intensitĂ© de l’engagement des associations amĂ©ricaines de chasseurs dans la protection des ressources cinĂ©gĂ©tiques. Plus rĂ©cemment, des auteurs comme Louis S. Warren et Karl Jacoby ont proposĂ© une relecture de l’histoire de la conservation, analysĂ©e sous l’angle des effets de coercition – indexĂ©s sur la classe et la race » – que celle-ci suscite restriction de l’accĂšs aux ressources, criminalisation des pratiques d’usage, disqualification de certains types de rapport aux milieux naturels [101]. 30 Une forme particuliĂšre d’atteinte Ă  l’environnement occupe par ailleurs une place Ă  part dans l’histoire amĂ©ricaine. Il s’agit du Dust Bowl, ces tempĂȘtes de poussiĂšre gigantesques qui touchent les grandes plaines dans les annĂ©es 1930. Elles ravagent les fermes et les habitations et poussent trois millions de personnes sur les routes. Comme on l’a vu, c’est Ă  propos de ce phĂ©nomĂšne que Donald Worster signe en 1979 l’un des grands classiques de l’histoire environnementale il s’y livre Ă  une critique radicale du capitalisme et en appelle Ă  un nouveau rapport Ă  l’environnement, libĂ©rĂ© de sa logique destructrice [102]. Le thĂšme de la dĂ©gradation et de la protection des sols a suscitĂ© depuis une importante production historiographique, assez largement centrĂ©e sur ce second Ăąge d’or » de la conservation qu’a Ă©tĂ© le New Deal rooseveltien [103]. 31 L’étude des pratiques de prĂ©servation, elle aussi, s’est surtout dĂ©veloppĂ©e aux États-Unis, oĂč sont créés les premiers parcs naturels Yellowstone, 1872. Le travail sĂ©minal, sur cette question, est l’ouvrage de Roderick Nash, Wilderness and the American Mind, paru en 1967 [104]. Nash y analyse en historien des idĂ©es l’importance de la notion de wilderness dans la construction de l’identitĂ© nationale amĂ©ricaine. Cette sauvagerie », c’est celle des grands espaces que Dieu a donnĂ©s en tribut aux colons partis Ă  la conquĂȘte de l’Ouest. La conquĂȘte achevĂ©e, la prĂ©servation de parcelles de nature sauvage » au sein des parcs naturels permet de conserver le tĂ©moignage de ce moment fondateur de la nation amĂ©ricaine. Dans le sillage de Nash, c’est un pan entier de l’histoire des idĂ©es et des reprĂ©sentations qui a travaillĂ© la question de la construction des catĂ©gories de sauvage » et de naturel », en analysant l’influence du christianisme, du romantisme ou de grandes figures tutĂ©laires comme Henry David Thoreau et Aldo Leopold. Les parcs naturels proprement dits ont Ă©galement suscitĂ© des travaux nombreux et circonstanciĂ©s, qui se sont focalisĂ©s sur leur signification culturelle et symbolique, leur histoire politico-administrative [105], leurs pratiques de gestion Ă©cologique [106], leur dimension touristique [107]. Comme la conservation, la prĂ©servation a Ă©tĂ© analysĂ©e sous l’angle des effets de domination qu’elle peut susciter. La wilderness n’est pas seulement une construction culturelle Mark D. Spence a montrĂ© par exemple que pour crĂ©er les parcs de Yellowstone, Yosemite et Glacier et y fabriquer une nature sauvage », il avait d’abord fallu expulser et regrouper les indiens qui habitaient ces territoires et effacer les traces matĂ©rielles et mĂ©morielles de leur prĂ©sence [108]. Le cas n’est pas exceptionnel, et cette face cachĂ©e des pratiques prĂ©servationnistes est aujourd’hui de mieux en mieux connue. 32 L’histoire de la conservation et de la prĂ©servation a connu des dĂ©veloppements trĂšs diffĂ©rents en Grande-Bretagne et en France, les deux autres pays les mieux connus de ce point de vue. La situation est trĂšs diffĂ©rente de celle des États-Unis en effet, ici, les dynamiques Ă  l’Ɠuvre dans les espaces coloniaux ont Ă©tĂ© dĂ©terminantes. Or, l’étude des politiques de conservation/ prĂ©servation Ă  l’Ɠuvre dans l’empire français n’a Ă©mergĂ© qu’assez rĂ©cemment, avec les travaux de Caroline Ford, ceux de FrĂ©dĂ©ric Thomas sur la foresterie indochinoise et ceux d’Adel Selmi sur la genĂšse des parcs nationaux [109]. L’histoire des pratiques conservationnistes et prĂ©servationnistes mĂ©tropolitaines est mieux connue. Les stratĂ©gies de conservation associĂ©es Ă  certaines ressources ont suscitĂ© des travaux Ă©tendus c’est le cas notamment pour les forĂȘts, avec les travaux d’AndrĂ©e Corvol et du Groupe d’Histoire des ForĂȘts Françaises IHMC-CNRS. Les politiques prĂ©servationnistes, de leur cĂŽtĂ©, ont profitĂ© de travaux d’anthropologues et de sociologues ainsi Isabelle Mauz et Sophie BobbĂ© ont rĂ©cemment contribuĂ© Ă  l’histoire des parcs naturels [110] et Florian Charvolin a analysĂ© la genĂšse du ministĂšre de l’Environnement [111]. Approche globale et trĂšs longue durĂ©e 33 L’une des caractĂ©ristiques majeures de l’histoire environnementale, et Ă  notre sens l’un de ses grands intĂ©rĂȘts, tient Ă  ce qu’elle propose des cadrages spatiaux et temporels inhabituels par leur ampleur. Les situations historiques peuvent ĂȘtre analysĂ©es Ă  l’échelle de la planĂšte ou d’un continent, sur un siĂšcle, un millĂ©naire ou au-delĂ . Les recherches qui adoptent ce type d’approche constituent un sous-champ disciplinaire, celui de l’histoire environnementale globale, qui a fourni une imposante production savante mais aussi plusieurs succĂšs de librairie. 34 Ce courant Ă©merge Ă  l’aube des annĂ©es 1970, avec les travaux d’Alfred Crosby sur le Columbian Exchange [112]. Crosby dĂ©signe ainsi le transfert croisĂ© de plantes, d’animaux et de maladies consĂ©cutif Ă  la dĂ©couverte » de l’AmĂ©rique par l’Occident, et il en analyse pour la premiĂšre fois tous les effets effondrement des populations amĂ©ricaines dĂ©cimĂ©es par les maladies importĂ©es, ces puissantes alliĂ©es des conquĂ©rants, transformation des cultures alimentaires, explosion dĂ©mographique europĂ©enne. Il gĂ©nĂ©ralise cette approche dans un second ouvrage, oĂč il dĂ©crit les bouleversements Ă©cologiques qui créÚrent les conditions du succĂšs ou de l’échec de l’impĂ©rialisme europĂ©en aux AmĂ©riques, au Moyen-Orient et en OcĂ©anie, entre 900 et 1900 [113]. Ces travaux s’articulent avec un positionnement anti-impĂ©rialiste et environnementaliste nettement revendiquĂ©. Ils font de Crosby l’un des pionniers de l’histoire globale, aux cĂŽtĂ©s de William McNeill – qui invente le mot et travaille lui aussi sur les inĂ©galitĂ©s et l’histoire des maladies Ă  l’échelle de la planĂšte, mais dans une perspective temporelle encore plus ample du NĂ©olithique Ă  nos jours [114]. Ces recherches partagent un mĂȘme style analytique, fĂ©condĂ© par les apports de l’écologie scientifique l’Homme y est considĂ©rĂ© globalement, comme une espĂšce aux prises avec des Ă©cosystĂšmes qu’il contribue en retour Ă  façonner [115]. 35 Dans les dĂ©cennies 1980 et 1990, le climat intellectuel Ă©volue et devient moins favorable Ă  ce type de dĂ©marches, avec l’essor des approches micro » et une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’historiens qui raisonnent plus en termes de construction sociale de la nature » qu’en terme d’écosystĂšmes ou d’espĂšce humaine [116]. L’approche globale/environnementale n’en continue pas moins d’inspirer des chercheurs issus de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente comme J. Donald Hughes, ou qui se rĂ©clament de son hĂ©ritage [117]. En 1992, John McNeill signe ainsi un livre remarquĂ© sur l’histoire des sociĂ©tĂ©s montagnardes mĂ©diterranĂ©ennes depuis la prĂ©histoire, considĂ©rĂ©es sous l’angle de leur rapport Ă  l’environnement [118]. 36 Mais Ă  la fin des annĂ©es 1990, la sortie du Guns, Germs and Steel de Jared Diamond marque le grand retour de l’histoire environnementale globale [119]. L’ouvrage – qui relĂšve plus de la haute vulgarisation que d’un travail acadĂ©mique – est un immense succĂšs commercial et critique prix Pulitzer. Diamond est un Ă©cologue formĂ© en physiologie, qui reprend ici la question qui Ă©tait dĂ©jĂ  celle de Crosby et McNeill comment expliquer la domination de l’Occident sur le reste du Monde, ou – comme il l’écrit – pourquoi est-ce Francisco Pizarro GonzĂĄlez qui a conquis l’empire Inca et non pas Atahualpa le royaume d’Espagne ? MĂ» par une recherche des lois gĂ©nĂ©rales de l’histoire qui Ă©voque par moments Arnold J. Toynbee, Jared Diamond dĂ©crit une chaĂźne causale initiĂ©e il y a prĂšs de 9000 ans, au dĂ©but du NĂ©olithique. C’est la disponibilitĂ© diffĂ©rentielle des animaux et des vĂ©gĂ©taux domesticables qui aurait suscitĂ© des dĂ©veloppements inĂ©gaux des sociĂ©tĂ©s en termes de rĂ©sistance aux germes, de complexitĂ© sociale, de crĂ©ativitĂ© technique. L’ouvrage mobilise l’archĂ©ologie, l’histoire, la gĂ©nĂ©tique, la linguistique, l’écologie dans un rĂ©cit au souffle indĂ©niable, mais oĂč des sĂ©quences historiques comme la rĂ©volution industrielle apparaissent comme des Ă©piphĂ©nomĂšnes, Ă  peine analysĂ©s. Il y a peu, Diamond a connu un nouveau succĂšs public avec son livre Collapse, dans lequel il propose une analyse des effondrements civilisationnels qu’ont provoquĂ©, dans le passĂ©, de mauvaises gestions des ressources environnementales [120]. 37 La logique de Jared Diamond est inspirĂ©e par la systĂ©mique Ă©cologique, mais aussi par les thĂ©ories Ă©volutionnistes et la gĂ©nĂ©tique des populations. Depuis ses dĂ©buts, l’histoire environnementale globale a empruntĂ© des mĂ©thodes, des cadrages, des raisonnements aux sciences de la nature [121]. Avec l’essor des sciences du systĂšme-Terre », ce sont de nouveaux objets comme l’oscillation climatique ENSO dont El Niño est une composante qui inspirent certaines de ses recherches [122]. C’est Mike Davis qui a fourni l’exemple le plus abouti d’une analyse intĂ©grĂ©e des facteurs climatiques, sociaux, Ă©conomiques et politiques, appliquĂ©e Ă  un phĂ©nomĂšne global les famines qui frappĂšrent la Chine, l’Inde, le BrĂ©sil et l’Afrique entre 1876 et 1902, causant entre 30 et 60 millions de morts [123]. Il dĂ©crit l’impact catastrophique du phĂ©nomĂšne ENSO sur des sociĂ©tĂ©s colonisĂ©es, dĂ©stabilisĂ©es par l’impĂ©rialisme occidental et/ou intĂ©grĂ©es depuis peu Ă  une Ă©conomie-monde centrĂ©e sur Londres. Il propose dans la foulĂ©e une gĂ©nĂ©alogie du Tiers Monde » – dont ces gigantesques famines, analysĂ©es ici dans les termes de l’histoire environnementale, auraient fixĂ© jusqu’à aujourd’hui l’état de domination Ă©conomique et politique. 38 Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, avec le succĂšs de J. Diamond et le renouveau de l’histoire globale, les ouvrages proposant des histoires environnementales planĂ©taires se sont multipliĂ©s. Donald Hughes a dĂ©ployĂ© une gamme impressionnante d’études de cas – empruntĂ©s aussi bien Ă  l’ancienne Sumer qu’à l’administration Clinton – pour analyser les dynamiques, souvent dĂ©lĂ©tĂšres, de co-Ă©volution des sociĂ©tĂ©s et de leurs Ă©cosystĂšmes [124]. John Richards, lui, se focalise sur une sĂ©quence historique particuliĂšre l’essor des États et de leurs populations, entre 1500 et 1800 [125]. Il pointe le contraste entre des sociĂ©tĂ©s engagĂ©es dans une gestion raisonnĂ©e de leurs ressources le Japon du XVIIIe siĂšcle et celles portĂ©es Ă  Ă©tendre sans fin leurs fronts d’exploitation et d’occupation les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes. Kenneth Pomeranz fait des facteurs Ă©cologiques une donnĂ©e primordiale dans la grande divergence » entre l’Orient et l’Occident au tournant des XVIIIe et XIXe siĂšcles [126]. Avec John McNeill, c’est l’idĂ©e d’une rupture historique qui est centrale pour lui, il y a eu du nouveau sous le soleil » au XXe siĂšcle [127]. Les interactions sociĂ©tĂ©-environnement se sont intensifiĂ©es jusqu’à provoquer des effets d’une telle ampleur qu’ils sont devenus le phĂ©nomĂšne historique le plus important du siĂšcle Ă©coulĂ©. C’est toute la vision de l’histoire qui en est changĂ©e. La pollution atmosphĂ©rique tue plus que les deux guerres mondiales ; Churchill ou Guillaume II s’effacent derriĂšre Thomas Midgley, l’inventeur de l’essence au plomb et du premier gaz CFC [128]. 39 Depuis ses dĂ©buts, on le voit, l’histoire environnementale globale a produit un nombre important d’ouvrages, qui ont connu une grande visibilitĂ© dans le monde anglo-saxon via l’enseignement et une diffusion grand public » [129]. Á l’intersection de l’histoire environnementale et de l’histoire globale, elle a jouĂ© un rĂŽle moteur dans l’essor de ces deux secteurs de la recherche historique. En revanche, elle n’a suscitĂ© qu’un Ă©cho restreint chez les historiens français la tendance Ă  la focalisation sur le cadre national et une certaine mĂ©fiance vis-Ă -vis des rĂ©cits englobants et de haute vulgarisation y ont certainement contribuĂ©. Environnement, impĂ©rialisme, colonisation 40 L’étude des inĂ©galitĂ©s de niveau de vie et de puissance Ă  l’échelle planĂ©taire est l’une des questions sĂ©minales de l’histoire environnementale, et des approches comme celles de Crosby irriguent depuis les annĂ©es 1970 l’étude de la premiĂšre colonisation ». Cependant, les recherches abordant la question coloniale sous l’angle de l’histoire environnementale ont surtout pris leur essor depuis la fin des annĂ©es 1980. 41 Ces travaux ont tout d’abord permis de dresser un bilan environnemental du colonialisme, et de mesurer les effets Ă©cologiques souvent dĂ©sastreux de la dĂ©structuration des systĂšmes politiques et Ă©conomiques d’avant la conquĂȘte [130]. Les autres transformations Ă©co-systĂ©miques suscitĂ©es par la colonisation ont aussi retenu l’attention, notamment celles liĂ©es au transport et Ă  la mise en culture des espĂšces vĂ©gĂ©tales Ă  l’échelle du globe [131]. La botanique et l’agronomie tropicale – qui ont promu ou organisĂ© cette circulation des espĂšces – ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es par des chercheurs venus des Science Studies, qui ont Ă©galement analysĂ© les outils de gouvernement que constituent les politiques d’ amĂ©lioration » et de modernisation » agricole [132]. Ces recherches ont aussi rĂ©vĂ©lĂ© l’importance du terreau colonial dans la naissance et le dĂ©veloppement de l’écologie scientifique [133]. 42 Par ailleurs, l’histoire environnementale a montrĂ© que les espaces coloniaux ont Ă©tĂ© des laboratoires pour l’émergence des prĂ©occupations, des thĂ©ories et des pratiques de protection environnementale. C’est notamment lĂ  que les puissances europĂ©ennes ont expĂ©rimentĂ© leurs politiques prĂ©servationnistes, aux XIXe et XXe siĂšcles. Cela est apparu clairement pour la Grande-Bretagne Ă  la suite d’un livre coordonnĂ© par Richard Grove et David Anderson, oĂč ces politiques Ă©taient rĂ©solument interprĂ©tĂ©es comme des produits et des instruments de la domination coloniale [134]. L’annĂ©e suivante, John Mackenzie apportait une consistance supplĂ©mentaire Ă  cette thĂšse, dans son livre sur les liens entre chasse, impĂ©rialisme et conservation [135]. Il y analysait toute la symbolique de la chasse au gros gibier – mise en scĂšne comme le triomphe de l’homme blanc sur la nature sauvage – et les mesures de protection animaliĂšre mises en place pour en perpĂ©tuer l’existence. Il pointait les restrictions d’accĂšs aux espaces et aux animaux imposĂ©es, dans le mĂȘme mouvement, aux populations africaines et indiennes. Ces problĂ©matiques ont connu par la suite des dĂ©veloppements importants, avec notamment de nombreux travaux sur le gibier et son management colonial et post-colonial [136]. 43 Le cas de l’Afrique du Sud a beaucoup retenu l’attention Jane Carruthers a consacrĂ© plusieurs livres au Kruger National Park, et William Beinart a proposĂ© de rĂ©interprĂ©ter l’histoire de ce pays en l’analysant comme une sociĂ©tĂ© coloniale aux prises avec une dĂ©gradation constante de son environnement causĂ©e notamment par la prolifĂ©ration des ovins [137]. 44 Dans des travaux rĂ©cents comme ceux de Beinart, sous l’effet du basculement historiographique provoquĂ© par les travaux de Richard Grove [138], les pratiques de prĂ©servation ou de conservation ne sont plus vues comme de simples moyens de l’impĂ©rialisme, mais reliĂ©es Ă  l’émergence de pensĂ©es et d’éthiques proto-Ă©cologiques, parfois inspirĂ©es par les cultures des colonisĂ©s. Les travaux de Grove ont Ă©tĂ© essentiels sur deux points. D’abord, il a montrĂ© que c’est dĂšs l’époque moderne que les EuropĂ©ens ont rĂ©agi face aux consĂ©quences Ă©cologiques dĂ©sastreuses de l’économie de plantation, Ă  l’Ɠuvre dans leurs colonies insulaires. De plus, ses recherches l’ont amenĂ© Ă  rejeter les interprĂ©tations qui faisaient de l’environnementalisme colonial un simple faux nez » de l’impĂ©rialisme. Pour lui, il rĂ©sulte aussi d’une rencontre crĂ©atrice avec la nature et les populations colonisĂ©es, dont les effets feront plus tard retour en Occident c’est le sens de son concept de Green Imperialism. 45 Cette relecture des dynamiques centre/pĂ©riphĂ©rie s’est Ă©galement accomplie par l’importation de concepts et de mĂ©thodes d’analyse venus des Subaltern Studies. Le projet subalterniste Ă©merge au dĂ©part comme une exploration des formes d’action et de rĂ©sistance des paysans indiens [139]. DĂšs les annĂ©es 1980, Ramachandra Guha importe cette problĂ©matique sur le terrain environnemental [140]. Il Ă©tudie le mouvement Chipko alors en cours, oĂč les villageois de la rĂ©gion de l’Uttarakhand s’opposent Ă  l’exploitation commerciale de leurs forĂȘts [141]. Il montre que ce phĂ©nomĂšne s’inscrit dans une histoire longue, celle de la confrontation des populations locales aux administrateurs et aux praticiens de la foresterie scientifique, sous le Raj et au-delĂ . Cette analyse permet Ă  Guha de restituer l’économie morale et cognitive complexe qui prĂ©side Ă  la gestion des Ă©cosystĂšmes par les communautĂ©s villageoises. Ce qui apparaĂźt nettement en regard, c’est la continuitĂ© entre les logiques coloniales et nationalistes/modernisatrices d’exploitation des ressources naturelles [142]. Guha prolongera cette rĂ©flexion avec une histoire Ă©cologique de l’Inde publiĂ©e en collaboration, oĂč il rĂ©interprĂšte les castes et les croyances hindouistes comme des systĂšmes socio-culturels organisant l’allocation et l’utilisation soutenable des ressources [143]. 46 L’histoire environnementale coloniale s’est aujourd’hui structurĂ©e, dans le monde anglo-saxon, comme un sous-champ acadĂ©mique dotĂ© de cursus, de manuels et de rendez-vous savants [144]. Les historiens français, quant Ă  eux, avaient investi ces questions dans les annĂ©es 1990, avec des travaux venus surtout de l’histoire des sciences [145] et des Ă©tudes indianistes. Jacques Pouchepadass, notamment, a fait beaucoup pour importer et les Subaltern Studies et les approches de l’histoire environnementale appliquĂ©es au sous-continent indien et/ou aux questions forestiĂšres [146]. Mais ces approches ont nettement marquĂ© le pas dans les annĂ©es 2000. Pourtant, l’étude des empires coloniaux français offre plus que jamais de riches perspectives en matiĂšre d’histoire environnementale, comme le montre la parution rĂ©cente du livre de Diana Davis sur la colonisation algĂ©rienne – qu’elle aborde via l’analyse des discours et des reprĂ©sentations traitant de la nature et de son histoire [147]. Environnement urbain et inĂ©galitĂ©s environnementales 47 L’étude de l’environnement urbain est aujourd’hui une thĂ©matique centrale de l’histoire environnementale. Mais cette situation est rĂ©cente. En effet, celle-ci a longtemps dĂ©laissĂ© les villes, identifiĂ©es Ă  de pures constructions humaines, pour se focaliser sur les interactions entre les groupes humains et une Nature » souvent essentialisĂ©e [148]. 48 La situation a Ă©voluĂ© Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1990. En tĂ©moigne le retentissement du livre de William Cronon sur Chicago, paru en 1991 [149]. Il y analyse les processus d’interaction qui ont dĂ©cidĂ© Ă  la fois de l’essor de cette mĂ©tropole et d’une transformation radicale d’une vaste portion du territoire amĂ©ricain, allant des Grands lacs aux Rocky Mountains. Il montre que les besoins de Chicago en bois, en viande, en cĂ©rĂ©ales ont suscitĂ© des transformations massives de cet espace, catalysĂ©es par l’usage de dispositifs techniques Ă©lĂ©vateur Ă  grains, camions-frigo dont il souligne le rĂŽle-clĂ©. Le travail de Cronon marque une rupture historiographique la frontiĂšre intĂ©rieure » amĂ©ricaine est rĂ©interprĂ©tĂ©e comme un front de transformation environnementale dont les villes sont le foyer ; l’opposition entre le naturel » et l’urbain laisse place Ă  une analyse des processus de co-construction des villes et de leurs hinterlands. L’ouvrage inaugure aussi un genre Ă©ditorial aujourd’hui florissant les Ă©co-biographies » urbaines. Ces travaux proposent une relecture de l’histoire des grandes villes, vues sous l’angle des transformations environnementales, des conflits d’usage des ressources, des problĂšmes de nuisances qu’elles suscitĂšrent et qui contribuĂšrent Ă  les façonner en retour [150]. Les fleuves ont particuliĂšrement attirĂ© l’attention des Ă©co-biographes, qui ont analysĂ© leurs rĂŽles moteurs en matiĂšre de dynamiques environnementales urbaines via l’alimentation en eau, les rejets, le transport et la conflictualitĂ© associĂ©e Ă  leurs usages [151]. 49 La question des nuisances et des pollutions est un thĂšme central de l’histoire environnementale urbaine, et l’importance sociĂ©tale prise par cette question a largement contribuĂ© Ă  son dĂ©veloppement. Les travaux sur les dĂ©chets, les pollutions industrielles, l’assainissement, l’alimentation en eau potable se sont multipliĂ©s dans la dĂ©cennie 1990, en s’appuyant sur les Ă©tudes de chercheurs qui travaillaient de longue date sur ces sujets, mais dans une perspective d’histoire des techniques [152]. Parmi eux, Joel Tarr et Martin Melosi, qui sont restĂ©s les auteurs plus influents sur ces questions, en signant d’innombrables articles et plusieurs ouvrages de synthĂšse [153]. La rĂ©gulation des nuisances urbaines met aux prises une grande variĂ©tĂ© d’acteurs responsables municipaux, industriels, Ă©lites techniciennes, mais aussi groupes de citoyens mobilisĂ©s au nom de leurs intĂ©rĂȘts ou d’un idĂ©al collectif. L’histoire de ces mouvements sociaux a suscitĂ© de nombreux travaux, notamment axĂ©s sur les questions de genre. Suellen Hoy a ainsi analysĂ© le triomphe, dans les annĂ©es 1870-1930, d’une aspiration Ă  la propretĂ© domestique mais aussi urbaine chez les femmes de la middle class amĂ©ricaine, Ă  l’origine d’un engagement massif en faveur des revendications nĂ©o-hygiĂ©nistes [154]. L’histoire des associations de propriĂ©taires, qui sont devenues Ă  partir des annĂ©es 1960 une composante essentielle du mouvement environnementaliste amĂ©ricain, est elle aussi bien documentĂ©e la revendication d’un cadre de vie sain » et naturel » y fait souvent cause commune avec une dĂ©fense des intĂ©rĂȘts patrimoniaux et un dĂ©sir de sĂ©grĂ©gation sociale et raciale [155]. 50 La montĂ©e des prĂ©occupations environnementales s’exprime, Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1970, par des mobilisations inĂ©dites suscitĂ©es par des problĂšmes de stockage des dĂ©chets des mobilisations caricaturĂ©es par le fameux slogan NIMBY, Not in my backyard ! . À la fin de la dĂ©cennie, des mouvements sociaux issus de la communautĂ© africaine-amĂ©ricaine se saisissent de ce problĂšme, pour dĂ©noncer les inĂ©galitĂ©s environnementales criantes subies par les populations noires. Ce mouvement, dit de l’environmental justice, parviendra peu Ă  peu Ă  imposer dans le dĂ©bat public la thĂ©matique des inĂ©galitĂ©s environnementales qui concernent l’exposition aux nuisances et aux risques, l’accĂšs Ă  un cadre de vie de qualitĂ©, la capacitĂ© d’agir sur ses conditions environnementales d’existence [156]. Dans la dĂ©cennie 1990, les travaux d’inspiration sociologique se multiplient pour analyser ces inĂ©galitĂ©s subies par les pauvres et les populations de couleur », thĂ©oriser le concept d’éco-racisme et produire une histoire du mouvement de l’environmental justice [157]. La recherche historique s’empare Ă©galement de ces questions, avec la parution en 1995 du livre trĂšs influent d’Andrew Hurley sur la ville de Gary, Indiana [158]. FondĂ©e en 1906 par la compagnie U. S Steel, Gary est tout au long du XXe siĂšcle l’une des villes les plus polluĂ©es des États-Unis. Andrew Hurley analyse sur le long terme l’évolution des inĂ©galitĂ©s environnementales. Il montre que celles-ci restent limitĂ©es jusqu’en 1950 – la population, regroupĂ©e en habitat compact, subissant une exposition homogĂšne aux pollutions – puis qu’elles explosent Ă  la suite de la suburbanisation et du dĂ©veloppement du travail en col blanc. L’un des grands apports du livre est de montrer les effets pervers de certaines formes de rĂ©gulation environnementale ainsi, Ă  Gary, les restrictions imposĂ©es aux rejets dans l’air et l’eau intensifiĂšrent la pollution des sols, accentuant les inĂ©galitĂ©s d’exposition au dĂ©triment des populations noires. La question des inĂ©galitĂ©s environnementales constitue aujourd’hui l’un des chantiers de recherche les plus prometteurs de l’histoire environnementale et, sans doute, de l’histoire sociale. 51 L’histoire environnementale urbaine est un secteur qui connaĂźt un important dĂ©veloppement en France depuis peu. Les travaux de GeneviĂšve Massard-Guilbaud sur les pollutions industrielles, qui analysent l’histoire des mĂ©canismes complexes de gestion administrative, de contrĂŽle sanitaire, de traitement juridique des nuisances urbaines, dans un long XIXe siĂšcle ont Ă©tĂ© prĂ©curseurs [159]. Les pollutions et les nuisances mobilisent aujourd’hui de nombreux historiens Thomas Le Roux et Jean-Baptiste Fressoz en ont traitĂ© dans des thĂšses rĂ©centes [160] ; Estelle Baret-Bourgoin les a Ă©tudiĂ©es sous l’angle d’une histoire des sensibilitĂ©s, dans le sillage des travaux d’Alain Corbin [161] ; Sabine Barles a utilisĂ© la notion de mĂ©tabolisme urbain » pour analyser les villes en tant que des Ă©cosystĂšmes producteurs d’excrata, re-consommĂ©s ou Ă©rigĂ©s en dĂ©chets » Ă  Ă©liminer [162] ; Laurence Lestel et AndrĂ© Guillerme ont traitĂ©, sur des modes diffĂ©rents, des formes de contamination induites par les activitĂ©s industrielles urbaines et pĂ©riurbaines [163]. 52 Il peut sembler Ă©tonnant de consacrer de si longs dĂ©veloppements Ă  l’histoire environnementale urbaine et de ne pas plus insister sur l’histoire et la gĂ©ographie rurales, dont le lien avec l’environnement paraĂźt plus Ă©vident. Ces champs de recherche Ă©tant dĂ©jĂ  constituĂ©s lorsque surgit l’histoire environnementale, ils sont restĂ©s en grande partie autonomes. En France, en particulier, la convergence est rĂ©cente et se fait relativement facilement, sans obliger l’histoire et la gĂ©ographie rurales Ă  modifier leurs mĂ©thodes [164]. L’attention aux dĂ©gradations, aux inĂ©galitĂ©s et Ă  la prĂ©servation de l’environnement est cependant moins prononcĂ©e. En revanche, de nombreuses Ă©tudes sont disponibles sur certaines des grandes questions de l’histoire environnementale, comme l’aliĂ©nation des communs et la gestion des ressources naturelles [165]. 53 Ce dossier thĂ©matique se veut un reflet du dynamisme que connaĂźt aujourd’hui l’histoire environnementale. Notre objectif est de donner Ă  voir un ensemble de travaux rĂ©cents que l’on peut considĂ©rer comme assez novateurs du point de vue de leurs objets d’étude et de leur mĂ©thodologie. Mais ces contributions partagent aussi d’importantes options historiographiques. 54 Tout d’abord, toutes refusent de considĂ©rer l’ environnement » comme un dĂ©jĂ -donnĂ©, un macro-objet transhistorique avec lequel les sociĂ©tĂ©s humaines entretiendraient des rapports qui – aussi Ă©troits soient-ils – seraient irrĂ©ductiblement des rapports d’extĂ©rioritĂ©. Ce sont les mĂ©diations symboliques et matĂ©rielles qui façonnent, dans chaque situation historique, des assemblages hommes-nature particuliers et changeants qui sont ici au cƓur des interrogations. Dans cette analyse des processus de co-construction des sociĂ©tĂ©s et de leur s environnement s, on trouvera une attention particuliĂšre portĂ©e aux sciences et aux techniques. Les pratiques savantes et techniciennes, les stratĂ©gies d’objectivation, les modalitĂ©s de production et d’usage des donnĂ©es seront analysĂ©es eu Ă©gard au rĂŽle souvent essentiel qu’elles jouent dans ces dynamiques de co-construction. 55 Les contributions qu’on va lire manifestent deux autres caractĂ©ristiques d’importance. La premiĂšre tient au souci de se dĂ©partir d’une focalisation sur le seul XXe siĂšcle, assez nette dans l’historiographie anglo-saxonne. Les travaux prĂ©sentĂ©s, au contraire, reflĂštent un intĂ©rĂȘt pour la longue durĂ©e, et l’analyse comparĂ©e des situations modernes et contemporaines y occupe une place importante. L’autre caractĂ©ristique que nous voudrions souligner est l’accent mis sur la recherche et l’exploitation de sources documentaires de tous ordres archives militaires, policiĂšres, savantes, administratives ; productions imprimĂ©es traitĂ©s, journaux, bulletins
 ; corpus cartographiques et numĂ©riques. À cette richesse des sources correspond une rĂ©flexion sur leurs conditions de production et d’usage par les acteurs, par l’historien qui mobilise Ă  la fois les outils de la rĂ©flexion historiographique et celles de l’histoire sociale et culturelle des savoirs, des discours et des reprĂ©sentations, mis au service de l’histoire environnementale. 56 Jean-Baptiste Fressoz examine les rĂ©gimes de rĂ©gulation des pollutions et des nuisances des XVIIIe et XIXe siĂšcles. Il analyse d’abord l’action de la police d’Ancien RĂ©gime, en premiĂšre ligne dans la prĂ©vention et la rĂ©solution des conflits environnementaux les commissaires quadrillent les quartiers, recueillent les plaintes des riverains et poursuivent ou font poursuivre les responsables des nuisances industrielles ou artisanales. Ces pratiques participent d’une biopolitique Ă  laquelle la thĂ©orie mĂ©dicale des climats fournit sa logique intellectuelle il faut agir sur tout ce qui façonne les corps et dĂ©cide de la santĂ© des populations. Fressoz analyse le fossĂ© qui sĂ©pare ces pratiques du nouveau rĂ©gime de rĂ©gulation, libĂ©ral et techniciste, qui s’impose au XIXe siĂšcle. La pĂ©nalitĂ© et la police des choses environnantes » disparaissent alors au profit d’une dĂ© rĂ©gulation administrative et juridique qui exonĂšre largement les industries polluantes. Dans le mĂȘme temps, la parole des Ă©lites savantes gagne en autoritĂ© et l’emporte de plus en plus sur celle des riverains et sur les jurisprudences inspirĂ©es par les savoirs pratiques. S’inaugure ainsi une Ăšre de grande permissivitĂ© vis-Ă -vis des pollutions et de leurs consĂ©quences sanitaires et sociales. 57 Fabien Locher s’intĂ©resse pour sa part Ă  une dimension inattendue de la rĂ©volution industrielle et informationnelle du second XIXe siĂšcle la transformation radicale qui affecte dans son sillage les savoirs, les pratiques et les reprĂ©sentations prenant pour objet l’atmosphĂšre et le temps qu’il fait ». Á partir des annĂ©es 1860, les communautĂ©s scientifiques et les États mettent en place les premiers services de prĂ©vision du temps. Ils utilisent des rĂ©seaux d’observateurs reliĂ©s par le tĂ©lĂ©graphe et des mĂ©thodes inĂ©dites de cartographie et d’anticipation des Ă©tats atmosphĂ©riques. C’est Ă  l’Observatoire de Paris, sous le Second Empire, que ces mĂ©thodes sont tout d’abord expĂ©rimentĂ©es. Elles se fondent sur le suivi d’entitĂ©s jusqu’alors inconnues, les dĂ©pressions, qui sont intronisĂ©es dans le mĂȘme mouvement en tant que des phĂ©nomĂšnes naturels ». Les reprĂ©sentations profanes de l’atmosphĂšre et du temps qu’il fait » vont peu Ă  peu se recomposer autour de l’existence de ces macro-mĂ©tĂ©ores, dont la presse donne chaque jour des nouvelles et des reprĂ©sentations. L’expertise scientifique sur le temps, quant Ă  elle, s’impose par le biais de stratĂ©gies d’accrĂ©ditation et de distinction qui doivent Ă©carter l’amalgame avec les annonces des astrologues Ă©diteurs d’almanachs. C’est une sorte d’archĂ©ologie de l’atmosphĂšre moderne qui est proposĂ©e cet atmosphĂšre, ses mĂ©tĂ©ores, y apparaissent Ă  la fois comme des reflets et des catalyseurs des transformations d’ensemble suscitĂ©es par l’industrialisation, l’essor des mĂ©dias et la premiĂšre mondialisation. 58 FrĂ©dĂ©ric Thomas analyse l’action des forestiers coloniaux en matiĂšre de protection des massifs indochinois, de la conquĂȘte Ă  la Seconde Guerre mondiale. DĂšs les annĂ©es 1860, la colonisation induit une dĂ©gradation des surfaces boisĂ©es. Les experts forestiers le constatent mais ils l’imputent aux populations locales, jugĂ©es incapables de gĂ©rer leur environnement [166]. Ce n’est que dans les annĂ©es 1890 que certaines portions de forĂȘt sont mises en rĂ©serve », c’est-Ă -dire soumises Ă  des coupes raisonnĂ©es. Mais comme le montre F. Thomas, ces rĂ©serves sont rĂ©duites et n’existent parfois que sur le papier. Les populations autochtones sont hostiles Ă  des mesures limitant leurs droits d’usage, mais il n’existe pas de grands mouvements d’opposition comme en Inde. FrĂ©dĂ©ric Thomas cherche ici Ă  mettre Ă  l’épreuve les thĂšses de Richard Grove, qui dominent largement l’histoire environnementale coloniale. Ses conclusions sont sans appel trop de travaux reprennent les arguments que Grove a mis en avant pour l’époque moderne en les appliquant sans discernement aux XIXe et XXe siĂšcles. Or, F. Thomas montre que c’est un tout autre rapport Ă  l’environnement qui s’impose dans le contexte colonial contemporain, sous le double signe de la technique et du capitalisme. 59 Ron Doel concentre son analyse sur les processus de co-construction des sociĂ©tĂ©s et de leur s environnement s, et le rĂŽle qu’y jouent les savoirs savants. En la matiĂšre, argumente-t-il, la recherche s’est abusivement focalisĂ©e sur l’histoire de l’écologie scientifique et ses liens au militantisme environnementaliste. C’est un tout autre aspect des interactions entre savoirs scientifiques et rapport Ă  l’environnement qu’il se propose d’explorer. Ici, ce n’est pas le Silent Spring de Rachel Carson qui est dĂ©terminant, mais les efforts des militaires Ă©tatsuniens pour se prĂ©parer Ă  un conflit ouvert avec l’URSS. DĂšs la fin des annĂ©es 1940, le Pentagone Ă©rige la connaissance de l’environnement physique de la Terre globe, ocĂ©ans, atmosphĂšre au rang d’objectif stratĂ©gique. L’environnement planĂ©taire doit ĂȘtre cartographiĂ©, sondĂ©, modĂ©lisĂ© pour ĂȘtre maĂźtrisĂ© en tant qu’espace d’évolution des missiles balistiques et des sous-marins nuclĂ©aires. Cette situation suscite une formidable mobilisation scientifique et technique, orchestrĂ©e par les instances militaires nord-amĂ©ricaines. Elle dĂ©bouche sur une vĂ©ritable rĂ©volution intellectuelle et acadĂ©mique, avec l’émergence des approches contemporaines, intĂ©gratives, prenant pour objet le systĂšme-Terre ». Ce sont ces pratiques et ces discours savants qui informent aujourd’hui une part importante des questionnements touchant aux atteintes environnementales globales. L’histoire qu’en livre R. Doel dĂ©place notre regard ainsi, ce n’est pas lors d’un Earth Day, mais au Pentagone, que la possibilitĂ© et les consĂ©quences d’un changement climatique global furent discutĂ©es pour la premiĂšre fois, un jour du printemps 1947. Il s’agissait alors d’évaluer ce que pourrait ĂȘtre son impact sur les glaces du PĂŽle nord, ce futur champ de bataille de la TroisiĂšme Guerre mondiale. Notes [1] Les auteurs tiennent Ă  remercier Étienne Anheim, FrĂ©dĂ©ric Graber, Philippe Minard, Dominique Pestre et les rapporteurs du comitĂ© de rĂ©daction de la RHMC, pour leurs rĂ©flexions et suggestions. [2] Mark CIOC, Char MILLER, Interview with Roderick Nash », Environmental History, 12-2, avril 2007, p. 399-407. En ligne [3] Roderick NASH, American environmental history a new teaching frontier », Pacific Historical Review, 41-3, aoĂ»t 1972, p. 362-372. En ligne [4] Donald WORSTER, History as natural history an essay on theory and method », Pacific Historical Review, 53-1, fĂ©vrier 1984, p. 1. En ligne [5] Robert DARNTON, Intellectual and cultural history » in Michael KAMMEN Ă©d., The Past before Us Contemporary Historical Writing in the United States, Ithaca, Cornell University Press, 1980, p. 334. Peter NOVICK, That Noble Dream. The Objectivity Question » and the American Historical Profession, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 421. [6] R. NASH, American
 », art. cit., p. 362-372. [7] Kirkpatrick SALE, The Green Revolution. The American Environmental Movement 1962-1992, New York, Hill and Wang 1993, p. 24. [8] Elle se poursuit sous le nom Environmental History Review en 1990, et devient Environmental History en 1996. [9] Carolyn COLUMN, From the President’s desk », ASEH News, Ă©tĂ©-hiver 2001. [10] Samuel P. HAYS, Conservation and the Gospel of Efficiency ; the Progressive Conservation Movement, 1890-1920, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1959. FondĂ©e en 1957 par la Forest History Society, la revue Forest History devient le Journal of Forest History Ă  partir de 1974. [11] Interview with Hal K. Rothman », Environmental History, 12-1, janvier 2007, p. 141-154. [12] Mark HARVEY, Donald Worster. Interview », Environmental History, 13-1, janvier 2008, p. 140-155. En ligne [13] William CRONON, The uses of environmental history », Environmental History Review, 17-3, automne 1993, p. 1-22. En ligne [14] M. CIOC, C. MILLER, Interview
 », art. cit., p. 402. [15] Roderick NASH, Wilderness and the American Mind 1967, New Haven, Yale University Press, 1982. Paradoxalement, l’histoire intellectuelle a exercĂ© une grande influence, par la redĂ©couverte de ces prĂ©curseurs. [16] D. WORSTER, Nature’s Economy A History of Ecological Ideas, San Francisco, Sierra Club Books, 1977 ; Hal ROTHMAN, A decade in the saddle confessions of a recalcitrant editor », Environmental History, 7-1, janvier 2002, p. 9-21. En ligne [17] W. CRONON, A place for stories nature, history, and narrative », The Journal of American History, 78-4, mars 1992, p. 1347-1376. En ligne [18] W. CRONON, Changes in the Land Indians, Colonists, and the Ecology of new England, New York, Hill and Wang, 1983 ; Richard WHITE, Land Use, Environment, and Social Change The Shaping of Island County, Seattle, University of Washington Press, 1980, et The Roots of Dependency Subsistence, Environment, and Social Change among the Choctaws, Pawnees, and Navajos, Lincoln, University of Nebraska Press, 1983. [19] Carolyn MERCHANT, The Death of Nature Women, Ecology and Scientific Revolution, San Francisco, Harper & Row, 1980. [20] C. MERCHANT Ă©d., Women and environmental history. Special issue », Environmental Review, 8-1, printemps 1984. [21] Stephen PYNE, Fire in America. A Cultural History of Wildland and Rural fire, Princeton, Princeton University Press, 1982. [22] John MCPHEE, The Control of Nature, New York, Farrar, Straus & Giroux, 1989 ; Marc REISNER, Cadillac Desert. The American West and its Disappearing Waters, New York, Penguin Books, 1986. [23] R. WHITE, American environmental history the development of a new historical field », Pacific Historical Review, 54-3, aoĂ»t 1985, p. 297-335. En ligne [24] Mary DOUGLAS, Aaron WILDAVSKY, Risk and Culture An Essay on the Selection of Technological and Environmental Dangers, Berkeley, University of California Press, 1983. [25] John H. PERKINS, Insects, Experts and the Insecticide Crisis the Quest for New Pest Management Strategies, New York, Plenum Press, 1982. Thomas R. DUNLAP, DDT Scientists, Citizens and Public Policy, Princeton, Princeton University Press, 1981. James WHORTON, Before Silent Spring Pesticides and Public Health in pre-DDT America, Princeton, Princeton University Press, 1974. [26] Arthur MCEVOY, The Fisherman’s Problem Ecology and Law in the California Fisheries, 1850- 1980, New York, Cambridge University Press, 1986. Peter BRIMBLECOMBE, The Big Smoke. A History of Air Pollution in London Since Medieval Times, Cambridge, Methuen, 1987. Kenneth JACKSON, Crabgrass Frontier The Suburbanization of the United States, Oxford, Oxford University Press, 1985. C. MERCHANT, Ecological Revolutions Nature, Gender and Science in New England, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1989. Ted STEINBERG, An ecological perspective on the origins of industrialization », Environmental Review, 10-4, hiver 1986, p. 261-276. [27] John M. MACKENZIE, The Empire of Nature Hunting, Conservation and British Imperialism, Manchester, Manchester University Press, 1988 ; Ramachandra GUHA, The Unquiet Woods. Ecological Change and Peasant Resistance in the Himalaya, Oxford, Oxford University Press, 1989 ; Peter C. PERDUE, Exhausting the Earth State and Peasant in Hunan, 1500-1850 A. D., Cambridge mass., Harvard University Press, 1987. [28] Keith THOMAS, Dans le jardin de la nature. La mutation des sensibilitĂ©s en Angleterre Ă  l’époque moderne 1983, Paris, Gallimard, 1985 ; Harriet RITVO, The Animal Estate The English and Other Creatures in the Victorian Age, Cambridge, Harvard University Press, 1987 ; J. MACKENZIE, The Empire
 , op. cit. [29] Elle a lieu Ă  l’University of California, Irvine en janvier 1982. Une sĂ©lection des communications est publiĂ©e dans Environmental Review, 6-2, automne 1982 et 7-1, printemps 1983. [30] Special issue theories of environmental history », Environmental Review, 11-4, hiver 1987. Cf. aussi John OPIE, Environmental history pitfalls and opportunities », Environmental Review, 7-1, printemps 1983, p. 8-16. [31] Journal of American History, 76-4, mars 1990, p. 1087-1187. [32] S. J. PYNE, Firestick history », The Journal of American History, 76-4, mars 1990, p. 1140. [33] W. CRONON, The uses
 », art. cit., p. 1-2. [34] P. NOVICK, That Noble
 , op. cit., p. 496, 459. [35] M. HARVEY, Donald
 », op. cit., p. 153-154. [36] Alfred CROSBY, The past and present of environmental history », American Historical Review, 100-4, octobre 1995, p. 1177-1190. En ligne [37] P. NOVICK, That Noble
 , op. cit., p. 489-490. [38] D. WORSTER, World without borders the internationalizing of environmental history », Environmental Review, 6-2, automne 1982, p. 8-13. En ligne [39] Ramachandra GUHA, Madhav GADGIL, State forestry and social confl ict in british India », Past and Present, 123, mai 1989, p. 141-177 ; ID., This fissured Land. An Ecological History of India, Berkeley, University of California Press, 1992. [40] R. GUHA, Radical american environmentalism and wilderness preservation a third world critique », Environmental Ethics, 11, 1989, p. 71-83. En ligne [41] Il vise en particulier Lynn WHITE JR., The historical roots of our ecologic crisis », Science, 155-3767, p. 1203-1207. [42] Richard GROVE, Conserving Eden the European East India companies and their environmental policies on St. Helena, Mauritius and in Western India, 1660 to 1854 », Comparative Studies in Society and History, 35-2, 1993, p. 318-351. En ligne [43] R. GROVE, Editorial », Environment & History, 1995, 1-1, p. 1-2. [44] R. GROVE, Environmental History », in Peter BURKE dir., New Perspectives on Historical Writing, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2001, p. 261-282. [45] W. CRONON Ă©d., Uncommon Ground. Toward reinventing Nature, New York, Norton, 1995. W. CRONON, The trouble with wilderness or, getting back to the wrong nature », Environmental History, 1-1, janvier 1996, p. 7-28. En ligne [46] Environmental History consacre un numĂ©ro spĂ©cial 1-1, janvier 1996 Ă  cet article, accompagnĂ© de critiques de Michael P. Cohen, Thomas R. Dunlap, Samuel P. Hays et d’une rĂ©ponse de William Cronon. [47] R. WHITE, From wilderness to hybrid landscapes the cultural turn in environmental history », The Historian, 66-3, automne 2004, p. 557-564. En ligne [48] Interview with Hal K. Rothman », art. cit., supra, [49] Ellen STROUD, Does nature always matter ? Following dirt through history », History and Theory, 42-4, dĂ©cembre 2003, p. 75-81. En ligne [50] Douglas R. WEINER, A death-defying attempt to articulate a coherent definition of environmental history », Environmental History, 10-3, juillet 2005, p. 404-420. En ligne [51] R. WHITE, The nationalization of nature », Journal of American History, 86-3, dĂ©cembre 1999, p. 976-989. En ligne [52] Edmund RUSSELL, Evolutionary history prospectus for a new field », Environmental History, 8-2, avril 2003, p. 204-228. En ligne [53] Stephen MOSLEY, Common ground integrating social and environmental history », Journal of Social History, 39-3, printemps 2006, p. 915-933. E. STROUD, Does nature
 », art. cit., p. 75-81. Ted STEINBERG, Down to earth nature, agency, and power in history », American Historical Review, 107-3, juin 2002, p. 798-820 En ligne [54] Sverker SÖRLIN, Paul WARDE, The problem of the problem of environmental history a re-reading of the field », Environmental History, 12-1, janvier 2007, p. 107-130. En ligne [55] R. WHITE, From wilderness
 », op. cit. ; Kristin ASDAL, The problematic nature of nature the post-constructivist challenge to environmental history », History and Theory, 42-4, dĂ©cembre 2003, p. 60-74. Jusqu’en 2009, vingt-trois articles d’Environmental History citent Bruno Latour, dont dix-sept depuis 2005, et sans privilĂ©gier pour autant l’ouvrage de Bruno LATOUR, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en dĂ©mocratie, Paris, La DĂ©couverte, 1999. En ligne [56] Verena WINIWARTER, Environmental history in Europe from 1994 to 2004 enthusiasm and consolidation », Environment & History, 10-4, 2004, p. 502. [57] Per ELIASSON, Poul HOLM, Timo MYLLINTAUS, Finland, Sweden, Danemark », Environment and History, 10-4, 2004, p. 508. Pour la Environmental History Bibliography Database http//www. foresthistory. org/research/ et voir pour la base de donnĂ©es intĂ©grĂ©e en histoire environnementale du Canada. [58] S. MOSLEY, Common ground
 », p. 918. [59] Richard JUDD, Approches en histoire environnementale le cas de la Nouvelle-Angleterre et du QuĂ©bec », Globe. Revue internationale d’études quĂ©bĂ©coises, 9-1, 2006, p. 67-92. StĂ©phane CASTONGUAY, Faire du QuĂ©bec un objet de l’histoire environnementale », Globe. Revue internationale d’études quĂ©bĂ©coises, 9-1, 2006, p. 17-49. [60] Franz-Josef BRÜGGEMEIER, A nature fit for industry. The environmental history of the Ruhr Basin 1840-1889 », Environmental History Review, 18-1, printemps 1994, p. 35-54. Peter BRIMBLECOMBE, Christian PFISTER Ă©d., The Silent Countdown. Essays in European Environmental History, Heidelberg, Springer Verlag, 1990. Joachim RADKAU, Nature and Power. A Global History of the Environment 2000, Cambridge, Cambridge University Press, 2008. Christof MAUCH, Thomas ZELLER Ă©d., The World Beyond the Windshield Roads and Landscapes in the United States and Europe, Athens, Ohio University Press, 2008. En ligne [61] Matthew W. KLINGLE, Spaces of consumption in Environmental History », History and Theory, 42-4, 2003, p. 94-110. En ligne [62] Christine MEISNER ROSEN, Christopher C. SELLERS, The nature of the firm towards an ecocultural history of business », Business History Review, 73-4, hiver 1999, p. 577-600. En ligne [63] Greg MITMAN, Christophe SELLERS, Michelle MURPHY, Introduction. Landscape of exposures. Knowledge and illness in modern environments », Osiris, 2nd series, 19, 2004, p. 1-17. C. SELLERS, Thoreau’s body towards an embodied environmental history », Environmental History, 4-4, octobre 1999, p. 486-514. En ligne [64] Soraya BOUDIA, Nathalie JAS, Introduction risk and “risk society” in historical perspective », History and Technology, 23-4, dĂ©cembre 2007, p. 317-331. En ligne [65] S. CASTONGUAY, The production of flood as natural catastrophe extreme events and the construction of vulnerability in the drainage basin of the St. Francis River Quebec mid-nineteenth to mid-twentieth century », Environmental history, 12-4, octobre 2007, p. 816-840. Michael KEMPE, Christian ROHR Ă©d., Coping with the unexpected-natural disasters and their perception », Environment and History, 9-2, 2003. Les prix de l’AEHES ont distinguĂ© rĂ©cemment plusieurs travaux sur les catastrophes Louis A. PEREZ JR., Winds of Change Hurricanes and the Transformation of Nineteenth-Century Cuba, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2001 meilleur livre 2001 ; Joanna DYL, Urban disaster an environmental history of San Francisco after the 1906 earthquake », Ph. D., Princeton University, 2007 meilleure thĂšse 2007. [66] Char MILLER, The Atlas of US and Canadian Environmental History, New York, Routledge, 2003. [67] Jacob DARWIN HAMBLIN, Gods and devils in the details marine pollution, radioactive waste, and an environmental regime circa 1972 », Diplomatic History, 32-4, septembre 2008, p. 539-560. Edmund RUSSELL, Richard P. TUCKER Ă©d., Natural Enemy, Natural Ally Toward an Environmental History of Warfare, Corvallis, Oregon State University Press, 2004. E. RUSSELL, War and Nature, Fighting Humans and Insects with Chemicals from World War 1 to Silent Spring, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. [68] Simon SCHAMA, Le paysage et la mĂ©moire 1995, Paris, Seuil, 1999. [69] John R. MCNEILL, Observations on the nature and culture of environmental history », History and Theory, 42, 2003, p. 29 ; Environment & History, 10-4, 2004, p. 407-530. [70] GeneviĂšve MASSARD-GUILBAUD, France », Environment & History, 10-4, 2004, p. 513-514. Le nombre de communications prĂ©sentĂ©es par des chercheurs d’institutions françaises aux congrĂšs de l’ESEH est passĂ© de 3 en 2001 St-Andrews Ă  7 en 2003 Prague, 9 en 2005 Sienne, 10 en 2007 Ă  Amsterdam, contre 31 pour l’Angleterre, 27 pour l’Allemagne, 14 pour la TchĂ©quie, et enfin 17 en 2009 Copenhague. [71] W. CRONON, The uses
 », art. cit., p. 14 ; A. CROSBY, The past
 », art. cit., p. 1184-1185 ; R. GROVE, Editorial », art. cit., p. 1-2. [72] D. WORSTER, World without
 », art. cit., p. 8-13. Dans Environmental Review, entre 1976 et 1985, deux articles font rĂ©fĂ©rence Ă  Lucien Febvre, trois Ă  Marc Bloch, trois Ă  Fernand Braudel. [73] G. MASSARD-GUILBAUD, De la “part du milieu” Ă  l’histoire de l’environnement », Le mouvement social, 200-3, 2002, p. 66, et Quelle histoire pour l’environnement ? », Annales des Mines, 48, octobre 2007, p. 30-37. [74] R. GUHA, M. GADGIL, This fissured
 , op. cit., p. 7. Richard C. HOFFMANN, Nancy LANGSTON, James C. MCCANN, Peter C. PERDUE, Lise SEDREZ, AHR conversation environmental historians and environmental crisis », The American Historical Review, 113, dĂ©cembre 2008, p. 1431-1465. Dipesh CHAKRABARTY, The climate of history four theses », Critical Inquiry, 35, hiver 2009, p. 197-222. En ligne [75] Lucien FEBVRE, La terre et l’évolution humaine 1922, Paris, Albin Michel, 1970, p. 43, 131. [76] Florian CHARVOLIN, L’invention de l’environnement en France, Paris, La DĂ©couverte, 2003. En ligne [77] Pierre GEORGE, L’environnement, Paris, PUF, 1971, p. 5-7 et 126 ; Emmanuel LE ROY LADURIE, Histoire et environnement », Annales ESC, 29-3, mai-juin 1974, p. 537. [78] Ibidem et E. LE ROY LADURIE, Pour une histoire de l’environnement la part du climat », Annales E. S. C., 25-5, septembre-octobre 1970, p. 1459-1470. [79] Caroline FORD, Landscape and environment in French historical and geographical thought new directions », French Historical Studies, 24-1, 2001, p. 125-134. Les gĂ©ographes aussi sont loin d’ĂȘtre Ă©trangers Ă  cette lecture Paul CLAVAL, Histoire de la gĂ©ographie française de 1870 Ă  nos jours, Paris, PUF, 1995. [80] Susan W. FRIEDMAN, Marc Bloch. Sociology and Geography. Encountering changing disciplines, Cambridge, Cambridge University Press, 1996. En ligne [81] François DOSSE, L’histoire en miettes 1987, Paris, La DĂ©couverte, 2005, p. 128-138. [82] Marc BLOCH, Apologie pour l’histoire ou mĂ©tier d’historien 1949, Paris, Armand Colin, 1993, p. 81-83. [83] E. LE ROY LADURIE, Le territoire de l’historien, Paris, Gallimard, 1973, p. 417 et 522. [84] Georges BERTRAND, Pour une histoire Ă©cologique de la France rurale », in Georges DUBY et Armand WALLON Ă©d., Histoire de la France rurale, t. 1, Des origines Ă  1340, Paris, Seuil, 1975, p. 37-113. [85] Jacques LE GOFF Ă©d., La Nouvelle histoire, Paris, Retz, 1978. [86] AndrĂ© BURGUIÈRE, Les Bretons de Plozevet, Paris, Flammarion, 1977. [87] Corinne BECK, Robert DELORT Ă©d., Pour une histoire de l’environnement, Paris, CNRS Éditions, 1991. [88] Marc JOLIVET, Un exemple d’interdisciplinaritĂ© au CNRS le PIREN 1979-1989 », Revue pour l’histoire du CNRS, 4, mai 2001 ; Alain PAVÉ, Deux programmes de recherche sur l’environnement dans les annĂ©es 1990-1998 le programme Environnement, puis le programme Environnement, Vie et SociĂ©tĂ©s », Revue pour l’histoire du CNRS, 4, mai 2001. [89] François WALTER, L’historien et l’environnement. Vers un nouveau paradigme », Natures, Sciences, SociĂ©tĂ©s, 2-1, 1994, p. 31-42. [90] Pour un exemple rĂ©cent, cf. Corinne BECK, Yves LUGINBHÜL, Tatiana MUXART Ă©d., Temps et espaces des crises de l’environnement, Versailles, Éditions Quae, 2006. Ce volume ne compte que cinq historiens sur vingt-six contributions venant de la gĂ©ographie physique, de l’anthropologie, de la sismologie, du droit, de l’économie, de l’archĂ©ologie. [91] Colloque de l’Association française des historiens Ă©conomistes de 1995, publiĂ© dans Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, 1997-3, n° spĂ©cial Environnement et dĂ©veloppement Ă©conomique », p. 315-547 ; ou par exemple Elisabeth CROUZET, Jalons pour une histoire de l’environnement vĂ©nitien la lagune de Torcello », in Milieux naturels et espaces sociaux. Études offertes Ă  R. Delort, Paris, Presses de l’UniversitĂ© Paris-Sorbonne, 1997, p. 85-93, et Toward an ecological understanding of the myth of Venice », in Dennis ROMANO, John MARTIN Ă©d., Venice reconsidered, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2000, p. 39-64. [92] Sans aucun souci d’exclusivitĂ©, citons par exemple Pierre TOUBERT, Les structures du Latium mĂ©diĂ©val. Le Latium mĂ©ridional et la Sabine du IXe siĂšcle Ă  la fin du XIIe siĂšcle, Rome, École française de Rome, 1973 ; Bernard PICON, L’espace et le temps en Camargue, Arles, Actes Sud, 1988 ; Alain CORBIN, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social XVIIIe-XIXe siĂšcles, Paris, Aubier, 1982 ; Serge BRIFFAUD, Naissance d’un paysage. La montagne pyrĂ©nĂ©enne Ă  la croisĂ©e des regards. XVIe-XIXe siĂšcles, Toulouse, A. G. M Archives des Hautes PyrĂ©nĂ©es CIMA CNRS, 1994. [93] Le sain et le malsain », Dix-huitiĂšme siĂšcle, 9, 1977 ; Reynald ABAD, Les tueries Ă  Paris sous l’Ancien RĂ©gime ou pourquoi la capitale n’a pas Ă©tĂ© dotĂ©e d’abattoirs aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles », Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, 1998-4, p. 649-676. [94] Pour rĂ©pondre Ă  ce problĂšme rĂ©current d’identification et de visibilitĂ©, le projet ANR Kindunos responsable G. Quenet est en train de construire une base de donnĂ©es bibliographique en histoire environnementale de la France. Notons par ailleurs qu’en juillet 2009, aucune bibliothĂšque française n’était abonnĂ©e Ă  la revue de rĂ©fĂ©rence Environmental History la version papier paraĂźt depuis 1976. [95] ConsidĂ©rĂ© comme le fondateur de l’éco-histoire, Robert Delort est citĂ© deux fois entre 1976 et 2009 dans Environmental History. Sur les difficultĂ©s de rĂ©ception de l’histoire environnementale amĂ©ricaine, cf. Jean HEFFER, compte rendu de William Cronon, Nature’s Metropolis, Annales HSS, 48-4, juillet-aoĂ»t 1993, p. 966-968. [96] Paul J. CRUTZEN, IGBP Newsletter 41, May 2000. [97] C’est le principal reproche que l’on peut faire Ă  R. DELORT, F. WALTER, Histoire de l’environnement europĂ©en, Paris, PUF, 2001. [98] G. MASSARD-GUILBAUD, Quelle histoire
 », art. cit. [99] S. P. HAYS, Conservation
 , op. cit. [100] Elmo E. RICHARDSON, Dams, Parks, and Politics Resource Development and Preservation in the Truman-Eisenhower Era, Lexington, University of Kentucky Press, 1973 ; John ADAMS, Damming the Colorado the Rise of the Lower Colorado River Authority 1933-1939, College Station, Texas A&M. University Press, 1990. [101] John REIGER, American Sportsmen and the Origins of Conservation, New York, Winchester Press, 1975 ; Louis S. WARREN, The Hunter’s Game Poachers and Conservationists in Twentieth-Century America, New Haven, Yale University Press, 1997 ; Karl JACOBY, Crimes against Nature Squatters, Poachers, Thieves, and the Hidden History of American Conservation, Berkeley, University of California Press, 2001. [102] D. WORSTER, Dust Bowl
 , op. cit. [103] Par exemple Tim LEHMAN, Public Values, Private Lands Farmland Preservation Policy, 1933- 1985, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1995. [104] R. NASH, Wilderness
 , op. cit. [105] Alfred RUNTE, National Parks The American Experience, Lincoln, University of Nebraska Press, 1979. [106] James A. PRITCHARD, Preserving Yellowstone’s Natural Conditions Science and the Perception of Nature, Lincoln, University of Nebraska Press, 1999. [107] Marguerite S. SHAFFER, See America First Tourism and National Identity, 1880-1940, Washington, Smithsonian Institution Press, 2001. Les recherches sur l’histoire environnementale du tourisme se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©es au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Voir par exemple Blake HARRISON, The View From Vermont Tourism and the Making of an American Rural Landscape, Burlington/Hanover, University of Vermont Press/University Press of New England, 2006 ; Connie Y. CHIANG, Shaping the Shoreline. Fisheries and Tourism on the Monterey Coast, Seattle, University of Washington Press, 2008. [108] Mark D. SPENCE, Dispossessing the Wilderness Indian Removal and the Making ok the National Parks, Oxford, Oxford University Press, 1999. Voir aussi Theodore CATTON, Inhabited Wilderness Indians, Eskimos, and National Parks in Alaska, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1997, et K. JACOBY, Crimes against Nature, op. cit. [109] Cf. la contribution de F. THOMAS, dans ce n° ; Adel SELMI, Administrer la nature. Le parc national de la Vanoise, Paris, Éditions de la MSH-Quae Éditions, 2006 ; C. FORD, Nature, culture and conservation in France and her colonies, 1840-1940 », Past & Present, 183, 2004, p. 173-198. [110] Isabelle MAUZ, Histoire et mĂ©moires du parc national de la Vanoise, 1921-1971 la construction, Grenoble, Hors-sĂ©rie de la Revue de GĂ©ographie Alpine, Ascendances », 2003. Voir aussi le travail en cours de Guillaume BLANC, Logiques identitaires, logiques nationales les territoires des parcs nationaux QuĂ©bec, France, Éthiopie », UniversitĂ© Paris 1/UniversitĂ© du QuĂ©bec Trois-RiviĂšres thĂšse en cours. [111] F. CHARVOLIN, L’invention de l’environnement
 , op. cit. [112] A. CROSBY, The Columbian Exchange. Biological and Cultural Consequences of 1492, Wesport, Greenwood, 1972. [113] A. CROSBY, Ecological Imperialism. The Biological Expansion of Europe, 900-1900, Cambridge, Cambridge University Press, 1986. [114] William MCNEILL, The Rise of the West. A History of the Human Community, Chicago, University of Chicago Press, 1963. Cf. Caroline DOUKI, Philippe MINARD, Histoire globale, histoires connectĂ©es un changement d’échelle historiographique », RHMC, 54-4 bis, suppl. 2007, p. 7-21 p. 9. [115] W. MCNEILL, The Human Condition An Ecological and Historical View, Princeton, Princeton University Press, 1980. [116] Parmi eux, William Cronon, Donald Worster, Richard White. [117] J. Donald HUGHES, Pan’s Travail Environmental Problems of the Ancient Greeks and Romans, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1994. Hughes envisage l’essor et le dĂ©clin des civilisations antiques en considĂ©rant leurs liens avec les dommages infl igĂ©es aux environnements dĂ©forestation, surexploitation des sols, destruction de la faune
. [118] J. R. MCNEILL, The Mountains of the Mediterranean World An Environmental History, New York, Cambridge University Press, 1992. [119] Jared DIAMOND, De l’inĂ©galitĂ© parmi les sociĂ©tĂ©s 1997, Paris, Gallimard, 2000. [120] J. DIAMOND, Effondrement. Comment les sociĂ©tĂ©s dĂ©cident de leur disparition ou de leur survie 2005, Paris, Gallimard, 2006. [121] Ses praticiens ont souvent des formations hybrides. Ainsi J. Donald Hughes a-t-il eu Ă  la fois une formation en gĂ©nĂ©tique vĂ©gĂ©tale, en histoire et en thĂ©ologie. oralhists-fndrs consultĂ© le 29 mai 2009. [122] Par exemple Brian FAGAN, Floods, Famines, and Emperors, New York, Basic Books, 1999. L’étude du climat et de son histoire mobilise aujourd’hui de nombreux historiens de l’environnement. HĂ©ritiers des travaux pionniers d’Emmanuel Le Roy Ladurie, ils sont engagĂ©s dans un vaste travail de collecte et d’analyse des donnĂ©es climatiques anciennes. Rudolf BRÁZDIL, Christian PFISTER, Heinz WANNER, Hans Von STORCH, JĂŒrg LUTERBACHER, Historical climatology in Europe – the state of the art », Climatic Change, 70, 2005, p. 363-430. [123] Mike DAVIS, GĂ©nocides tropicaux. Catastrophes naturelles et famines coloniales. Aux origines du sous-dĂ©veloppement 2001, Paris, La DĂ©couverte, 2003. [124] J. D. HUGHES, An Environmental History of the World Humankind’s Role in the Community of Life, Londres, Routledge, 2001. [125] John F. RICHARDS, The Unending Frontier An Environmental History of the Early Modern World, Berkeley, University of California Press, 2003. [126] Kenneth POMERANZ, The Great Divergence. China, Europe and the Making of the Modern World Economy, Princeton, Princeton University Press 2000 trad. fr. Ă  paraĂźtre en 2010 aux Ă©ditions Albin Michel. Pour une prĂ©sentation synthĂ©tique, cf. K. POMERANZ, La force de l’empire rĂ©volution industrielle et Ă©cologie, ou pourquoi l’Angleterre a fait mieux que la Chine, Alfortville, Éditions Ăše, 2009. [127] J. MCNEILL, Something New Under the Sun An Environmental History of the Twentieth-Century World, New York, W. W. Norton & Co, 2000. Pour une recension rĂ©cente, voir Jean-François MOUHOT, Du nouveau sous le Soleil. Une histoire environnementale du XXe siĂšcle », Revue Internationale des Livres et des IdĂ©es, 11, 2009, p. 4-11. [128] Rappelons que les gaz CFC sont les responsables du fameux trou » dans la couche d’ozone atmosphĂ©rique. [129] Citons Ă©galement le livre de Joachim Radkau qui, Ă  l’issue d’un macro-rĂ©cit qui se dĂ©ploie sur plus de 10 000 ans, pointe notre entrĂ©e rĂ©cente dans une phase de globalisation et de non-soutenabilitĂ© radicale des activitĂ©s Ă©conomiques, d’abord expĂ©rimentĂ©e aux États-Unis. PubliĂ© en allemand en 2000, l’ouvrage a Ă©tĂ© traduit depuis peu et il connaĂźt une seconde vie » dans le monde anglo-saxon Joachim RADKAU, Nature and Power A Global History of the Environment 2000, Cambridge, Cambridge University Press, 2008. [130] Par exemple James L. GIBLIN, The Politics of Environmental Control in Northeastern Tanzania, 1840-1940, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1992. [131] Christophe BONNEUIL, Marie-NoĂ«lle BOURGUET, De l’inventaire du globe Ă  la mise en valeur du monde. Botanique et colonisation », Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer, 86, 1999, p. 7-38. [132] Richard DRAYTON, Nature’s Government Science, Imperial Britain, and the Improvement » of the World, New Haven, Yale University Press, 2000 ; C. BONNEUIL, Development as experiment science and state building in late colonial and postcolonial Africa, 1930-1970 », Osiris, 15, 2000, p. 258-281. [133] Peder ANKER, Imperial Ecology Environmental Order in the British Empire, 1895-1945, Cambridge Ma., Harvard University Press, 2001. [134] David ANDERSON, Richard GROVE Ă©d., Conservation in Africa Peoples, Policies and Practice, Cambridge, Cambridge University Press, 1987. [135] J. M. MACKENZIE, The Empire of Nature
 , op. cit. [136] Par exemple Roderick P. NEUMANN, Imposing Wilderness Struggles over Livehood and Nature Preservation in Africa, Berkeley, University of California Press, 1998 sur la Tanzanie. [137] Le plus rĂ©cent est Jane CARRUTHERS, Wildlife and Warfare the life of James Stevenson-Hamilton, Pietermaritzburg, University of Natal Press, 2001 ; William BEINART, The Rise of Conservation in South Africa Settlers, Livestock, and the Environment 1770-1950, Oxford, Oxford University Press, 2003. [138] R. GROVE, Green Imperialism
 , op. cit. [139] Cf. Ranajit GUHA, Elementary Aspects of Peasant Insurgency in Colonial India, Delhi, Oxford University Press, 1983. [140] R. GUHA, Forestry and social protest in British Kumaun, c. 1893-1921 », in Ranajit GUHA Ă©d., Subaltern Studies n° 4, Delhi, Oxford University Press, 1985, p. 54-101. [141] R. GUHA, The Unquiet Woods
 , op. cit. [142] Le mĂȘme constat a Ă©tĂ© fait en matiĂšre d’agriculture, RĂ©volution verte comprise. C. BONNEUIL, Development
 », art. cit. [143] M. GADGIL, R. GUHA, The fissured Land
 , op. cit. [144] À titre d’exemple, notons la parution rĂ©cente d’un sixiĂšme volume de l’Oxford History for the British Empire consacrĂ© Ă  ces questions William BEINART, Lotte HUGHES, Environment and Empire, Oxford, Oxford University Press, 2007. [145] En lien avec la problĂ©matique Sciences et empire ». Yvon CHATELIN, C. BONNEUIL Ă©d., Les sciences hors d’Occident au XXe siĂšcle, t. 3 Nature et environnement, Paris, Édition Orstom, 1995. [146] Jacques POUCHEPADASS Ă©d., Outre-Mers coloniaux et environnement », numĂ©ro spĂ©cial de la Revue d’Histoire d’Outre Mer, 299, 1993 avec des articles de Claire Bernard, MarlĂšne Buchy, GuĂ©hi Jonas Ibo et Anne Bergeret sur les forĂȘts et les politiques coloniales de protection de la nature. [147] Diana K. DAVIS, Resurrecting the Granary of Rome Environmental History and French Colonial Expansion in North Africa, Athens Oh., Ohio University Press, 2007. Sur l’AlgĂ©rie, voir aussi C. FORD, Reforestation, landscape conservation, and the anxieties of empire in french colonial Algeria », American Historical Review, 113, 2008, p. 341-362. [148] G. MASSARD-GUILBAUD, Pour une histoire environnementale de l’urbain », Histoire urbaine, 18, 2007, p. 5-21. En ligne [149] W. CRONON, Nature’s Metropolis. Chicago and the Great West, New York, W. W. Norton & Co, 1991. [150] Parmi les plus rĂ©cents, citons Matthew KLINGLE, Emerald City An Environmental History of Seattle, New Haven, Yale University Press, 2007. [151] Par exemple, pour la Nouvelle OrlĂ©ans et le Mississipi Ari KELMAN, A River and Its City The Nature of Landscape in New Orleans, Berkeley, University of California Press, 2003, mais aussi Isabelle BACKOUCHE, La trace du fleuve. La Seine et Paris 1750-1850, Paris, Éditions de l’EHESS, 2000, qui relĂšve en grande part d’une histoire environnementale. [152] Martin V. MELOSI, Garbage in the Cities Refuse, Reform and the Environment, 1880-1980, College Station, Texas A&M. University Press, 1981, constitue le premier ouvrage solide sur l’histoire des ordures et de leur gestion. [153] M. V. MELOSI, The Sanitary City Urban Infrastructure in America from Colonial Times to the Present, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2000 ; Joel A. TARR, The Search for the Ultimate Sink Urban Pollution in Historical Perspective, Akron Ohio, University of Akron Press, 1996. [154] Suellen HOY, Chasing Dirt The American Pursuit of Cleanliness, Oxford, Oxford University Press, 1995. [155] Adam ROME, The Bulldozer in the Countryside Suburban Sprawl and the Rise of American Environmentalism, New York, Cambridge University Press, 2001. Voir aussi M. DAVIS, City of Quartz. Los Angeles capitale du futur 1990, Paris, La dĂ©couverte, 2006, p. 137-203. [156] Andrew SZASZ, Ecopopulism Toxic Waste and The Movement for Environmental Justice, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1994. [157] Robert D. BULLARD, Dumping in Dixie Race, Class, and Environmental Quality, Boulder, Westview Press, 1990. [158] Andrew HURLEY, Environnemental Inequalities Class, Race, and Industrial Pollution in Gary, Indiana, 1945-1980, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1995. [159] SynthĂšse dans G. MASSARD-GUILBAUD, Une histoire sociale de la pollution industrielle dans les villes françaises 1789-1914 », Habilitation Ă  diriger des recherches, UniversitĂ© de Lyon-II, 2003, Ă  paraĂźtre. [160] L’article de Pierre-Denis BOUDRIOT, Essai sur l’ordure en milieu urbain Ă  l’époque prĂ©industrielle. Boues, immondices et gadoue Ă  Paris au XVIIIe siĂšcle », Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, 5-4, 1986, p. 515-528, est longtemps restĂ© un cas assez isolĂ©. Ce n’est plus le cas avec Thomas LE ROUX, Les nuisances artisanales et industrielles Ă  Paris, 1770-1830 », doctorat d’histoire, UniversitĂ© de Paris 1, 2007 ; et Jean-Baptiste FRESSOZ, La fi n du monde par la science », innovations, risques et rĂ©gulations de l’inoculation Ă  la machine Ă  vapeur, 1750-1850 », doctorat d’histoire, EHESS, 2009. [161] Estelle BARET-BOURGOIN, La ville industrielle et ses poisons. Les mutations des sensibilitĂ©s aux nuisances et aux pollutions industrielles Ă  Grenoble, 1810-1914, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2005. Voir aussi, dans une perspective non exclusivement urbaine Charles-François MATHIS, L’émergence d’une pensĂ©e environnementale en Angleterre au XIXe siĂšcle », doctorat en histoire, UniversitĂ© Paris 4, 2006. [162] Sabine BARLES, L’invention des dĂ©chets urbains. France, 1790-1970, Seyssel, Champ Vallon, 2005. [163] AndrĂ© GUILLERME, La naissance de l’industrie Ă  Paris. Entre sueurs et vapeurs, 1780-1830, Seyssel, Champ Vallon, 2007 ; Laurence LESTEL, Experts and water quality in Paris in 1870 », in Bill LUCKIN, G. MASSARD-GUILBAUD, Dieter SCHOTT Ă©d., Urban Environment Resources, Perceptions, Uses, Aldershot, Ashgate, 2005, p. 203-214. [164] Cf. en particulier les revues Études rurales et Histoire et sociĂ©tĂ©s rurales GĂ©rard CHOUQUER, Nature, environnement et paysage au carrefour des thĂ©ories », Études rurales, 2001, p. 235-251. Jean-Marc MORICEAU, De l’environnement au territoire regards croisĂ©s sur les sociĂ©tĂ©s rurales », Histoire et sociĂ©tĂ©s rurales, 16, 2001, p. 7-9. [165] Parmi des publications rĂ©centes, cf. Alice INGOLD, To historicize or naturalize nature hydraulic communities and administrative states in nineteenth-century Europe », French Historical Studies, 32-3, Ă©tĂ© 2009, p. 129-153 ; Marie-Danielle DEMÉLAS, Nadine VIVIER Ă©d., Les propriĂ©tĂ©s collectives face aux attaques libĂ©rales, 1750-1914 Europe occidentale et AmĂ©rique latine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003. [166] Ce discours – classique – ressortit du concept d’ orientalisme environnemental » Ă©laborĂ© par Suzana SAWYER, Arun AGRAWAL, Environmental orientalisms sexuality, race, conservation », Cultural Critique, 45, 2000, p. 71-108, et largement discutĂ© depuis.
français. Dolby Digital 5.1 . Sous-titrage 1. français . anglais . Format image. 16:9 compatible 4/3 format d'origine respecté 1.85 . Qualité. Pal . Durée (mn) 113 . couleur/noir blanc. couleur . Stéréo / Mono. stéréo . Edition. Standard . SKU. 1346416 . EAN. 3512391302481 . Contenu. Contenu : Le Film : American history X - Les bandes-annonces d'American history X
ï»żExposĂ© du 29 septembre 2010, par Mr Moreau-Hamel. Le film Ă©tudiĂ© prĂ©sente des idĂ©ologies trĂšs Ă©quivoques. Certaines scenes sont choquantes tant sur les propos que sur les actes
 Il est de notoriĂ©tĂ© commune de dire que l’amour d’autrui vaut mieux que la haine de son prochain. Mais depuis des temps innombrables, on peut voir le Monde entier se dĂ©chirer pour des questions de races, de religions, de couleurs de peaux ou d’idĂ©es politiques et morales. Peut-on aujourd’hui donner un seul exemple de societe civilisĂ©e qui a reussi a vivre depuis sa creation sans une once de ce qu’on appelle le racisme ou encore segregation ? Les differences entre les Hommes sont l’occasion de donner libre court a ces dĂ©rives idĂ©ologique. Le film American history X traite de ce sujet. Segregation anti-noire, antisionisme, antisĂ©mitisme, la question est de savoir comment se positionnent ces idĂ©ologies dans la morale kantienne. Pourquoi considerer qu’il existe des races inferieurs ? Comment s’articule l’edification d’une doctrine raciale a un point de vue philosophique ? Dans une premiere partie, nous verrons en quoi la haine de l’etranger pose un probleme moral religieux et social. Nous verrons ensuite en quoi l’endoctrinement de masse joue un rĂŽle clĂ© dans une idĂ©ologie tel que celle du DOC. Puis nous verrons enfin quelle place prend la mise en place de la loi du plus fort. I/ la haine de l’etranger, un problĂšme moral. De tout temps, la non-acceptation de l'autre a existĂ© ; on peut mĂȘme parler Ă  cet Ă©gard de constante du comportement humain, liĂ©e Ă  l'Ă©goĂŻsme et Ă  l'Ă©troitesse d'esprit, qui peut mĂȘme se manifester au sein d'une famille. C'est pourquoi toutes les morales du monde ont encouragĂ© la tolĂ©rance, et une plus grande comprĂ©hension de l'autre. » a/ En vĂ©ritĂ© je vous le dit » Je deteste tous ceux qui ne sont pas Blancs et protestants » Ainsi s’exprime Danny alors qu’on lui demande en quoi il croit. La doctrine neo-nazi presente des points commun a toute doctrine raciale. On note ici l’intolerance frappante qui se trouve dans cette phrase. Dans son intention de prise de conscience generale, American History X n’hesite pas a user des mots explicites et a tenter de lĂ©gitimer la xĂ©nophobie dans un but de dĂ©nonciation. Certain considere le racisme comme justifie par la Bible, GenĂšse 9 ;27 Dilatet Deus Iapheth, et habitet in tabernaculis Sem, sitque Chanaan servus eius. » La religion prend alors une part importante dans la mise en place de l’idĂ©ologie, car on use de l’immanence de Dieu pour justifier la haine raciale. Comment alors considerer un acte tel que cela en parallĂšle d’une doctrine religieuse qui prĂŽne l’amour de son prochain ? Relativement a ce que dit la Bible, une forme de suivit strict du dogme va se mettre en place afin de pouvoir agir en totale adequation avec la doctrine et les idĂ©es de l’eglise. Dans American History X le cote religieux de l’idĂ©ologie n’est pas le plus represente mais elle reste neamoins omnipresente de part le nom meme du mouvement the disciple of Christ » ndlr DOC. De plus si les adeptes du mouvement suivent les prĂ©ceptes bibliques, il n’empeche pas moins que toute une reflexion politique se met en place qu’on la partage ou non
. Ainsi, on peut entendre de la part de certains membre des phrases pleines de sens ou le vĂ©cu se fait sentir. Lors de l’interview de Dereck sur la mort de son pĂšre, il expliquera Bien sĂ»r que c'est d'origine raciste ! Tous les problĂšmes de ce pays sont d'origines racistes ! Et pas seulement les meurtres. L'immigration, le Sida, les dĂ©penses sociales sont les problĂšmes de... de la communautĂ© noire, de la communautĂ© Hispanique, de la communautĂ© Asiatique ! C'est pas un problĂšme blanc. ». LE cotĂ© religieux semble finalement n’etre qu’une partie de l’iceberg car entre alors en compte un probleme de morale sociale et plus seulement de morale religieuse . b/ la moralisation de Sweeney Le professeur Sweeney represente la voix de la sagesse. On le voit a de nombreuse reprise jouer le role de moralisateur aupres de Danny ou de Dereck. Pourtant la morale du professeur d’histoire ressemble d’avantage a une morale base sur des idĂ©es empirique et non fondĂ©e sur une veritable reflection. En effet on entend de sa bouche le basique discours moralisateur sur le racisme. Il semble apparaitre cependant que ce discours parraisant simpliste a une grande importance dans le film. Sweeney represente le but a atteindre Il y a une Ă©poque oĂč j'en voulais Ă  la terre entiĂšre, ou j'avais la haine, pour toutes les misĂšres, les vexations, les souffrances que j'endurais continuellement, que je voyais... infligĂ©e Ă  mon peuple. J'en voulais Ă  tout le monde j'en voulais aux blancs, j'en voulais Ă  la sociĂ©tĂ©, j'en voulais Ă  Dieu ! Mais j'avais aucune rĂ©ponse parce que je posais les mauvaises questions. » On peut se demander ce que represente la morale dans une telle situation. Alors que Dereck et Danny se trouve pris dans un cercle vicieux, la morale leur apparait comme un discours pleins d’ignominies qu’ils ne sont pas capable d’entendre. Mais a force d’acharnement Sweeney parviendra a sauver Dereck. La morale sociale nous apparait comme la clĂ© du film. En effet lors de son repentir, on peut voir Dereck revenir sur ses a priori et sur ces idĂ©es fondĂ©es en repensant a ce que lui a dit Sweeney. Peut-on rapproche la morale de sweeney a la morale kantienne ? En realite Emmanuel Kant s’est exprime sur le racisme et plus spĂ©cifiquement sur l’antisĂ©mitisme. En disant En 1715, dans son MĂ©moire sur les diffĂ©rentes races humaines je pense que le mĂ©lange des races provoque la diminution graduelle des qualitĂ©s de l'espĂšce humaine. » Il attaque Ă©galement le nĂ©faste esprit judaĂŻque ». Ainsi on peut distinguer dans la philosophie deux sortes de racisme distinctes. Le premier serait le racisme traditionel qui justifie la domination des races inferieures par les races superireures au nom de l’interet de tous a etre gouvernĂ©s par les etres les plus eclairĂ©s. Et les racisme differentialiste qui prĂŽne quant a lui la difference entre les races et qui est base sur la peur du melange et de l’indiffĂ©renciation. Ainsi les nazis n’ont pas souhaitez dominer les juifs, les homosexuels et les handicapĂ©s. Necessairement , suivant leur idĂ©ologie ils devaient les exterminer. Dereck agit exactement de la meme maniĂšre lorsque sa voiture se fait braquer un soir. Voyant que ce sont des noires qui agissent ainsi il ne saisit pas la possiblite d’appeler la police pour agir et est suivant son idĂ©ologie, dans l’obligation de les exterminer. Kant voit dans le racisme un cote transcendental qui legitime les actes et les paroles a l’egard de ce qu’il appelle les races inferieurs. Dans American history X il est clairement montre que les deux types de racisme classifie par Kant sont present. Ainsi quand Seth explique a Danny comment il faut voir les races considerĂ©es comme inferieures, il s’exprime en ces termes Nan y'a pas un de ces enfoirĂ©s qui est bien Danny tu piges ? C'est rien que de la vermine tout ça. Souviens toi de ce que Cameron dit "On veut pas les connaĂźtre mais on sait que l'ennemi c'est ces fils de putes." » Ici est parfaitement montrĂ© la volontĂ© de ne pas connaitre ces personnes mais simplement de les dominer sans comprendre qui ils sont . On peut se rendre compte dans le film que les disciples du christ veulent asseoir leur superiorite de craintes de voir les communautĂ©s Ă©trangĂšres prendre leur place. c/ le repentir face a l’opiniĂątretĂ© Je pense que le moment est venu de vous dire ce que j'ai appris, d'en tirer une conclusion nan ? HĂ© bien ma conclusion c'est que la haine est une saloperie, la vie est trop courte pour passer son temps Ă  avoir la haine. Derek dit toujours que c'est bien de terminer un devoir par une citation. Il dit que quelqu'un a dĂ©jĂ  dĂ» en faire une bonne alors, si on ne peut pas faire mieux, autant la lui emprunter carrĂ©ment. J'ai choisis celle lĂ , et j'espĂšre qu'elle vous plaira Nous ne sommes pas ennemis, mais amis. Nous ne devons pas ĂȘtre ennemis, mĂȘme si la passion nous dĂ©chire, elle ne doit pas briser l'affection qui nous lie. Les cordes sensibles de la mĂ©moire vibreront dĂšs qu'on les touchera, elles rĂ©sonneront au contact de ce qu'il y'a de meilleur en nous. » C’est en ces termes que Danny fini le devoir demander par Sweeney. On peut clairement voir le retournement de situation dans l’ideologie de Danny. En effet au depart totalement ferme d’esprit, Danny semble suivre les traces de son fere en s’etant repentit de sa haine envers les races inferieurs. On comprend alors le role de la morale sociale dans le repentir du jeune skin head. Comment la morale peut jouer sur nos sentiments au point d’en changer la nature meme qui semblait etre l’essence de Danny ? Dans sa reflexion sur la theorie et l’experience, le philosophe Bachelard expliquait que pour trouver la reponse a une question ou a une problematique il fallait se separer de tout ce qui pouvait s’apparenter a une idĂ©e recu, car le resultat serait alors un resultat induit par la pensĂ©e commune et non par l’experience personnelle suiviant une reflexion poussĂ©e sur un sujet donner. Le repentir de Dereck semble suivre cette facon de procede car alors qu’il en prison on le voit au fur et a mesure que le temps passe, se rendre compte de ce qu’il est vraiment et ainsi se rapprocher de la communaute afro-amĂ©ricaine. Alors qu’il sort on le voit metamorphose et donnant des lecons de vie a son jeune frere Danny en lui expliquant ce qui lui est arrive en prison, le degout qu’il a commence a eprouver pour cette ideologie dĂ©bordante de haine. Cependant malgre le fait que Danny se repentisse egalement, on peut considerer que la facon dont il le fait n’ai pas necessairement la bonne dans la mesure ou il suit ce que lui a dit son frere et non sa propre experience ou sa propre volonte de changer. II/ Cameron ou l’endoctrinement de masse. a/ La GenĂšse d’une idĂ©ologie La fondement meme d’une idĂ©ologie se trouve dans l’endoctrinement de la masse, dans la mise en place d’une pensĂ©e commune a tous qui ne souffrira d’aucun vice, d’aucune faille. » Ainsi s’exprimait Adolphe Hitler, plus grand dictateur et plus grand dirigeant de masse que la Terre est jamais connu alors qu’il expliquait l’importance du mouvement de masse dans la doctrine nationale socialiste. Dans American History X, le personnage de Cameron joue le rĂŽle d’endoctrineur charismatique semblable a la figure du patriarche si souvent importante lorsqu’il s’agit de passation d’idĂ©e. On se rend rapidement compte du rĂŽle que joueun tel personnage dans l’edification d’une idĂ©ologie si fragile que celle du nazisme portĂ©e sur la xĂ©nophobie. Alors que Dereck exprime sa facon de penser a de nombreux moments du film, on croit entendre la parole meme de Cameron dans sa bouche. Au moment ou Vignard Dereck parle avec la bande skins head avant de mettre le magasin a sac, on le voit dans une voiture avec cameron qui lui explique combien il est important pour lui qu’il serve de relai entre lui et les nouveaux engagĂ©s. Pour Heiddeger, la figure du patriarche idĂ©ologique est surement une des plus importantes pour la mise en place d’une doctrine quel quelle soi dans la mesure ou chacun va se retrouver dans cette figure charismatique et ainsi se trouver renforcer dans ses idees puisque une personne au caractĂšre fort va sous ce nom rallier tout un peuple a son niveau. Hitler, Staline, Mao sont trois exemples de fortes figures idĂ©ologiques. Apres reflexion, on ne peut pas imaginer leurs parti voir le jour sans eux, car ils seront la cle de voute du parti, le ciment qui va lie chaque membre a cette idĂ©ologie sans faille que presentais Hitler. La question est de savoir pourquoi les memebres d’un parti ont besoin de cette figure quasiment transcendentale au sens kantien du terme. Alors qu’il est en prison, Dereck perd ses reperes. Se retrouvant seul face a tous, il essaye de se rallier a un groupuscule neo nazi au sein meme de la prison mais se rend vite compte que les membres de ce groupes ne sont pas vraiment ce a quoi il s’attendait. Loin de Cameron et de ses preceptes, dereck va voir sa foi en la superiorite de la race blanche se desagreger au fur et a mesure puisque il ne pourra plus voir combien l’idĂ©ologie en laquelle il croit rassemble du monde. Il se rendra compte que toute sa doctrine Ă©tait basĂ© sur la figure meme de Cameron. Ainsi le patriarche idĂ©ologique semble etre une notion primmordiale dans l’edefication d’une doctrine. Mais pas seulement car on peut voir que le nombre et le sentiments de puissance liĂ© a ce nombre de membre croyant en une meme idĂ©ologie est egalement important. b/ La puissance du nombre Si tu crois que c’étais dĂ©jĂ  genial avant attend de voir ce que c’est devenu maintenant. On est carrement mieux organise, c’est presque une petite armĂ©e qu’on a avec nous. » C’est en ces termes que stesi la copine de Dereck lui explique ou en sont les disciples du Christ lorsqu’il sort de prison. Et c’est egalement en ces termes que le spectateur se rend compte de l’importance du nombre dans une telle situation doctrinale. Personne ne se battrait pour une cause si il Ă©tait seul, personne n’aurait le courage d’affirme une chose telle que ce qu’affirme les disciple si il Ă©tait seul contre tous. La vision que cameron stesi et Seth on du DOC ressemble a toute les visions des mouvements de masse. De Hitler a Martin Luther King en passant par le Ku Kux Klan, absolument tous on chercher a joindre a leur cause un nombre toujours plus grand d’adeptes en y parvenant ou pas d’ailleurs. Mais chacun avait compris l’importance et le pouvoir qu’apportait le mouvement de masse. Ce mouvement qui fait echo toujours plus loin. Dans American History X l’augmentation du nombre est parfaitement montrĂ©e. Avant de partir en prison, Dereck alors main droite de Cameron, partait faire une ce qu’on pourrait rapproche a une rattonade avec une poignĂ©e seulement de militants. A sa sortie de centre de dĂ©tention, on le voit acceuillit a une soiree en son honneur par une foule de sympathisants qui le vĂ©nĂšrent comme un mythe vivant. Dereck ou l’homme qui a montre l’exemple se rend alors compte que jamais plus les choses ne seront comme avant. D’apres Hitler, la valeure d’un mouvement se calcul en fonction du nombre de sympathisants et en fonction de la foi qu’on ces sympathisants en la doctrine et en le chef de file de cette meme doctrine. Mais etre nombreux et ne rien faire ne servirait pas a grand chose. Voila pourquoi des actions concretes sont mises en places pour montrer la puissance du mouvement. III/ La violence raciale ou la mise en place du droit du plus fort. a/ La violence dans la non considĂ©ration de la dignitĂ© d’autrui La mise en place de la loi du plus fort se fait dans la non considĂ©ration de la dignitĂ© d’autrui. Si dans le cadre de mon crĂ©do, je dois mettre en place une supĂ©rioritĂ© de ma personne par rapport aux autres, il est nĂ©cessaire que cette mise en supĂ©rioritĂ© se fasse dans la nĂ©gation d’autrui, dans le dĂ©nigrement de sa personne, de son intĂ©gritĂ©. C’est exactement ce qu’il s’est passe lors de la seconde guerre mondiale. Alors qu’Adolphe Hitler ordonnait l’extermination des juifs, on a vu se mettre en place parallĂšlement une propagande qui considĂ©rait le juif comme sous-hommes, comme un rat. Le terme de juif Ă©tait purement nĂ©gatif, d’ailleurs nous n’appelions pas un juif un juif » mais on le prenait dans son ensemble dans sa qualitĂ© au terme philosophique du terme de juif. Ainsi une exposition a Paris partait le nom suivant LE juif et la France ». Etant pris dans son ensemble le juif Ă©tait alors exempt de toute humanitĂ©. Dans American History X, cette notion de dĂ©shumanisation est tout a fait explicitĂ© par les termes utilisĂ©s par les membres du DOC. Quand Dereck traine au sol la personne qui lui a braquer sa voiture, il s’adresse a lui en ces mots c’est bĂȘte le negre tu es tombĂ© a la mauvaise adresse. » Ou encore mets tes dents sur le trottoir esclave ! » La violence apparait donc comme purement physique dans un premier temps mais egalement morale dans un deuxieme. La violence joue un role extremement important pour asseoir se sentiment de superiorite par rapport a la race dite inferieure. En effetil est de notoriete commune de penser pouvoir etre respecter avant tout avec la violence avant les paroles. Le film exploite cette facon de voir les choses en montrant des images choquantes tels que le meurtre des 5 afro-amricains par Dereck ou encore avec des decors tout a fait explicites a grand renforts de croix gammĂ©es et de signe SS ou violence est donc vu comme un moyen de pression sur autrui ou du moins ce qu’il reste d’autrui puisque il n’est plus considere comme un homme a partir du moment meme ou une doctrine raciale va se mettre en place contre lui. Ce sentiments de superiorite par la violence semble un point de plus majeur pour la doctrine. b/Un sentiment nĂ©cessaire Pour nous faire entendre il faut que nous agissions et si certains doivent mourir au cours de la manƓuvres, ce n’est pas notre faute. » Quand Cameron explique cela a Dereck alors qu’il sort de prison on comprend comment il a pu en arriver a exterminer purement et simplement ces personnes. Dans Le Prince, Machiavel explique l’importance pour un souverain de se faire bien voir mais en etant respecter de ses sujets. Il considere que l’important n’est pas ce qu’on fait, mais ce que l’on pense de nous. Ainsi on peut considerer que dire une chose bonne devant ses sujets et faire tout bonnement l’inverse sans leur dire est etre un bon souverain. On peut rapprocher cette facon de penser de la doctrine du DOC. L’important d’un souverain etant d’etre respecter par tous les moyens on peut considerer que la violence peut apparaitre comme necessaire pour les sympathisants dans le but de se sentir superieurs et respecter par les races dites inferieures. C’est pourquoi au moment du saque du magasin, les skins head ne se sentent pas mal. Ils se trouvent dans un etat quasi second, un etat qui leur permet une fois lancĂ© de ne plus souffrir d’aucun scrpules en respectant toutes les regles necessaire pour la bonne tenue de la doctrine. Deshumanisation d’autrui, violence, sentiment de superiorite, haine raciale
 Conclusion American History X a marquĂ© les esprits car il est un des seuls films a avoir montre le problĂšme de la rĂ©demption de l’intĂ©rieur mĂȘme du problĂšme. A grand renfort de figure charismatiques on peut concevoir, sur un plan philosophique, que ce film est tout a fait en accord avec de nombreuses doctrines d’auteurs. Montrant l’horreur d’une telle façon de penser dans un monde ou des vagues entiĂšres de populations migrent a travers le monde, American History X pose la problĂ©matique de la bien sĂ©ance de se genre de pensĂ©e doctrinale. Qu’on partage ou pas ces idĂ©es, force est d’admettre que la question peut se poser de savoir si on doit tendre du cote de l’ouverture ou du cotĂ© du rejet raciale et idĂ©ologique. Personnellement mon choix est fait mĂȘme si je ne sais pas si c’est le bon choix, je dirais qu’il est avant tout rĂ©flĂ©chit et basĂ© sur mon expĂ©rience. A chacun d’en faire autant. Chacun chez soi et Dieu pour tous, amour entre les peuples, voila surement la plus grande question de ce Monde. Évelynelit : des romans, des polars et des guides de voyage en français comme en anglais. Évelyne regarde : beaucoup de films, de sĂ©ries (surtout nordiques, anglaises et belges) et de documentaires. Évelyne Ă©coute : de la musique pop et rock : Arcade Fire, The National, Muse et Balthazar, mais aussi des artistes français comme Dominique A et Feu! Chatterton. Évelyne Guide de voyageÉtats-UnisWashington, Capitale fĂ©dĂ©rale des États-Unis d'AmĂ©rique, Washington a Ă©tĂ© Ă©difiĂ©e sur les rives du fleuve Potomac, d'aprĂšs les plans d'un architecte français. On s'incline devant le Capitole, le mĂ©morial Lincoln et celui de Jefferson, la Maison blanche et le Pentagone. Pas de quartier de gratte-ciel Ă  Washington, mais la Smithsonian Institution, le grenier national », regroupe une quinzaine de musĂ©es dont le National Museum of Natural History, la National Portrait Gallery, l’American Art Museum Ă  dĂ©couvrir avec votre guide touristique Washington Ă  la main ! Parmi d'autres particuliĂšrement intĂ©ressants, on peut citer le musĂ©e national des AmĂ©rindiens, la Old Post Statio et la Library of Congress. Si Washington est une ville de musĂ©es, elle invite aussi Ă  la dĂ©couverte de quartiers typĂ©s et pittoresques, dont Georgetown aux rues animĂ©es, Adams Morgan, le QG des intellectuels et des fĂȘtards Dupont Circle, quartier rĂ©sidentiel dotĂ© de plusieurs boutiques-hĂŽtels. S'ajoute une offre de tables gastronomiques et de nombreux espaces verts. Il est agrĂ©able de se promener dans East Potomac Park, 120 ha sur une presqu'Ăźle au cƓur de la ville et de la riviĂšre Potomac, le Jardin botanique amĂ©ricain Botanic Garden aux 10 000 variĂ©tĂ©s d’orchidĂ©es, sans oublier Anascostia Park pour pique-niquer et se baigner piscines. La dĂ©couverte du Kenilworth Park avec ses jardins aquatiques, des expositions, un golf 18 trous, 3 marinas, mĂ©rite Ă  lui seul une journĂ©e entiĂšre. Efficace le tour de la ville en bus Ă  impĂ©riale, bus Ă  Ă©tage avec Hop On Hop Off » ou Ă  vĂ©lo. Et faites-vous plaisir embarquez pour une balade en bateau sur le Potomac. Lire la suite Que visiter Ă  WASHINGTON, ? Adresses FutĂ©es de WASHINGTON, Quand partir Ă  WASHINGTON, ?Quand partir ? Washington est une ville dynamique et animĂ©e toute l'annĂ©e, trĂšs agrĂ©able Ă  vivre et Ă  visiter aux quatre saisons et particuliĂšrement au printemps, lorsque les cerisiers plantĂ©s le long du fameux National Mall, qui s'Ă©tend du Washington Monument au Capitole des États-Unis, sont en fleur
 Le Cherry Blossom Festival, Festival des Cerisiers en Fleur, se dĂ©roule ainsi tous les ans dans la ville en mars-avril. Il est un incontournable pour qui visite Washington au printemps. MĂ©tĂ©o Budget FormalitĂ©s SantĂ© MĂ©tĂ©o en ce moment MĂ©tĂ©o Ă  l'annĂ©e Le climat de la ville de Washington est subtropical humide, c'est-Ă -dire tempĂ©rĂ©, sans saison sĂšche, avec un Ă©tĂ© chaud. Le printemps et l'automne sont chauds Ă  modĂ©rĂ© avec des tempĂ©ratures journaliĂšres d'environ 20 °C. En hiver, le climat subtropical chaud devient continental froid avec des tempĂ©ratures basses en moyenne 2 °C en janvier et de la neige. L'Ă©tĂ© tend Ă  ĂȘtre trĂšs chaud et humide, voire torride, avec des tempĂ©ratures autour de 32 °C et des orages passagers. La mĂ©tĂ©o de Washington est donc bien marquĂ©e en Ă©tĂ© comme en hiver. BudgetEn rĂ©servant Ă  l'avance, vous trouverez un hĂŽtel Ă  Washington pour 90-100 US$, en toute saison. Attention, durant la haute saison touristique, en juillet et en aoĂ»t, les prix peuvent ĂȘtre multipliĂ©s par trois. On mange bien pour moins de 20 US$. En revanche, les transports en commun sont plus chers qu’en France autour de 2,50 US$ le ticket. L’entrĂ©e dans les musĂ©es de Washington est d’environ 12 US$. Et comme ils sont nombreux, votre budget musĂ©e est Ă  considĂ©rer ! FormalitĂ©sLa France fait toujours partie du programme Visa Waiver Pilot qui autorise les ressortissants français Ă  entrer sur le sol amĂ©ricain sans visa pour un sĂ©jour d'une durĂ©e maximale de 90 jours. Pour sĂ©journer Ă  Washington, il vous suffit d'avoir un passeport biomĂ©trique en cours de validitĂ©, un billet aller-retour non remboursable aux États-Unis et ne pas avoir l'intention de prolonger son sĂ©jour sans oublier le formulaire ESTA rempli sur Internet au moins 72h avant le dĂ©part et le paiement de la taxe de 14 US$ qui accompagne ce formulaire Pour un sĂ©jour d'une durĂ©e supĂ©rieure Ă  90 jours, le visiteur doit ĂȘtre en possession d'un visa. Plusieurs types de visas existent Ă©tudiant, de travail, etc., mais ils sont tous assez difficiles Ă  obtenir. Consultez le site Internet de l'ambassade des États-Unis en France SantĂ©Pas de problĂšmes sanitaires particuliers aux États-Unis, encore moins si votre sĂ©jour se cantonne Ă  Washington. La capitale est bien pourvue en hĂŽpitaux. Le seul problĂšme sera les tarifs pratiquĂ©s trĂšs Ă©levĂ©s. En cas d’urgence, appelez le 911 de n’importe quel tĂ©lĂ©phone, mĂȘme les portables qui n’ont plus d’unitĂ©s fonctionneront dans ce cas prĂ©cis. Vous serez pris en charge d’autant plus vite que vous prĂ©senterez une preuve de solvabilitĂ© carte de crĂ©dit ou assurance. Aucun certificat de vaccination n’est exigĂ© pour entrer aux États-Unis. Les personnes sous traitement mĂ©dical devront se munir d’une ordonnance pour prouver qu’elles n’importent pas de produits illicites. Comment partir Ă  WASHINGTON, ? Nos conseils & astuces Voyages organisĂ©s Partir seule Se dĂ©placer Vous pouvez faire le choix d'un sĂ©jour Ă  Washington combinant vol et hĂŽtel, voire vol, hĂŽtel et visites des monuments, musĂ©es et points d'intĂ©rĂȘt principaux ou encore d'un circuit incluant Washington, le District de Columbia, le Maryland et la Virginie, les deux États voisins. Les voyagistes proposent plusieurs formules attractives dans cette rĂ©gion. Il existe des vols directs pour Washington. Une fois sur place, il est trĂšs facile d'ĂȘtre autonome, Washington se parcourt facilement Ă  pied ou en transports en commun. Les habitants sont trĂšs accueillants et ne manqueront pas de vous aiguiller dans vos visites. Seul point Ă  prĂ©voir Ă  l'avance, les rĂ©servations d'hĂŽtels, afin de s'assurer d'un tarif l'instar de New York ou de San Francisco, Washington est trĂšs bien quadrillĂ©e par les transports en commun. Ne nĂ©gligez pas les distances d'un quartier Ă  l'autre, la ville est Ă©tendue. Le mĂ©tro est trĂšs efficace. Il est intĂ©ressant de prendre une carte Ă  la semaine, si vous sĂ©journez longtemps et vous dĂ©placez beaucoup ce que vous ne manquerez pas de faire. Il est interdit de boire ou de manger dans les rames et dans les stations de mĂ©tro. Organiser son voyage Ă  WASHINGTON, Transports RĂ©servez vos billets d'avions Location voiture Taxi et VTC Location bateaux HĂ©bergements & sĂ©jours Trouver un hĂŽtel Location de vacances Echange de logement Trouvez votre camping RĂ©servez vos vacances au ski Services / Sur place RĂ©servez une table ActivitĂ©s & visites Voyage sur mesure Apprendre une langue Ă©trangĂšre Les circuits touristiques Ă  WASHINGTON, Photos de WASHINGTON, Reportages & actualitĂ©s de WASHINGTON, Autres destinations Ă  proximitĂ© de WASHINGTON, RĂ©ponse1 / 7. Meilleure rĂ©ponse. Squalman 675. ModifiĂ© par Squalman le 22/12/2010 Ă  04:20. Aucune suite connue Ă  ce film n' est aujourd' hui rĂ©pertoriĂ©e ! Ce sont des extraits et des rushes du premier qui ont Ă©tĂ© montĂ©s ensemble pour crĂ©er le buzz d' Abstract Outline Text Bibliography Notes References About the author Abstracts Le rĂȘve amĂ©ricain d’une union plus parfaite» s’est confrontĂ© depuis son origine Ă  la ligne de couleur. Dans le contexte des États-Unis la recherche du consensus national a pris une forme spĂ©cifique, celui d’une religion civile» Bellah 1973 relayĂ© puissamment par la force des grands mĂ©dias. C’est dans le cadre du consensus libĂ©ral que l’histoire du mouvement des droits civiques est d’abord Ă©crite. Son rĂ©cit dominant prĂ©sente une version simplifiĂ©e, expurgĂ©e, dans un cadre spatial et temporel par trop limitĂ©. Les omissions nombreuses et la panthĂ©onisation de quelques figures permettent de mieux dissimuler les rĂ©cits divergents. The American dream of a “more perfect union” was blocked by the color line from the beginning. In the US context, the quest for a national consensus took a specific form, a “civil religion” Bellah 1967, powerfully broadcasted by the major media outlets. The history of the civil rights movement has been written into the general framework of the liberal consensus. Its master narrative shows a simplified version, expunged, and restricted to a very limited spatial and temporal framework. The numerous omissions and the enshrining of a few main names hide the diverging narratives. Top of page Full text Le passĂ© ne meurt jamais. Il n’est mĂȘme pas passĂ© Faulkner 1951 1 “One is astonished in the study of history at the recurrence of the idea that evil must be forgotte ... En Ă©tudiant l’histoire on ne peut qu’ĂȘtre stupĂ©fait par la rĂ©pĂ©tition de cette idĂ©e que le mal doit ĂȘtre oubliĂ©, dĂ©formĂ©, Ă©crĂ©mĂ©. Nous ne devons pas nous rappeler que Daniel Webster se saoula, mais qu’il fut un extraordinaire constitutionnaliste. Nous devons oublier que George Washington fut un propriĂ©taire d’esclaves 
 et nous souvenir simplement de ce que nous jugeons positifs et qui peut nous inspirer. La difficultĂ© Ă©videmment de cette philosophie, est que l’histoire perd sa valeur incitatrice et exemplaire ; elle dĂ©peint des hommes parfaits et de nobles nations, mais elle ne dit plus la vĂ©ritĂ© Dubois 1935.1 Introduction 2 La politique de discrimination positive a Ă©tĂ© mise en place Ă  partir des annĂ©es 1960 aussi bien Ă  t ... 3 Selon les partisans d’une interprĂ©tation color-blind de la Constitution, la meilleure maniĂšre d’en ... 4 Jim Crow dĂ©signait des arrĂȘtĂ©s discriminatoires votĂ©s dans les Etats du Sud aprĂšs la guerre de SĂ©ce ... 5 “No history of Jim Crow, no history of anger, no history of slavery. All the bad stuff in our histo ... 6 Soit l’exact contraire de ce qu’ont tentĂ© par exemple les procĂšs sud-africains de la commission VĂ©r ... 1L’élection d’Obama en 2008 a Ă©tĂ© l’occasion, non pas d’une mobilisation pour les droits des minoritĂ©s, mais au contraire d’une offensive conservatrice, tant sur les origines du nouveau prĂ©sident que sur tous les programmes de discrimination positive affirmative action.2 Elle a donnĂ© lieu Ă  un vĂ©ritable dĂ©ferlement de discours sur l’avĂšnement d’une prĂ©tendue Ăšre color-blind,3 supposĂ©e exempte de discrimination raciale. Dans un article de fĂ©vrier 2009, Janine Jackson cite un journaliste de NBC qui dĂ©clare Ă  cette occasion Pas d’histoire de Jim Crow,4 pas de colĂšre, pas d’esclavage, ce type ne trimbale pas tous les sales trucs de notre histoire» Jackson 2009.5 Ainsi l’élection d’Obama semble dĂ©culpabiliser la nation vis-Ă -vis de son passĂ© esclavagiste et discriminatoire. Pour l’historien Holzer cette Ă©lection rĂ©pond au rĂȘve de Lincoln exprimĂ© dans l’adresse de Gettysburg d’une nouvelle nation conçue dans la libertĂ© et vouĂ©e Ă  la thĂšse selon laquelle tous les hommes sont créés Ă©gaux » Holzer 2009. Cette Ă©lection devrait permettre la tabula rasa d’un passĂ© Ainsi l’histoire comme la mĂ©moire des Africains AmĂ©ricains depuis l’esclavage jusqu’aux mobilisations pour les droits civiques des annĂ©es 1950 et 1960 ont-ils partie liĂ©e avec les enjeux politiques contemporains. 7 L’ouvrage Ă©ponyme d’Hobsbawm et Ranger a popularisĂ© ce concept qui souligne la maniĂšre dont des inn ... 8 Les termes utilisĂ©s pour dĂ©signer les Noirs amĂ©ricains n’ont cessĂ© d’évoluer. D’abord African dans ... 9 Et ce dĂšs la fondation des Etats Unis. La section deux de l’article premier de la constitution de 1 ... 10 Il s’agit Ă©videmment de l’assassinat du jeune Africain AmĂ©ricain, Michael Brown, le 9 aout 2014, pa ... 2Cet empressement Ă  vouloir refermer la cicatrice de la ligne de couleur» Douglass 1881 n’est en rien un phĂ©nomĂšne nouveau. En effet l’ invention d’une tradition »7 Hobsbawm et Ranger 1983 nationale amĂ©ricaine s’est tout d’abord faite sans les Noirs8 et mĂȘme contre Alors que la premiĂšre sĂ©rie de lois sur les droits civiques cĂ©lĂšbre en 2014 ses cinquante ans, l’identitĂ© nationale reste plus que jamais clivĂ©e par la question raciale, comme les Ă©vĂ©nements de Fergusson de l’étĂ© de la mĂȘme annĂ©e en tĂ©moignent plus que 3Nous ferons l’hypothĂšse que les passĂ©s esclavagistes, sĂ©grĂ©gationnistes, et discriminatoires affrontent de puissants mĂ©canismes qui contribuent soit Ă  leur oubli, soit Ă  un rĂ©cit Ă©dulcorĂ© et acceptable du passĂ©. Nous aborderons particuliĂšrement la pĂ©riode large qui autour des mouvements pour les droits civiques, a vu se mobiliser des fractions importantes de la population africaine-amĂ©ricaine, entre 1945 et les annĂ©es 1970. 11 Un consensus libĂ©ral dĂ©fini comme une chape de plomb politique qui fait taire les voix contestatair ... 12 Le systĂšme amĂ©ricain de la libre-entreprise est diffĂ©rent de l’ancien capitalisme. Il est dĂ©mocra ... 4Cette pĂ©riode qui s’ouvre avec la guerre froide voit triompher le consensus libĂ©ral, tel que le journaliste britannique Godfrey Hodgson le dĂ©finit en 1976, la foi d’une grande nation au sommet de sa confiance en elle-mĂȘme et de sa puissance». Il s’est forgĂ© dans la pĂ©riode du New Deal mais son contenu se modifie dans le contexte de la guerre froide. Il associe le libĂ©ralisme dans le domaine racial au libĂ©ralisme Ă©conomique, dans un double refus du communisme et du fascisme ou d’autres thĂ©ories rĂ©actionnaires. Hodgson le dĂ©finit comme un “libĂ©ralisme conservateur,”11 portĂ© par la foi selon laquelle la croissance amĂ©ricaine permettrait d’abolir les “injustices et les inĂ©galitĂ©s” sans heurt et sans sacrifice pour les classes Cette pĂ©riode est souvent dĂ©crite comme celle d’un grand conformisme social et politique, liĂ© Ă  la fois au Maccarthisme et au dĂ©veloppement de la consommation de masse Hodgson 1976. C’est dans ce cadre que l’histoire du mouvement pour les droits civiques va tout d’abord ĂȘtre Ă©crite. 5Alors que les mobilisations contre la sĂ©grĂ©gation et la discrimination se dĂ©veloppent aprĂšs la Seconde guerre mondiale, la vision qui en est donnĂ©e, par les mĂ©dias comme par les historiens, participe, dans le feu des Ă©vĂ©nements, Ă  une Ă©criture des faits conforme au consensus national tel qu’il domine alors. Ainsi une certaine Ă©criture de l’histoire, avec des oublis et des silences, mais aussi un phĂ©nomĂšne d’icĂŽnisation de quelques hĂ©ros et de quelques Ă©pisodes choisis masquent la complexitĂ© d’une rĂ©alitĂ© contradictoire. L’élection d’Obama semblait parachever ce rĂ©cit du conflit racial rĂ©solu par la voie dĂ©mocratique. 1. Un consensus historique bancal le rĂ©cit dominant Naissance des Black Studies 6Si la question de l’esclavage fut continuellement dĂ©battue, les Noirs amĂ©ricains ne faisaient partie ni de la nation, ni du rĂ©cit national. Ils n’étaient guĂšre prĂ©sents dans le champ historique, ni comme sujets ni comme acteurs et auteurs de leur propre rĂ©cit, d’abord simplement car ils Ă©taient presque totalement exclus des universitĂ©s, hormis quelques universitĂ©s noires. La production historienne quant Ă  l’esclavage reste longtemps dĂ©terminĂ©e par cette exclusion des Noirs. Pendant la pĂ©riode esclavagiste les Noirs libres Ă©taient relativement nombreux, mais ils restaient exclus du champ de l’histoire acadĂ©mique, et ce sont d’autres sources, et notamment les slave narratives, les rĂ©cits d’esclaves qui portaient leurs voix en faveur de l’abolition. DĂšs la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle diffĂ©rents intellectuels noirs produisent des Ă©tudes majeures, tel Du Bois, mais leurs travaux restent cependant marginaux Du Bois 1899. Ce sont les mobilisations des annĂ©es 1950-1960 qui conduisent Ă  la naissance des Black Studies une rĂ©volution historiographique qui introduisit les descendants des ex-esclaves en tant qu’acteurs. 7Les analyses se multipliĂšrent dans le cours mĂȘme des Ă©vĂ©nements. Une gĂ©nĂ©ration de chercheurs assiste ou participe aux Ă©vĂ©nements qui, des villes du Sud, s’étendent ensuite notamment aux campus universitaires dans le reste du pays. 13 Qui Ă©crira l’ouvrage de rĂ©fĂ©rence sur le CORE Meier et Rudwick 1975. 14 Il assiste dans les annĂ©es 1960 aux meetings du SNCC et du CORE, il se dĂ©finit alors comme un par ... 15 Le Student National Coordinating Committee, SNCC, Ă  savoir une organisation d’étudiants noirs créée ... 16 Dont il se fera licencier pour son soutien ouvert au SNCC. En 1957 ses Ă©tudiantes obtiennent la dĂ©s ... 17 Il faut citer l’engagement de trĂšs nombreux historiens blancs en faveur de la dĂ©sĂ©grĂ©gation. Ainsi ... 8Les premiers Ă©crits sur le mouvement sont ceux de journalistes, de militants. Puis Ă  la fin des annĂ©es 1960 les premiers travaux d’historiens paraissent qui sont le fait d’universitaires blancs militants. Ainsi August Meier,13 enseigne au Tugaloo College Ă  la fin des annĂ©es 1940, puis rejoint la Howard Zinn, Ă©crit en 1964 The SNCC The New Abolitionists »15 le SNCC, Student National Coordinating Committee est fondĂ© en 1960 Zinn 1964. Il enseignait depuis 1956 dans une universitĂ© noire, le Spelman College, Ă  Nombreux sont les historiens qui se rangent aux cĂŽtĂ©s du mouvement, tels Leon Litwack, Allan Spear Verney 2006 5.17 9Ainsi l’une des spĂ©cificitĂ©s de cette histoire est de s’ĂȘtre constituĂ©e, par le mouvement noir lui-mĂȘme. Les mobilisations des annĂ©es 1950-1960 portent notamment comme objectif la dĂ©sĂ©grĂ©gation dans les Ă©coles, y compris dans les universitĂ©s, et grĂące Ă  laquelle le nombre d’étudiants noirs s’est ensuite rapidement Ă©levĂ©. Parmi ces Ă©tudiants, nombre d’entre eux vont multiplier les recherches sur l’histoire africaine-amĂ©ricaine et imposer la question raciale comme une discipline Ă  part entiĂšre au sein du systĂšme universitaire amĂ©ricain. 18 Carter G. Woodson publie en 1933 The Mis-Education of the Negro, qui dĂ©nonce l’isolement des intell ... 19 Il faut mentionner par exemple une nouvelle approche de l’histoire de l’esclavage, reprĂ©sentĂ©e par ... 20 We demand a program of "Black Studies," a program that will be of and for black people. We demand t ... 10Mais pour les Ă©tudiants afro amĂ©ricains des annĂ©es 1960, il est plus temps de faire l’histoire que de l’écrire. La dĂ©sĂ©grĂ©gation scolaire leur a ouvert plus largement les portes de l’universitĂ©. Ils revendiquent le dĂ©veloppement de dĂ©partements consacrĂ©s aux Black Studies. Cela signifie le contrĂŽle sur sa propre histoire. À l’intĂ©gration dans le corps politique doit rĂ©pondre une intĂ©gration dans l’histoire nationale. Mais l’objectif n’est pas simplement d’ouvrir des carriĂšres acadĂ©miques, mais d’ĂȘtre au service de l’amĂ©lioration de la vie concrĂšte de la communautĂ©. Il existait une mĂ©fiance ancienne Ă  l’encontre d’intellectuels noirs qui oubliaient leur origine, mĂ©fiance exprimĂ©e par exemple par Carter G. Woodson dans The Mis-Education of the Negro18 Woodson 1933. Pour Ă©viter ces travers, les Black Studies s’organisent Ă  part, dans le cadre plus large des Area Studies. Elles s’institutionnalisent, et les travaux se Dans l’UniversitĂ© de Californie Ă  Berkeley les Ă©tudiants noirs du syndicat AASU, Afro-American Student Union, rĂ©clament en avril 1968 la formation d’un dĂ©partement qu’ils souhaitent voir nommer Black Studies Nous voulons un cursus de Black Studies qui sera l’Ɠuvre des Noirs et qui leur sera destinĂ©. Nous voulons ĂȘtre Ă©duquĂ©s hors du mensonge, et que tout enseignement qui essaye de nous mentir ou de nous dĂ©sinformĂ©s soit proscrit ».20 Ainsi une premiĂšre victoire des droits civiques, c’est le droit Ă  sa propre histoire. 11Les conflits majeurs qu’ont Ă©tĂ© les mobilisations africaines amĂ©ricaines, dont le mouvement dit des droits civiques, font dĂ©sormais partie prenante de l’histoire nationale, Ă  commencer par celle qui est enseignĂ©e. Mais ils s’y sont intĂ©grĂ©s sous la forme d’un rĂ©cit qui masque les failles et les cicatrices, pour mieux valoriser le consensus. Une historiographie de l’apaisement dont la vision domine la scĂšne 21 Rappelons que Rosa Parks, militante de la NAACP, est Ă  l’origine du boycott des bus sĂ©grĂ©guĂ©s de Mo ... 12Dans Imagined Communities Reflections on the Origin and Spread of Nationalism Benedict Anderson dĂ©crit ce qu’il nomme le phĂ©nomĂšne du fratricide rassurant qui mĂ©tamorphose les conflits en banales querelles familiale Anderson 2006. Il dĂ©montre comment l’unitĂ© nationale se forge Ă  travers une dialectique permanente d’oublis, de souvenirs et d’inventions. Aux États-Unis l’oubli de la furie raciste des Blancs du Sud va de pair avec la cĂ©lĂ©bration de personnages emblĂ©matiques tels Rosa Parks et Martin Luther King. Un pasteur baptiste qui multiplie les appels Ă  la non-violence, c’est sans doute la figure la plus rassurante que pouvait produire le mouvement. Mais surtout les dĂ©clarations plus radicales de King, Ă  commencer contre la guerre du Vietnam aprĂšs 1965, ou ses choix politiques alors qu’il lance la campagne contre la pauvretĂ©, la Poor’s People Campaign, Ă  partir de 1967, sont passĂ©s sous silence. De mĂȘme Rosa Parks21 est-elle devenue une icĂŽne qui masque la radicalitĂ© de son action et de sa pensĂ©e. 22 Il s’agit d’un article en ligne “Anybody wh ... 23 Cette organisation radicale, qui voulait associer nationalisme noir et communisme, fut fondĂ©e Ă  Oak ... 24 “Panthers are portrayed more as a group of sloganeering radicals
”, voir ... 13Certaines Ɠuvres de fiction reprennent avec moins de nuances ce type de rĂ©cit, voire des points de vue qui ne font guĂšre l’unanimitĂ©, ni parmi les historiens, ni parmi les tĂ©moins de ces faits. Ainsi le film Mississipi Burning d’Alan Parker 2001 donne Ă  voir un Ă©pisode qui, certes, n’est pas toujours le plus mis en lumiĂšre, puisque son scĂ©nario prend pour canevas l’enquĂȘte autour du meurtre de trois jeunes liĂ©s au SNCC en 1964. Mais ses hĂ©ros sont deux agents du FBI qui cherchent Ă  faire triompher la vĂ©ritĂ©. Howard Zinn, fait un commentaire peu amĂšne sur le film et sa vision d’un État fĂ©dĂ©ral protecteur Quiconque Ă©tait engagĂ© alors dans le mouvement dans le Sud savait ceci d’une façon absolument certaine le FBI ne pouvait pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un ami du mouvement pour les droits civiques, et il n’en Ă©tait pas un. »22 Steven F. Lawson propose une vision qui nuance les propos de Zinn en soulignant le rĂŽle essentiel de la politique fĂ©dĂ©rale le gouvernement fĂ©dĂ©ral a rendu la rĂ©forme possible mais les Noirs du Sud l’ont rendu nĂ©cessaire » Lawson et Payne 2006 42. Il n’en demeure pas moins que la vision donnĂ©e par Alan Parker reste trĂšs contestĂ©e. Plus rĂ©cemment le film The Butler de Lee Daniels 2013 a proposĂ© un rĂ©cit lui aussi marquĂ© par cette vision de l’histoire. Selon Peniel Joseph, historien africain-amĂ©ricain spĂ©cialiste du mouvement nationaliste noir, l’image qui est donnĂ©e dans ce film des PanthĂšres Noires, les Black Panthers,23 est celle d’un groupe qui ne fait que manier les slogans. »24 14La mĂ©moire traumatique des Ă©vĂ©nements est ainsi filtrĂ©e et dĂ©formĂ©e pour donner naissance Ă  une image du Sud fortement remaniĂ©e et intĂ©grĂ©e dans le projet dĂ©mocratique. Cette simplification et ces dĂ©formations participent Ă  la production d’une version plus consensuelle qui fait disparaĂźtre de la scĂšne Ă  la fois les blessures passĂ©es et les tensions toujours prĂ©sentes qui ont partie liĂ©e avec les limites du mouvement des droits civiques et de ses accomplissements. Cependant depuis plus de vingt ans un puissant renouveau historiographique a ouvert de nouvelles voies qui redonnent Ă  ces Ă©vĂ©nements leur complexitĂ© et leur profondeur. Une historiographie profondĂ©ment renouvelĂ©e 15Jacqueline Dowd Hall a Ă©tĂ© l’une des premiĂšres Ă  remettre en question les prĂ©supposĂ©s de l’historiographie dominante dans leur globalitĂ©. Elle dĂ©montre comment l’historiographie classique passe sous silence certains faits en limitant son champ d’investigation Ă  une pĂ©riode de dix annĂ©es, de 1954 Ă  1964 commençant par l’arrĂȘt Brownž qui dĂ©clara la sĂ©grĂ©gation Ă  l’école non constitutionnelle et se terminant par la loi de 1964 qui mettait en thĂ©orie fin Ă  la discrimination, notamment Ă  l’embauche. Elle dĂ©finit dans un article de 2005 ce qu’elle nomme un rĂ©cit dominant master narrative qui exclut des luttes pour les droits civiques les expĂ©riences les plus radicales et les voix des femmes des luttes pour les droits civiques 25 Bowdler publia en 1818 une version expurgĂ©e de l’Ɠuvre de Shakespeare, the Family Shakespeare, qu’i ... 16Le rĂ©cit dominant, en limitant la lutte pour les droits civiques au Sud Ă  des hĂ©ros bowdlerisĂ©s, 25 Ă  une seule dĂ©cennie idyllique, et Ă  des objectifs non Ă©conomiques limitĂ©s, a comme rĂ©sultat Ă  la fois de magnifier ce mouvement, tout en le diminuant. [
] Ce rĂ©cit empĂȘche que l’un des plus remarquables mouvements de masse de l’histoire amĂ©ricaine puisse rĂ©pondre efficacement aux dĂ©fis de notre Ă©poque » Hall 2005. 17Ces regards divergents ont peut-ĂȘtre finalement leurs sources dans la vision portĂ©e sur la situation actuelle des relations raciales. La majoritĂ© des Noirs restent convaincus que le rĂȘve amĂ©ricain ne fonctionne que pour les Blancs Hochschild 1996. 26 “First, this new scholarship reperiodizes the Civil Rights-Black Power era by pushing the chronolog ... 18Les choix d’une pĂ©riode limitĂ©e, et d’un espace limitĂ©, le Sud oĂč l’action non-violente a d’abord prĂ©valu, sont essentiels pour limiter la portĂ©e de ce conflit et ses consĂ©quences au prĂ©sent. Jacqueline Dowd Hall y oppose une histoire longue du mouvement des droits civiques long civil rights movement Hall 2005 dont la portĂ©e dĂ©passe le simple cadre du vote en mettant l’accent sur les droits humains. Remarquons aussi l’apparente contradiction que nous aborderons plus aprĂšs, entre un mouvement tout Ă  la fois magnifiĂ© et diminuĂ© l’icĂŽnisation de certains acteurs et de certains Ă©vĂ©nements permet de masquer la pluralitĂ© des options militantes et politiques des membres du rang » du mouvement. Les voix discordantes sont rĂ©appropriĂ©es par ce rĂ©cit historique consensuel et neutralisĂ©es. Ainsi malgrĂ© leur rĂŽle extrĂȘmement important dans le mouvement des droits civiques, les femmes noires du Sud sont exclues des premiers Ă©crits historiques. L’historiographie traditionnelle a Ă©tĂ© battue en brĂšche par l’exploitation des sources orales. Jacqueline Dowd Hall suit la voie ouverte par le journaliste engagĂ© Studs Terkel et son histoire orale de la crise Terkel 1970 ou par l’historien italien Alessandro Portelli, auteur d’une histoire orale des mineurs du Harlan County Portelli 2010 pour donner la parole aux anonymes et aux oubliĂ©s de l’histoire. Les bornes temporelles des recherches se sont Ă©largies. Joseph Peniel parle d’une nouvelle Ă©rudition qui pĂ©riodise diffĂ©remment l’ùre des Droits Civiques–Black Power en Ă©largissant la chronologie du radicalisme noir des annĂ©es 1950 aux annĂ©es 1970 ».26 Depuis les annĂ©es 1990 les recherches se sont multipliĂ©es au-delĂ  de la pĂ©riode qui s’achĂšve en 1964, autour notamment des Black Power Studies Joseph 2007; Joseph 2006. 19Ainsi le clivage entre une premiĂšre phase du mouvement jusqu’en 1964 prĂ©sentĂ©e comme ordonnĂ©e et efficace suivi par le chaos des Ă©meutes et la confusion politique et organisationnelle de la pĂ©riode du Black Power est-il dĂ©passĂ©. 27 Le terme libĂ©ral » dĂ©signe au sens amĂ©ricain un libĂ©ralisme politique qui prend son sens moderne ... 28 Bayard Rustin 1917-1987 fut l’un des principaux stratĂšges de l’organisation SCLC, Southern Christ ... 29 In ways I can only suggest here, northern and southern activists influenced one another. The topi ... 20Alors que Dowd Hall cherche Ă  contextualiser les annĂ©es 1950-1960 dans un cadre temporel plus large, d’autres s’attachent Ă  resituer ces Ă©vĂ©nements dans un cadre spatial plus vaste. Ainsi l’opposition entre un Vieux Sud raciste et un Nord libĂ©ral et tolĂ©rant est-elle aussi remise en cause. Comme le choix d’une pĂ©riode classique, celui d’un espace restreint oriente le propos. Les lieux sont chargĂ©s de sens et l’opposition Nord-Sud contribue Ă  donner une image libĂ©rale du Nord, dans le sens que ce mot prend aux États-Unis, d’une sensibilitĂ© Seul le Sud serait coupable du racisme et de discriminations. Ainsi Bayard Rustin28 identifie un Sud et un Nord oĂč les problĂ©matiques seraient diffĂ©rentes, et cette distinction gĂ©ographique sĂ©parerait deux types d’oppressions, hĂ©ritĂ©es d’évolutions historiques distinctes. Pourtant Malcolm X situait les plus grands obstacles Ă  l’émancipation au Nord. Il dĂ©nonce avec insistance les faux amis Les libĂ©raux du Nord montrent le Sud d’un doigt accusateur depuis si longtemps et avec une telle impunitĂ© qu’ils font des crises de nerfs quand on les dĂ©masque pour ce qu’ils sont les premiers des hypocrites» [Malcolm] X et Haley 1993 274. Des recherches rĂ©centes Sugrue 2009 ont remis en cause cette dichotomie par laquelle Nord et Sud sont posĂ©s comme des outils d’analyse sans avoir Ă©tĂ© auparavant problĂ©matisĂ©s de diffĂ©rentes maniĂšres [
] les activistes du Sud et du Nord se sont influencĂ©s mutuellement. Ce sujet, largement encore inexplorĂ©, mĂ©rite un livre entier ».29 Des lieux ou des entitĂ©s gĂ©ographiques, le Sud, le ghetto, s’imposent, non seulement en tant que localisation, mais aussi en tant que concepts, sans que leur Ă©vidence ne soit rĂ©ellement questionnĂ©e. Le Sud rĂ©sume un hĂ©ritage, un systĂšme social qui s’il existe n’est pas le mĂȘme en tout lieu et n’est pas non plus coupĂ© intrinsĂšquement du Nord. 30 Voir notamment cet article sur la Bottom-up approach » approche du bas vers le haut » http//ww ... 31 The very different, sanitized narrative that has come to dominate textbooks, the popular culture, ... 21Nous devons aussi mentionner diffĂ©rents travaux qui ont en commun une analyse focalisĂ©e sur un espace restreint, une ville, un comtĂ©, Ă  partir duquel la complexitĂ© du mouvement est mise en lumiĂšre. Emily Crosby consacre ses recherches Ă  redonner Ă  travers l’exemple du Clairborne County, sa place Ă  l’auto dĂ©fense dans le mouvement des droits civiques Crosby 2005. Cette histoire veut s’écrire du bas vers le haut »30 et donne toute sa place aux acteurs secondaires, ceux qui ont Ă©vitĂ© les camĂ©ras mais agit localement. Elle rend compte de ce renouveau qui lui a permis de dĂ©passer le rĂ©cit aseptisĂ©, qui avait fini par dominer aussi bien les manuels scolaires, la culture populaire et encore trop de travaux d’historiens » Crosby 2011 2.31 John Dittmer en est un prĂ©curseur Dittmer 1994, tout comme Charles Payne Ă  propos du Mississipi Payne 2007. 22Enfin d’autres chercheurs renouvellent le regard sur des acteurs Ă  la fois trĂšs connus mais dont la prĂ©sentation a Ă©tĂ© partiale, et dĂ©formĂ©e. Jeanne Theoharis nous offre ainsi une nouvelle vision de Rosa Parks aprĂšs le boycott de Montgomery, plus proche de la personne rĂ©elle que du symbole qu’elle est devenue J. F. Theoharis et Woodard 2003; J. Theoharis 2013b. 23Le renouveau de l’intĂ©rĂȘt pour les annĂ©es 1960, pour des espaces qui n’étaient au cƓur des analyses Ă  propos du mouvement des droits civiques, pour des thĂ©matiques nouvelles tout cela a contribuĂ© Ă  Ă©branler le grand rĂ©cit classique et nous permet d’envisager celui-ci comme le fruit de la recherche d’un consensus rassurant. 2. Tous AmĂ©ricains 24Le phĂ©nomĂšne de recherche d’un consensus national n’est pas spĂ©cifiquement amĂ©ricain, mais peut-ĂȘtre prend-il des formes singuliĂšres dans le contexte Ă©tatsunien, tant du point de vue des conflits fratricides qui ont marquĂ© le pays, que du point de vue de la nature du consensus recherchĂ©. Former une union plus parfaite » Un rĂȘve amĂ©ricain, le melting-pot 32 Elle est nĂ©e d’une premiĂšre guerre civile, la RĂ©volution amĂ©ricaine, qui vit s’affronter loyalistes ... 33 Ces conflits n’ont rien de spĂ©cifiquement amĂ©ricain, les chouans comme les mineurs grĂ©vistes anglai ... 25La nation amĂ©ricaine en formation s’est confrontĂ©e Ă  toutes sortes de lignes de fractures internes, depuis la rĂ©volution jusqu’à la guerre de La multiplicitĂ© des failles religieuses, politiques ou territoriales33 rend la recherche d’un consensus national complexe. L’apport essentiel de l’immigration au peuplement a fait le succĂšs du concept de melting-pot. Rappelons que cette expression a pour origine la piĂšce de théùtre d’IsraĂ«l Zangwill, montĂ©e pour la premiĂšre fois en 1908. Mais le texte en excluait les Noirs amĂ©ricains L’AmĂ©rique est le creuset de Dieu, le grand mĂ©lange dans lequel toutes les races se fondent et se transforment 
 les Allemands et les Français, les Irlandais et les Anglais, les Juifs et les Russes tous dans ce creuset. Dieu y fabrique l’AmĂ©ricain » Zangwill 2006. Cette amĂ©ricanisation, que dĂ©crit notamment David Roediger dans The Wages of Whiteness Roediger 1999 Ă  propos des Irlandais s’est faite prĂ©cisĂ©ment en opposition aux Africains AmĂ©ricains, dĂ©portĂ©s d’Afrique en esclavage et que le melting-pot ne concernait pas. La ligne de couleur reprĂ©sentait un tabou Ă  la fois sexuel et social absolu dans la plupart des Ă©tats amĂ©ricains au dĂ©but du vingtiĂšmesiĂšcle, et cela malgrĂ© le rĂŽle de la religion qui imprĂšgne tous les idĂ©aux nationaux, pas forcĂ©ment en tant qu’idĂ©ologie, mais comme un cadre de pensĂ©e. Suis-je le gardien de mon frĂšre ?» GĂ©nĂšse III, chapitre IV 34 Pour autant ce poids du religieux va de pair avec une laĂŻcitĂ© que Denis Lacorne dĂ©crit comme antĂ©ri ... 35 Par religion civile je me rĂ©fĂšre Ă  la dimension religieuse, trouvĂ©e dans la vie quotidienne de ch ... 36 Qui rĂ©unit deux groupes d’acteurs prééminents ceux qui signĂšrent la DĂ©claration d’indĂ©pendance de ... 26Denis Lacorne a soulignĂ© l’importance de la religion sur la constitution d’une identitĂ© amĂ©ricaine Lacorne 2007,34 tout en s’opposant au concept de religion civile»35 dĂ©veloppĂ© auparavant par Robert N. Bellah. Pour ce dernier en effet l’expĂ©rience historique amĂ©ricaine est rĂ©interprĂ©tĂ©e y compris ses aspects les plus laĂŻcs, dans une dimension transcendantale et l’État nouvellement indĂ©pendant se cĂ©lĂšbre au travers d’une vĂ©ritable religion de la Constitution, et d’un culte des pĂšres fondateurs, les Founding Fathers,36 Ă©levĂ©s au rang de saints laĂŻcs Bellah 1973. 37 Citons la libertĂ©, le Manifest Destiny, les Founding Fathers, la Constitution Ă©videmment, l’esprit ... 38 C’est le dĂ©but de l’Adresse de Lincoln Ă  Gettysburg le 19 Novembre 1863 “A new nation, conceived ... 27Ces mythes fondateurs37 sont le ciment avec lequel le consensus national se bĂątit. L’ AmĂ©ricanisme» prĂ©tend donner une place particuliĂšre Ă  l’idĂ©ologie nationale, celle d’un exceptionnalisme amĂ©ricain, tel que le conçut tout d’abord Tocqueville, de cette nouvelle Nation, conçue dans la LibertĂ© et dĂ©vouĂ©e Ă  l’idĂ©e que tous les hommes sont nĂ©s Ă©gaux.» 38 39 John Lewis, nĂ© en Alabama, le 21 fĂ©vrier 1940, lui aussi dans une famille de mĂ©tayer whooper au- ... 40 Mais c’est encore d’une communautĂ© religieuse qu’il s’agit, musulmane cette fois-ci. La religion se ... 28Dans les annĂ©es 1950 les Ă©glises noires du Sud ont constituĂ© la colonne vertĂ©brale du mouvement des droits civiques, qui s’est donc coulĂ© naturellement dans ce moule religieux. Ses premiers leaders ont appris leur rhĂ©torique au sĂ©minaire, qu’ils soient pasteurs, tel Martin Luther King, ou non, tel John C’est la radicalisation du mouvement Ă  partir du milieu des annĂ©es 1960 qui fait surgir de nouvelles figures et de nouveaux thĂšmes, avec les mobilisations des Ă©tudiants du SNCC, le Student National Coordinating Committee et l’essor d’organisations nationalistes noires, tels les Black 29Mais le support essentiel Ă  la diffusion de ce modĂšle idĂ©ologique, c’est la puissance de son Ă©conomie, fondement d’une culture de masse dĂ©veloppĂ©e bien avant ses Ă©quivalents europĂ©ens. La fabrique du consensus 41 Comme Jacqueline Dowd Hall le dĂ©montre dans You Must Remember This Autobiography as Social Criti ... 42 Emmett Till est cet adolescent de 14 ans assassinĂ© en 1955 Ă  Money, Mississippi, pour avoir adressĂ© ... 43 Campagne lancĂ© par le SCLC contre la sĂ©grĂ©gation gĂ©nĂ©ralisĂ©e dans cette ville d’Alabama. 44 En couvrant le mouvement pour les droits civiques, les mĂ©dias donnĂšrent Ă  ses leaders et Ă  sa bas ... 45 “Important segments of the media failed to report adequately on the causes and consequences of civi ... 30Malcolm X devient une figure nationale par ses interventions radiophoniques et tĂ©lĂ©visĂ©es, Ă  commencer en 1959 avec The Hate That Hate Produced Mike Wallace, Louis Lomax 1959. Ce rĂŽle prĂ©coce jouĂ© par les grands mĂ©dias est liĂ© au dĂ©veloppement prĂ©coce aux États-Unis de la presse puis des mĂ©dias modernes. Leur rĂŽle a Ă©tĂ© notamment dĂ©crits par Edward Harman et Noam Chomsky qui parlent de fabrication du consensus » Chomsky et Herman 1988. Ces mĂ©dias relaient la diffusion d’une certaine vision de l’histoire. Sa réécriture, ou plutĂŽt son Ă©criture par les mains de non-spĂ©cialistes, est le lieu de tous les accommodements avec les faits. Il n’est qu’une cicatrice qui ne trouve pas de guĂ©rison, c’est la barriĂšre de couleur. Le racisme s’exprime sans retenue dans le film Naissance d’une Nation Griffith 1915 tout comme les stĂ©rĂ©otypes raciaux se retrouvent dans Autant en emporte le vent Fleming, Cukor, et Wood 1940. Le film de Griffith permit au rĂ©cit nostalgique des confĂ©dĂ©rĂ©s, ce mythe de la Cause Perdue The Lost Cause, de passer de la mĂ©moire culturelle sudiste Ă  la culture populaire de tout le Les Africains AmĂ©ricains sont ainsi exclus du rĂ©cit national en tant qu’acteurs de leur propre histoire. Et lorsque finalement ils font irruption sur la scĂšne politique Ă  travers leurs mobilisations, Ă  partir du boycott de Montgomery, en 1955, les mĂ©dias nationaux donnent une vision partiale de leurs combats. Par la diffusion des images du cadavre d’Emmett Till,42 ou par celle des chiens policiers lancĂ©s contre les trĂšs jeunes manifestants Ă  Birmingham en 1963,43 ils contribuent grandement Ă  populariser le mouvement Blanchard 2013 374, et cela mĂȘme si les journaux du Sud sont eux souvent hostiles Ă  la cause de la Cependant ils ne permettent pas de comprendre les raisons de la colĂšre comme le rapport Kerner souvent citĂ© le mentionne Des fractions importantes des mĂ©dias n’ont pas su rendre compte d’une façon adĂ©quate des causes et des consĂ©quences des dĂ©sordres civils et des problĂšmes raciaux sous-jacents. Ils n’ont pas communiquĂ© Ă  la majoritĂ© de leurs auditeurs, qui sont Blancs, ce sentiment de dĂ©chĂ©ance, de misĂšre et de dĂ©sespoir liĂ© Ă  la vie du ghetto. »45 46 Louis Hartz explique dans The Liberal Tradition in America Hartz 1955 l’absence d’idĂ©ologie en Am ... 31Ce rĂŽle des mĂ©dias est essentiel dans le triomphe du consensus libĂ©ral, forgĂ© dans la pĂ©riode du maccarthysme et qui domine ensuite jusqu’aux annĂ©es 1970 dans le contexte de la guerre froide. Ce consensus associe le libĂ©ralisme dans le domaine racial au libĂ©ralisme Ă©conomique, dans un double refus du communisme et du C’est sous son sceau que l’histoire des mobilisations pour les droits civiques est d’abord Ă©crite, dans une version qui demeure compatible avec les idĂ©aux nationaux. Mais un autre facteur explicatif de cette historiographie consensuelle est Ă  rechercher du cĂŽtĂ© mĂȘme des historiens qui l’ont produite. Les historiens et leurs histoires 47 “Builders and Heroes,” voir Verney 2006 3. 32Kevern Verney identifie diffĂ©rentes Ă©tapes historiographiques dont l’hĂ©ritage explique pour partie ce modĂšle du rĂ©cit dominant » Verney 2006. PassĂ©e la pĂ©riode de l’école dite de la Reconstruction, pendant laquelle des historiens blancs Ă©crivent une histoire plus ou moins ouvertement raciste, la premiĂšre gĂ©nĂ©ration d’auteurs noirs se rassemblent derriĂšre Carter Woodson, qui fonde en 1916 le Journal for Negro History. Les objectifs de Woodson impliquent de magnifier les accomplissements des bĂątisseurs et des hĂ©ros »47 et Ă  sa suite une histoire exemplaire cherche Ă  redonner une place Ă  quelques figures majeures. Les premiers Ă©crits sur les droits civiques s’inscrivent dans cette tradition hĂ©roĂŻque, que domine la personnalitĂ© de Martin Luther King, Jr. 33D’autres auteurs sont fortement influencĂ©s par les idĂ©aux dĂ©mocratiques du New Deal, dont ils partagent la volontĂ© rĂ©formatrice optimiste. Ainsi August Meier est-il le fils de deux New Dealers » radicaux Verney 2006 8. L’accent est alors mis sur le rĂŽle de l’Etat fĂ©dĂ©ral plus que sur les mobilisations elles-mĂȘmes. 34Enfin dans une large mesure les historiens africains amĂ©ricains des annĂ©es 1970, qui bĂ©nĂ©ficient de la plus grande ouverture des universitĂ©s, sont eux-mĂȘmes les produits des premiers succĂšs du mouvement dont ils peuvent cĂ©lĂ©brer Ă  titre personnel les accomplissements plus que les limites. 35Celles-ci seront plus visibles quelques annĂ©es aprĂšs, alors que l’offensive conservatrice de Reagan semble remettre en cause ces acquis. AprĂšs 1980 les idĂ©aux du Black Power s’effacent, et le conservatisme progresse, y compris parmi les Africains AmĂ©ricains. Ces nouvelles menaces ont sans doute conduit Ă  repenser la pĂ©riode antĂ©rieure. Ainsi pour William Julius Wilson la question noire doit ĂȘtre repensĂ©e en terme de stratification sociale Wilson 1980. Son travail ouvre la voie Ă  une nouvelle articulation entre race et classe, et Ă  un renouvellement du regard sur les limites des accomplissements juridiques du mouvement, et prĂ©pare le renouveau historiographique des annĂ©es qui suivent. 36La longue domination de ce rĂ©cit consensuel rĂ©sulte d’une convergence de facteurs. A travers diffĂ©rents processus cette production d’un rĂ©cit parcellaire se met en marche la limitation du champ de la recherche Ă  une pĂ©riode classique » et Ă  quelques lieux emblĂ©matiques, mais aussi les omissions, et Ă  l’inverse la panthĂ©onisation de quelques figures dont la pensĂ©e politique est dĂ©formĂ©e et simplifiĂ©e. 3. MĂ©caniques du consensus Les lieux de mĂ©moire du mouvement 48 From Protest to Politics The Future of the Civil Rights Movement». Commentary Magazine, 49 “The term classical’ appears especially apt for this phase of the civil rights movement.” 50 Ces rĂ©cits se trouvent le plus souvent repris par les amĂ©ricanistes français, comme par exemple Nic ... 37Cette histoire est souvent Ă©crite sur cette pĂ©riode de dix annĂ©es, de 1954 avec l'arrĂȘt Brown, mettant fin Ă  la sĂ©grĂ©gation, Ă  1964-1965 avec la sĂ©rie de lois qui mettent fin Ă  la l’exclusion du vote des Africains AmĂ©ricains, les diffĂ©rents Voting Rights Acts, qui accordent enfin le droit de vote aux Noirs – aprĂšs le 15Ăšme amendement de 1870, rĂ©servĂ© alors aux hommes noirs mais qui ne put jamais vraiment ĂȘtre appliquĂ© dans les anciens Ă©tats esclavagistes en raison de la rĂ©sistance farouche des Blancs du Sud. Ces diffĂ©rentes lois, les Civil Rights Acts de 1964 et Voting Right Act de 1965, sont prĂ©sentĂ©es bien souvent comme l’aboutissement du mouvement. Ainsi Bayard Rustin, un acteur essentiel dĂšs 1945 et un des organisateurs principaux de la Marche sur Washington en 1963, aux cĂŽtĂ©s de Martin Luther King, dĂ©finit dans l’article From Protest to Politics The Future of the Civil Rights Movement48 ce qu’il nomme une phase classique de 1954 Ă  1965 le terme classique apparait particuliĂšrement adaptĂ© pour dĂ©finir cette phase du mouvement pour les droits civiques » 49 pendant laquelle les fondements lĂ©gaux du racisme ont Ă©tĂ© dĂ©truits. La pĂ©riodisation traditionnelle est ainsi dominĂ©e par la distinction entre cette premiĂšre phase classique, dominĂ©e par les mobilisations dans le Sud, et les diffĂ©rents dĂ©veloppements d’aprĂšs 1965, moins relatĂ©s, qui constituent la lĂ©gende noire faite d’émeutes et de violences, de nationalisme et radicalisme, dont la quasi disparition au fil des annĂ©es 1970 prouverait la vacuitĂ©. Cette pĂ©riode du Black Power, dont les limites temporelles sont plus floues a d’abord Ă©tĂ© dĂ©laissĂ©e. DiffĂ©rents Ă©crits tĂ©moignent de cette vision il faut citer notamment la puissante biographie de King dans l’action par Taylor Branch, en trois volumes Branch 2006; Branch 2007, ou le travail de David Garrow, Bearing the Cross Garrow 2004.50 51 “These histories are as much the product of forgetting as of remembering. To understand the history ... 38Nous avons citĂ© les exemples les plus rĂ©cents, pour montrer la prĂ©gnance de ce modĂšle jusqu’à nos jours. Les Ă©meutes des annĂ©es 1960, les mouvements nationalistes radicaux, tout comme les revendications panafricaines et la dimension internationale du Black Power sont longtemps restĂ©s les parents pauvres des recherches en histoire. Ils Ă©taient prĂ©sentĂ©s comme des dĂ©rives inutiles dans une voie nationaliste qui s’avĂšrera finalement une impasse. L’histoire Ă©crite suivait ainsi le fil unique du combat pour l’égalitĂ© des droits. Un rĂ©cit tĂ©lĂ©ologique se mit en place qui proposait une lecture apaisĂ©e du passĂ©, avec comme point d’aboutissement la conquĂȘte des droits politiques. La construction du sens se fait Ă  rebours, selon une chaine de significations qui sont plaquĂ©es Ă  posteriori, associĂ©s Ă  l’oubli, Ă  la marginalisation de ce que n’entre pas dans le cadre du rĂ©cit dominant. DĂšs lors se pose la question de savoir ce que ce rĂ©cit masque les faits oubliĂ©s loin des grandes campagnes de Montgomery, Birmingham ou de Selma. Ainsi Thomas Sugrue Ă©crit-il Ă  propos d’ histoires qui sont autant le produit de l’oubli que du souvenir. Pour comprendre l’histoire des droits civiques il est essentiel de rĂ©introduire le Nord. »51 Une mĂ©moire sĂ©lective 39Ce rĂ©cit dominant oublie la grande masse de ses acteurs au profit de quelques figures, quelques dates et quelques villes. PlutĂŽt que d’oublis il s’agit d’omissions, par lesquelles s’écrit une histoire plus consensuelle, plus acceptable dans le cadre de la dĂ©mocratie amĂ©ricaine. Un roman national oĂč Rosa Parks prendrait la place de notre Jeanne d’Arc, en tant que mythe politique rĂ©conciliateur. Ce concept de roman national a Ă©tĂ© utilisĂ© par Pierre Nora en 1992 dans la conclusion des Lieux de mĂ©moire, pour dĂ©signer l’enseignement d’un rĂ©cit historique romancĂ© influencĂ© par la trame narrative des romans historiques qui repose sur la fabrication de causalitĂ©s plus ou moins mĂ©caniques qui donne de la cohĂ©rence et une certaine intrigue au flux Ă©vĂ©nementiel Nora 1992. La mĂ©canique d’un tel rĂ©cit, qui se parachĂšve par l’élection d’Obama, est une simplification qui masque la complexitĂ© de la pĂ©riode et l’inachĂšvement de ces combats. 52 En reprenant le concept dĂ©veloppĂ© par deux historiens des sciences Ă  propos d’un astronome français ... 40Certains Ă©vĂ©nements sont laissĂ©s de cĂŽtĂ©, hors du rĂ©cit principal. Tous ces autres combats, obscurcis par ce que le sociologue Barry Schwartz nomme l’ effet d’ombre » shadow effect ont pourtant Ă©tĂ© indispensables ne serait-ce que pour l’obtention du droit de vote Schwartz 2009.52 Schwartz dĂ©crit dans un article Ă  propos de Rosa Parks Schwartz 2009 comment au moins sept personnes contestĂšrent la sĂ©grĂ©gation dans les bus de Montgomery et de villes proches, avant que Rosa Parks ne soit remarquĂ©e pour avoir osĂ© refuser de s’assoir dans la partie rĂ©servĂ©e aux seuls Noirs dans un bus municipal. Mais aucun de ces cas n’eut d’écho. 41Ainsi le boycott des bus de Baton Rouge, en 1953, dont l’initiateur fut le RĂ©vĂ©rend Theodore Jefferson Jemison, dĂ©cĂ©dĂ© en dĂ©cembre 2013, reste largement ignorĂ©. Pourtant il donna lieu Ă  l’organisation d’une milice pour l’autodĂ©fense, l’ULD United Defense League. Cela pose une double question autour de l’évĂ©nement comment il advient, et comment il s’élĂšve au statut d’évĂ©nement. Éric Fassin problĂ©matise ainsi la question de l’évĂ©nement comme une construction sociale Bensa et Fassin 2002. 53 “Through the heart of Dixie, the way Sherman did”. Lewis et D’Orso 1998 227 Le gĂ©nĂ©ral Sherman ... 42Si certains acteurs et certains Ă©vĂ©nements sont privilĂ©giĂ©s, ceux qui contredisent l’historiographie libĂ©rale sont minorĂ©s ou oubliĂ©s. À commencer simplement par la pĂ©riode qui suit les Voting Rights Acts de 1964 1965. Mais c’est au sein mĂȘme du mouvement que les voix discordantes sont rĂ©duites au silence. L’exemple du discours censurĂ© de John Lewis, dirigeant du SNCC, le Student National Coordinating Committee, en 1963, lors de la Marche sur Washington est Ă©clairant. Cette marche rassemblait un grand nombre d’organisations noires venues faire pression sur le gouvernement pour le passage d’une loi fĂ©dĂ©rale antidiscriminatoire. Alors mĂȘme que le rassemblement bat son plein une rĂ©union d’urgence se dĂ©roule derriĂšre la statue de Lincoln avec John Lewis, William Randolph, Bayard Rustin, King et le rĂ©vĂ©rend Eugene Carson Blake. Ils obtiennent de Lewis qu’il s’autocensure il retire de son discours une question critique qui ciblait John Kennedy De quel cĂŽtĂ© est le gouvernement fĂ©dĂ©ral ? » Mais aussi l’expression trop tard et trop peu » pour qualifier les rĂ©ponses du gouvernement et une phrase qui menaçait le Sud de traverser le cƓur de Dixie, Ă  la maniĂšre dont Sherman le fit » Lewis et D’Orso 1998 226,227.53 La marche de 1963 est aujourd’hui magnifiĂ©e comme une cĂ©lĂ©bration consensuelle et pacifique qui aboutit sans heurt Ă  la victoire dĂ©mocratique. Cette image trompeuse masque l’ñpretĂ© des tensions internes et des pressions gouvernementales. 54 Cette organisation de jeunesse, nĂ©e sous le parrainage des vieilles organisations traditionnelles, ... 43Les femmes sont les principales oubliĂ©es. Leur rĂŽle a pourtant Ă©tĂ© essentiel. Ainsi celui d’Ella Baker, activiste depuis les annĂ©es 1930, au sein de la NAACP, puis de la SCLC, l’organisation que King et Baker ont contribuĂ© Ă  crĂ©er. Elle est surtout Ă  l’origine de la formation du SNCC54 Ă  partir de 1960. Elle s’élĂšve contre le culte de la personnalitĂ© qui se construit autour de King et le peu de place laissĂ©e aux femmes. Ainsi aprĂšs le boycott de Montgomery ces femmes qui avaient prouvĂ© leur engagement, et qui avaient assez d'intelligence, et assez de contacts qui avaient Ă©tĂ© utiles et qui avaient trouvĂ© une place pour faire bouger les choses, ces femmes, on ne leur proposait rien, c'Ă©tait comme ça» Grant 1998. Manning Marable rappelle dans son introduction Ă  un recueil de textes de Medgar Evers, de la NAACP, autre leader un peu laissĂ© dans l’ombre, que si les personnalitĂ©s attiraient l'essentiel de l'attention des mĂ©dias et des analystes [
] au niveau local, dans des centaines de quartiers, d'Ă©glises, d'Ă©coles et de centres communautaires, un autre type de leader prĂ©dominait » Evers-Williams et Marable 2006. Nous pouvons citer aussi Jo Ann Robinson, qui imprime tracts en une nuit pour prĂ©parer le boycott de Montgomery. Elle est une de celles que Manning Marrable a appelĂ© les leaders de l'ombre servants-leaders. Un modĂšle d'engagement civique qui cherche Ă  inspirer le changement Ă  travers l'exemple du sacrifice personnel » Evers-Williams et Marable 2006. Des hĂ©ros momifiĂ©s 44Le roman national amĂ©ricain a intĂ©grĂ© quelques hĂ©ros africains amĂ©ricains, pour mieux en oublier d’autres considĂ©rĂ©s trop radicaux ou non conformes aux idĂ©aux amĂ©ricains unAmerican, tout comme la troisiĂšme RĂ©publique française a façonnĂ© une histoire faite de hĂ©ros Ă©difiants et de silences troublants. Wineburg et Monte-Sanon ont rĂ©alisĂ© une enquĂȘte sur le panthĂ©on des AmĂ©ricains cĂ©lĂšbres en 2004 auprĂšs de 2000 lycĂ©ens des États-Unis Martin Luther King arrive en tĂȘte, avec 67% des rĂ©ponses et Rosa Parks est seconde avec 60%. Et si on distingue le choix des Africains AmĂ©ricains, alors on obtient 82% pour King Wineburg et Monte-Sano 2008. La vision du mouvement qui aujourd’hui domine encore, sinon l’historiographie, du moins l’histoire enseignĂ©e est celle d’un combat courageux dans lequel ces quelques figures tenaces entrainent la population dans la mobilisation. Cette quĂȘte hĂ©roĂŻque est accomplie par quelques hommes, plus rarement des femmes, de grand courage qui insufflent leur dĂ©termination Ă  la masse des gens ordinaires et anonymes qui se dressent pour leurs droits Martin Luther King ou Rosa Parks en sont donc des archĂ©types. Mais ces figures hĂ©roĂŻques sont-elles mĂȘme victimes d’une reprĂ©sentation affadie, de portraits acceptables au sein du consensus libĂ©ral. 45La vision de King est ainsi simplifiĂ©e et expurgĂ©e dans les manuels scolaires on ne trouve rien sur ses prises de position contre la guerre du Vietnam, ni sur son orientation plus marquĂ©e aprĂšs 1966 vers la condition des plus pauvres, et pas uniquement des Noirs. Il lance en 1967-1968 la Campagne contre la pauvretĂ© Poor People’s Campaign pour s’attaquer Ă  la discrimination dans le Nord. Il estime d’ailleurs que celle-ci est bien plus difficile Ă  abattre que la sĂ©grĂ©gation institutionnelle de Jim Crow au Sud. En regardant en arriĂšre vers l'annĂ©e 1966, je la vois comme une annĂ©e de commencements et de transitions. Pour ceux d'entre nous qui vinrent de GĂ©orgie, du Mississippi, de l'Alabama vers Chicago, ce fut une annĂ©e vitale d'Ă©ducation. Nous fĂ»mes confrontĂ©s aux dures rĂ©alitĂ©s d'un systĂšme social bien plus difficile Ă  changer que le Sud rural citĂ© dans Carson 2001. 46Par ailleurs il ne cherche plus simplement l’unitĂ© du groupe minoritaire, parmi lequel de nouveaux adversaires se dressent contre ses efforts J'ai commencĂ© Ă  penser que je me trouvais au centre de deux forces opposĂ©es dans la communautĂ© noire. L'une est la passivitĂ© des Noirs qui du fait d'annĂ©es d'oppression sont tellement privĂ©s du respect d'eux-mĂȘmes qu'ils se sont adaptĂ©s Ă  la sĂ©grĂ©gation. Et d'une partie de quelques bourgeois noirs qui Ă  cause d'un diplĂŽme et de la sĂ©curitĂ© Ă©conomique, et parce qu'ils profitent d'une certaine maniĂšre de la sĂ©grĂ©gation, sont devenus insensibles aux problĂšmes des masses. L'autre force est l'amertume et la haine, qui nous conduisent dangereusement Ă  la violence. Elle s'exprime dans les divers groupes nationalistes qui se dĂ©veloppent un peu partout citĂ© dans Carson 2001. 55 La NAACP, National Association for the Advancement of Colored People naĂźt en 1909 sous les auspices ... 47Lorsqu'en 1955 Rosa Parks refuse de cĂ©der sa place dans le bus, elle est dĂ©jĂ  une militante trĂšs active de la L'association songeait Ă  s'appuyer sur un tel acte pour dĂ©poser plainte contre la sociĂ©tĂ© des bus et ce depuis plusieurs mois. Au printemps 1955 ses militants pensaient bien l'avoir trouvĂ© avec une adolescente nommĂ©e Claudette Colvin. Cette jeune femme refuse de cĂ©der sa place et est traĂźnĂ©e hors du bus par la police. Finalement il s'avĂšre qu'elle est enceinte, et non mariĂ©e au moment des faits. La NAACP dĂ©cide de ne pas s'engager sur ce dossier, qui aurait prĂȘtĂ© le flanc Ă  la presse conservatrice et aurait affaibli la dĂ©monstration. Le rĂ©cit de la scĂšne du bus, lors de laquelle Rosa Parks refuse de se dĂ©placer, est devenu un mythe fondateur du boycott et mouvement pour les droits civiques. Mais ce geste est extrait de son contexte, hors de toute sa prĂ©paration militante. En 1955, alors que Rosa Parks refuse de cĂ©der son siĂšge l'acte n'est pas calculĂ©, mais il advient aprĂšs l'essai avec Claudette Colvin. Le hasard la met dans la situation de porter elle-mĂȘme la cause de la dĂ©sagrĂ©gation des bus, alors qu’elle Ă©tait une des principales militantes de la NAACP dans cette ville et prĂ©parait cette action et le dossier en justice. 56 “People always say that I didn't give up my seat because I was tired, but that isn't true. I was no ... Les gens disent toujours que j'ai refusĂ© de cĂ©der mon siĂšge parce que j'Ă©tais fatiguĂ©e, mais c'est faux. Je n'Ă©tais pas fatiguĂ©e physiquement, ou pas plus que d’habitude Ă  la fin du travail. Je n'Ă©tais pas vieille, mĂȘme si certains ont une image d'une vieille femme. J'avais quarante-deux ans. Non ce dont j'Ă©tais fatiguĂ©e, c'Ă©tait de cĂ©der » Parks et Haskins 1992.56 57 Les Musulmans Noirs, Black Muslims, sont organisĂ©s dans la Nation de l’Islam. Cette organisation po ... 58 “I had a lot of admiration for him, considering his background and where he came from and his havin ... 59 “Parks’ memorialization promotes an improbable children's story of social change—one not-angry woma ... 48Cette prĂ©sentation d’une vieille femme simplement extĂ©nuĂ©e est l’exact contraire du personnage tenace et volontaire. Elle n’est pas non plus cette partisane aveugle de la non-violence, qu’elle ne voit que comme une tactique. Durant les annĂ©es 1960 elle se dĂ©clare de plus en plus en accord avec Malcolm X Je l'admirais beaucoup, Ă  cause de son origine sociale, d'oĂč il venait et du combat qu'il avait dĂ» mener pour parvenir Ă  ĂȘtre respecter en tant que leader des Musulmans Globalement j'Ă©tais d'accord avec lui » Parks et Haskins 1992.58 Jacqueline Dowd Hall dĂ©crit ainsi la caricature du rĂ©cit qui domine autour du boycott de Montgomerry La mĂ©morialisation de Parks promeut une histoire trĂšs enfantine et trĂšs improbable du changement social une femme mĂȘme pas en colĂšre s’assit, le pays fut galvanisĂ© et le racisme vaincu dans sa structure mĂȘme » Hall 2005.59 49Rosa Parks devint cette hĂ©roĂŻne que Schwartz nomme, Ă  tel point son nom rĂ©sume ces Ă©vĂ©nements, Ă©ponyme du mouvement des droits civiques. Mais l’image qui en est donnĂ©e n’est pas fidĂšle Ă  ses combats, qui se poursuivirent bien au-delĂ  Montgomery, Ă  Detroit, et le plus souvent en opposition Ă  bien des choix de King J. Theoharis 2012. Cette vision iconique, reproduite rĂ©cemment par exemple en timbre-poste J. Theoharis 2013a, est plus conforme Ă  l’image que la nation prĂ©fĂšre recevoir. 60 “The great temptation for the biographer of an iconic figure is to portray him or her as a virtual ... 61 “Obama has been thoroughly decoupled from the social movements that laid the basis for his election ... 50Les figures mythiques de Rosa Parks et Martin Luther King, Jr. se sont aujourd’hui intĂ©grĂ©es Ă  une mĂ©moire collective consensuelle, prĂ©cisĂ©ment parce que ce sont des images dĂ©formĂ©es, qui renvoient Ă  des stĂ©rĂ©otypes. L’historiographie la plus contemporaine s’emploie Ă  dĂ©construire ces clichĂ©s, tel Manning Marable qui dĂ©crit l’icĂŽnisation de Malcolm X la grande tentation pour le biographe d’une figure iconique est de le ou la portraiturer comme un saint virtuel » Marable 2011 13.60 Le sort rĂ©servĂ© Ă  la figure d’Obama, en tant que symbole, est symptomatique, puisqu’il s’est Ă©levĂ© dans le mĂȘme panthĂ©on africain amĂ©ricain, alors que son passĂ© est celui d’un politicien dĂ©mocrate, et pas d’un leader noir. Robin Kelley s’insurge contre cette vision de l’histoire vĂ©hiculĂ©e par les medias Obama a Ă©tĂ© totalement dissociĂ© des mouvements sociaux qui ont posĂ© les fondations ayant permis son Ă©lection. Il a Ă©tĂ© mĂ©tamorphosĂ© en une sorte de sauveur venu sur la scĂšne internationale libre de toute entrave identitaire et transcendant la race, une force transformatrice sur les Ă©paules de laquelle repose le futur de la Nation et de monde libre repose » Kelley 2011.61 Conclusion 51Ainsi un rĂ©seau de concepts en relation lie la mĂ©moire et les oublis, ces blancs de mĂ©moire qui ne sont pas anodins. Ils participent Ă  la construction d’un roman national par la marginalisation de rĂ©cits minoritaires. Et Ă  la fabrication d’un consensus par-delĂ  une mĂ©moire clivĂ©e et traumatique. Au service de ce consensus sont forgĂ©s des mythes, des hĂ©ros, qui laissent dans l’ombre des figures qui sont-elles marginalisĂ©es. Ce passĂ© traumatique est ainsi au cƓur de cette obsession nationale d’unitĂ©, et tant sous sa forme historique que sous sa forme mĂ©morielle il la met en danger. La mĂ©moire en efface les aspects violents et dĂ©placĂ©s. 52Mais il ne suffit pas d’effacer, il faut aussi réécrire, et combler ces trous de mĂ©moire, pour produire une histoire non traumatique, une histoire qui parachĂšve le rĂȘve du melting-pot dont les Africains AmĂ©ricains furent pourtant longtemps exclus. La nation ainsi rĂ©conciliĂ©e peut alors cĂ©lĂ©brer ses avancĂ©es continuelles vers la dĂ©mocratie, et vers une identitĂ© multiculturelle. 53Quelques acteurs, sont Ă©levĂ©s au rang de hĂ©ros nationaux, dont la haute stature permet de mieux dissimuler les dissensions et les tensions, celles du passĂ©, mais aussi celles du prĂ©sent. 62 Ce terme a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© notamment par des sociologues tels l’amĂ©ricain d’origine tchĂšque Karl Wolf ... 54Le rĂ©cit dominant master narrative participe donc Ă  une nationalisation consensuelle, Ă  l’encontre notamment du nationalisme noir. En ce sens l’intĂ©gration des Noirs serait l’ultime composante d’une construction de la nation, d’un nation building62 par lequel tous les Noirs amĂ©ricains sont devenus des citoyens amĂ©ricains Ă  part entiĂšre. Il s’agit d’une intĂ©gration dans la nation au niveau lĂ©gislatif, mais aussi d’une intĂ©gration dans une communautĂ© rĂȘvĂ©e, dans la culture majoritaire. Mais la rĂ©alitĂ© sociale et raciale ne cesse d’ébranler cet Ă©chafaudage pour faire ressurgir les fantĂŽmes d’une histoire Ă©crite par le bas » qui redonne leur place aux femmes, et aux plus radicaux. Le travail de Benedict Anderson a comme espace l’Europe, terrain privilĂ©giĂ© du nationalisme dĂšs la fin du XVIIIĂšme siĂšcle. Mais les processus d’effacement des mĂ©moires traumatiques sont pleinement Ă  l’Ɠuvre aux États-Unis, dans un contexte spĂ©cifique et avec des modalitĂ©s spĂ©cifiques. Pourtant depuis plus de trente ans des historiens donnent une autre vision de ce rĂ©cit, moins consensuelle et destinĂ©e Ă  ĂȘtre utile pour faire face aux problĂšmes du prĂ©sent. Mais cette historiographie ne parvient pas Ă  trouver son chemin vers le grand public, soumis Ă  des rĂ©cits Ă©dulcorĂ©s Ă©difiants dans les fictions ou les travaux de vulgarisation, et aussi dans les mĂ©dias ou encore lors des campagnes politique. 55Thomas Sugrue dans son ouvrage publiĂ© en 2010, Not Even Past, reprend l’expression d’Obama Ă  Philadelphie, dans ce discours traduit en français sous le titre De la Race en AmĂ©rique Obama 2008 . Obama l’empruntait lui Ă  William Faulkner qui dans Requiem for a Nun l’exprime ainsi Le passĂ© ne meurt jamais. Il n’est mĂȘme pas passĂ© » Faulkner 1951 153. Ce passĂ© qui ne passe pas fait hĂ©siter l’AmĂ©rique entre une cĂ©lĂ©bration consensuelle, par exemple celle des cinquante ans de la premiĂšre sĂ©rie de lois sur les droits civiques, en 1964, et Ă  l’inverse le refoulement pur et simple de la fĂȘlure raciale. Ainsi l’idĂ©al du melting-pot rĂ©actualisĂ© prend la forme contemporaine du multiculturalisme, mais il dĂ©nie encore et toujours aux voix discordantes une place dans le grand rĂ©cit national. Top of page Bibliography Anderson, Benedict. 2006. Imagined Communities Reflections on the Origin and Spread of Nationalism New Edition. Londres Verso. Bacharan, Nicole. 2010. Les noirs amĂ©ricains Des champs de coton Ă  la Maison Blanche. Paris Librairie AcadĂ©mique Perrin. Bellah, Robert N. 1967. Civil Religion in America ». Daedalus 96 1 1-21. doi ———. 1973. La Religion civile en AmĂ©rique Civil Religion in America ». Archives des sciences sociales des religions 35 1 7-22. doi ———. 1992. 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Top of page Notes 1 “One is astonished in the study of history at the recurrence of the idea that evil must be forgotten, distorted, skimmed over. We must not remember that Daniel Webster got drunk but only that he was a splendid constitutional lawyer. We must forget that George Washington was a slave owner . . . and simply remember the things we regard as creditable and inspiring. The difficulty, of course, with this philosophy is that history loses its value as an incentive and example; it paints perfect men and noble nations, but it does not tell the truth” Du Bois Black Reconstruction, 1935. 2 La politique de discrimination positive a Ă©tĂ© mise en place Ă  partir des annĂ©es 1960 aussi bien Ă  travers la politique de l’emploi que dans les universitĂ©s. Il ne s’agit pas d’une politique de quota, mais de choix prĂ©fĂ©rentiels. Cette expression est utilisĂ©e la premiĂšre fois dans l’Executive Order 10925 signĂ© par J. F. Kennedy le 6 mars ordonne aux entreprises qui sont en contrat avec l’Etat fĂ©dĂ©ral de prendre des mesures d’ affirmative action » pour s’assurer d’une Ă©galitĂ© de traitement indĂ©pendamment de la foi, de la race, de la couleur ou de l’origine nationale » voir le texte intĂ©gral Puis vient en 1965 l’executive order de Lyndon B. Johnson, du 28 septembre, qui impose Ă  toutes les sociĂ©tĂ©s contractantes avec l’Etat fĂ©dĂ©ral non seulement de mettre fin aux politiques discriminatoires mais aussi d’augmenter la part des minoritĂ©s dans leurs effectifs. Cette politique se met peu Ă  peu en place ; le premier grand programme fĂ©dĂ©ral est sous Nixon en 1970, le Revised Philadelphia Plan, qui impose l’embauche Ă  Philadelphie de salariĂ©s africains amĂ©ricains. 3 Selon les partisans d’une interprĂ©tation color-blind de la Constitution, la meilleure maniĂšre d’en finir avec les prĂ©jugĂ©s raciaux serait de cesser toute discrimination positive qui entretiendrait l’inĂ©galitĂ© plus qu’elle ne la supprimerait. La droite nĂ©o-conservatrice a Ă©tĂ© porteuse de ces attaques contre l’affirmative action, mais elle n’est pas la seule. D’autres prĂ©tendent que l’élection d’Obama aurait Ă©tĂ© la consĂ©cration d’une sociĂ©tĂ© post-black, qui garantirait Ă  chacun l’égalitĂ© de traitement. 4 Jim Crow dĂ©signait des arrĂȘtĂ©s discriminatoires votĂ©s dans les Etats du Sud aprĂšs la guerre de SĂ©cession et la pĂ©riode de la Reconstruction, donc aprĂšs 1875, et par extension cette expression a fini par dĂ©signer tout le systĂšme de discrimination raciale. 5 “No history of Jim Crow, no history of anger, no history of slavery. All the bad stuff in our history ain’t there with this guy.” Le journaliste citĂ© est Chris Matthews 1/21/07 sur NBC citĂ© par Janine Jackson, mars 2009 . 6 Soit l’exact contraire de ce qu’ont tentĂ© par exemple les procĂšs sud-africains de la commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation et d’autres encore. Voir par exemple Bucaille, LĂŠtitia 2012. 7 L’ouvrage Ă©ponyme d’Hobsbawm et Ranger a popularisĂ© ce concept qui souligne la maniĂšre dont des innovations culturelles sont parfois prĂ©sentĂ©es comme des hĂ©ritages afin de leur confĂ©rer la lĂ©gitimitĂ© du passĂ©. 8 Les termes utilisĂ©s pour dĂ©signer les Noirs amĂ©ricains n’ont cessĂ© d’évoluer. D’abord African dans les premiers temps des colonies anglaises, ils sont nommĂ©s Negro Ă  partir du XVIIĂšme siĂšcle, un vocable empruntĂ© Ă  l’espagnol, puis parfois colored people Ă  partir du XIXĂšme siĂšcle. Au XXĂšme siĂšcle le nationalisme fait surgir Afro-American, alors que les annĂ©es 1960 prĂ©fĂšrent le mot black, issu du Black Power, ou African-American. Celui-ci s’écrit ensuite African American, la disparition du tiret signifiant le refus d’ĂȘtre une simple nouvelle catĂ©gorie de Hyphenated-American et donc la double appartenance, plutĂŽt que le simple sous-groupe amĂ©ricain. La recherche française prĂ©fĂšre le plus souvent utiliser les termes communautĂ© afro amĂ©ricaine » et l’expression African American. Quant au terme ouvertement raciste de nigger il est encore malheureusement utilisĂ© par certains. 9 Et ce dĂšs la fondation des Etats Unis. La section deux de l’article premier de la constitution de 1787 comptait les esclaves pour la quotitĂ© de trois cinquiĂšme dans le total de la population de chaque État. Cela afin d’accorder plus de poids politiques aux États du Sud, dont provenait une grande part des Ă©lites qui avaient menĂ© la guerre d’indĂ©pendance. L’émancipation n’a pas modifiĂ© cette situation complĂštement puisque l’exclusion de la citoyennetĂ© a perdurĂ© jusqu’au mouvement des droits civiques. 10 Il s’agit Ă©videmment de l’assassinat du jeune Africain AmĂ©ricain, Michael Brown, le 9 aout 2014, par un policier et des protestations qui en ont suivi. En novembre 2014 l’acquittement du policier a donnĂ© lieu Ă  une nouvelle vague de protestations dans tout le pays. Voir notamment l’article de Didier Fassin 2015 du 10/12/14. ; consultĂ© le 20/12/14. 11 Un consensus libĂ©ral dĂ©fini comme une chape de plomb politique qui fait taire les voix contestataires. Et qui affirme sa confiance dans le systĂšme capitaliste, la foi dans les rĂ©formes, et le refus de tout conflit de classe, pour mettre l’accent sur l’unitĂ© nationale nĂ©cessaire au combat contre le communisme mondial. 12 Le systĂšme amĂ©ricain de la libre-entreprise est diffĂ©rent de l’ancien capitalisme. Il est dĂ©mocratique. Il crĂ©e l’abondance. Il a un potentiel rĂ©volutionnaire en faveur de la justice sociale » Hodgson 1976 76. “The American free-enterprise system is different from the old capitalism. It is democratic. It creates abundance. It has a revolutionary potential for social justice.” 13 Qui Ă©crira l’ouvrage de rĂ©fĂ©rence sur le CORE Meier et Rudwick 1975. 14 Il assiste dans les annĂ©es 1960 aux meetings du SNCC et du CORE, il se dĂ©finit alors comme un participant-observer » voir Eagles 2000. 15 Le Student National Coordinating Committee, SNCC, Ă  savoir une organisation d’étudiants noirs créée en 1960. 16 Dont il se fera licencier pour son soutien ouvert au SNCC. En 1957 ses Ă©tudiantes obtiennent la dĂ©sĂ©grĂ©gation de la Carnegie Library, trois ans avant les sit-ins de Greensboro elles ont appliquĂ© avec succĂšs les mĂȘmes mĂ©thodes. Howard Zinn raconte comment ces Ă©tudiantes rĂ©clamaient dans cette bibliothĂšque rĂ©servĂ©e aux Blancs des ouvrages tels An Essay Concerning Human Understanding de John Locke, ou On Liberty de John Stuart Mill, et Common Sense de Tom Paine Howard Zinn, Reflections of a White Professor at Spelman College in the 1950s », The Journal of Blacks in Higher Education, no 7, 1 Avril 1995, pp. 97-99 et Zinn 2010. 17 Il faut citer l’engagement de trĂšs nombreux historiens blancs en faveur de la dĂ©sĂ©grĂ©gation. Ainsi lorsque Martin Luther King lance son appel Ă  une marche de Selma Ă  Montgomery, Walter Johnson de l’universitĂ© de Chicago appelle ses collĂšgues historiens Ă  participer Ă  cette mobilisation, et selon lui plus de quarante rĂ©pondent Ă  son appel Richard Hofstadter, C. Vann Woodward, John Hope Franklin, John Higham, Kenneth M. Stampp, Robert Dallek, William E. Leuchtenburg, Lawrence W. Levine, Louis R. Harlan, Samuel P. Hays et d’autres encore Charles W. Eagles, Toward New Histories of the Civil Rights Era. ». 18 Carter G. Woodson publie en 1933 The Mis-Education of the Negro, qui dĂ©nonce l’isolement des intellectuels noirs, coupĂ©s de leur communautĂ© republication Carter G. Woodson, The Mis-Education of the Negro, Book Tree, 2006. 19 Il faut mentionner par exemple une nouvelle approche de l’histoire de l’esclavage, reprĂ©sentĂ©e par une courant historiographique souvent nommĂ© de la communautĂ© des esclaves.» Eugene Genovese publie en 1976 Roll, Jordan, Roll The World the Slaves Made qui dĂ©crit une culture autonome des esclaves republication Eugene D. Genovese, Roll, Jordan, Roll The World the Slaves Made, Knopf Doubleday Publishing Group, 2011. 20 We demand a program of "Black Studies," a program that will be of and for black people. We demand to be educated realistically and that no form of education which attempts to lie to us, or otherwise mis-educate us will be accepted interview des activists de l’AASU, Daily Californian, March 4, 1969 citĂ© dans Ula Taylor, Origins of African American Studies at UC-Berkeley. », Western Journal of Black Studies, 2010, vol. 34, no 2, pp. 256-265. 21 Rappelons que Rosa Parks, militante de la NAACP, est Ă  l’origine du boycott des bus sĂ©grĂ©guĂ©s de Montgomery lorsqu’elle refusa, le 4 dĂ©cembre 1955, de retourner Ă  l'arriĂšre d'un bus. 22 Il s’agit d’un article en ligne “Anybody who was involved in the Southern movement at that time knew with absolute certainty The FBI could not be counted on and it was not the friend of the civil rights movement” Zinn 2006. Peniel Joseph dĂ©clare dans le mĂȘme sens que “le film a inventĂ© d’une façon obscĂšne un scenario oĂč les vilains sont les sauveurs et oĂč les vĂ©ritables hĂ©ros sont devenus des victimes » “the film obscenely invented a scenario that cast villains as saviors and portrayed genuine heroes as helpless victims”, voir consultĂ© le 12/12/2014. 23 Cette organisation radicale, qui voulait associer nationalisme noir et communisme, fut fondĂ©e Ă  Oakland, Californie, en 1966 par Huey Newton et Bobby Seale. Elle prĂŽnait l’auto-dĂ©fense et organisa des dĂ©filĂ©s armĂ©s et une surveillance de la police qui stupĂ©fiĂšrent l’AmĂ©rique. 24 “Panthers are portrayed more as a group of sloganeering radicals
”, voir 25 Bowdler publia en 1818 une version expurgĂ©e de l’Ɠuvre de Shakespeare, the Family Shakespeare, qu’il jugeait plus convenable pour les lectrices et les jeunes que le texte original. 26 “First, this new scholarship reperiodizes the Civil Rights-Black Power era by pushing the chronology of black radicalism back to the 1950’s and forward into the 1970’s” Joseph 2006 8. 27 Le terme libĂ©ral » dĂ©signe au sens amĂ©ricain un libĂ©ralisme politique qui prend son sens moderne sous le New Deal avec Roosevelt et associe la dĂ©fense des libertĂ©s individuelles avec une volontĂ© de progrĂšs social partagĂ©. Il s’exprime avec clartĂ© dans le discours sur l’État de l’Union de 1941, souvent citĂ© comme le discours des quatre libertĂ©s d’expression, de religion, de vivre Ă  l’abri du besoin et de la peur. The first is the freedom of speech and expression—everywhere in the world. The second is the freedom of every person to worship God in his own way—everywhere in the world. The third is freedom from want—which, translated into world terms, means economic understandings which will secure to every nation a healthy peacetime life for its inhabitants—everywhere in the world. The fourth is freedom from fear. » 28 Bayard Rustin 1917-1987 fut l’un des principaux stratĂšges de l’organisation SCLC, Southern Christian Leadership Conference, dont King Ă©tait le porte-parole. Rustin, militant pacifiste radical, influença le mouvement par ses Ă©crits sur la non-violence. 29 In ways I can only suggest here, northern and southern activists influenced one another. The topic—still mostly unexplored—is worth its own book” dans Sugrue 2009, XVIII. 30 Voir notamment cet article sur la Bottom-up approach » approche du bas vers le haut » ConsultĂ© le 12/01/2015. 31 The very different, sanitized narrative that has come to dominate textbooks, the popular culture, and too many accounts by historians » Crosby 2011 2. 32 Elle est nĂ©e d’une premiĂšre guerre civile, la RĂ©volution amĂ©ricaine, qui vit s’affronter loyalistes et rĂ©volutionnaires, puis le conflit entre les fĂ©dĂ©ralistes et les anti-fĂ©dĂ©ralistes. DĂšs 1786-1787 la nouvelle RĂ©publique affronte la rĂ©bellion de Shay qui est d’abord une rĂ©volte sociale. Elle fut causĂ©e par la dĂ©pression Ă©conomique qui suivit la guerre d’IndĂ©pendance et par les refus de crĂ©dits aux petits fermiers de la part des commerçants des villes du Nord-est, qui mettaient ainsi la main sur les terres des cultivateurs ruinĂ©s. Daniel Shay prit la tĂȘte d’une milice anti-fiscale. La Guerre civile est un autre creuset national, et sa mĂ©moire traumatique et la rĂ©intĂ©gration du Sud dans la Nation ont Ă©tĂ© largement Ă©tudiĂ©s. La guerre de SĂ©cession reste le lieu majeur des guerres de mĂ©moire et l’utilisation de la mystique du vieux Sud est encore et toujours un instrument politique majeur. 33 Ces conflits n’ont rien de spĂ©cifiquement amĂ©ricain, les chouans comme les mineurs grĂ©vistes anglais des annĂ©es 1983 ont trouvĂ© une place dans les rĂ©cits nationaux rĂ©ciproques. 34 Pour autant ce poids du religieux va de pair avec une laĂŻcitĂ© que Denis Lacorne dĂ©crit comme antĂ©rieure et plus radicale que la laĂŻcitĂ© Ă  la française », reprĂ©sentĂ©e notamment par la lettre du 1er janvier 1802 de Jefferson Ă  une association baptiste consultĂ© le 15/01/15. 35 Par religion civile je me rĂ©fĂšre Ă  la dimension religieuse, trouvĂ©e dans la vie quotidienne de chacun, Ă  travers laquelle est interprĂ©tĂ© l’expĂ©rience historique Ă  la lumiĂšre de la rĂ©alitĂ© transcendantale. » “By civil religion I refer to that religious dimension, found I think in the life of every people, through which it interprets its historical experience in the light of transcendent reality” [in Bellah 1992]. 36 Qui rĂ©unit deux groupes d’acteurs prééminents ceux qui signĂšrent la DĂ©claration d’indĂ©pendance de 1776 et ceux qui Ă©laborĂšrent la Constitution. 37 Citons la libertĂ©, le Manifest Destiny, les Founding Fathers, la Constitution Ă©videmment, l’esprit d'entreprise et ses self-made men, la FrontiĂšre, le rĂȘve amĂ©ricain, les communautĂ©s la race et l'ethnie, le melting-pot et les rebelles gĂ©nĂ©reux Ă  la James Dean, tous dĂ©taillĂ©s dans Combesque et Warde 1996. 38 C’est le dĂ©but de l’Adresse de Lincoln Ă  Gettysburg le 19 Novembre 1863 “A new nation, conceived in Liberty, and dedicated to the proposition that all men are created equal.” Voir 39 John Lewis, nĂ© en Alabama, le 21 fĂ©vrier 1940, lui aussi dans une famille de mĂ©tayer whooper au-delĂ  de toute comparaison » [c’est Ă  dire avec cette art oratoire et ces cris caractĂ©ristiques des pasteurs noirs des Ă©tats du Sud] in Lewis John and D’Orso Michael, Walking With the Wind. New York Simon & Schuster, 1998. Lewis prĂȘche le gospel Ă  la façon de Martin Luther King, le social gospel, dans la lignĂ©e de Walter Rauschenbusch, le pasteur allemand qui dĂ©veloppa cette tradition Ă  New York au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle. 40 Mais c’est encore d’une communautĂ© religieuse qu’il s’agit, musulmane cette fois-ci. La religion sert ainsi de vĂ©hicule au discours national, comme aux discours nationalistes des Africains AmĂ©ricains. 41 Comme Jacqueline Dowd Hall le dĂ©montre dans You Must Remember This Autobiography as Social Critique » , The Journal of American History, vol. 85, no 2, 1 Septembre 1998, pp. 449. 42 Emmett Till est cet adolescent de 14 ans assassinĂ© en 1955 Ă  Money, Mississippi, pour avoir adressĂ© la parole Ă  une femme blanche. Les photos de son cadavre dĂ©figurĂ©, dans le cercueil que sa mĂšre avait voulu maintenir ouvert, bouleversĂšrent le pays. 43 Campagne lancĂ© par le SCLC contre la sĂ©grĂ©gation gĂ©nĂ©ralisĂ©e dans cette ville d’Alabama. 44 En couvrant le mouvement pour les droits civiques, les mĂ©dias donnĂšrent Ă  ses leaders et Ă  sa base une lĂ©gitimitĂ© au sein de la communautĂ© noire mais aussi parmi les Blancs. » “By publicizing the civil rights movement, the media gave its leaders and its rank and file legitimacy within the black community as well among whites,” [dans Blanchard 2013]. 45 “Important segments of the media failed to report adequately on the causes and consequences of civil disorders and on the underlying problems of race relations. They have not communicated to the majority of their audience-which is white—a sense of the degradation, misery and hopelessness of life in the ghetto,” dans “Commission et Wicker” 1968. 46 Louis Hartz explique dans The Liberal Tradition in America Hartz 1955 l’absence d’idĂ©ologie en AmĂ©rique Ă  la fois par l’inexistence de structures fĂ©odales prĂ©existantes, et par l’étendue du territoire et la variĂ©tĂ© des ressources naturelles, qui selon lui ont favorisĂ© cet esprit consensuel en apaisant les conflits sociaux. 47 “Builders and Heroes,” voir Verney 2006 3. 48 From Protest to Politics The Future of the Civil Rights Movement». Commentary Magazine, consultĂ© le 3 fĂ©vrier 2013. 49 “The term classical’ appears especially apt for this phase of the civil rights movement.” 50 Ces rĂ©cits se trouvent le plus souvent repris par les amĂ©ricanistes français, comme par exemple Nicole Bacharan, auteur des Noirs amĂ©ricains des champs de coton Ă  la Maison Blanche Bacharan 2010. 51 “These histories are as much the product of forgetting as of remembering. To understand the history of civil rights it is essential to bring the North back in,” dans Sugrue 2009 xiv. 52 En reprenant le concept dĂ©veloppĂ© par deux historiens des sciences Ă  propos d’un astronome français Felix Tisserand dont le nom fut oubliĂ© au profit de Pierre-Simon Laplace. Voir William McLaughlin et Sylvia Miller, The Shadow Effect and the Case of FĂ©lix Tisserand » , American Scientist, 2004, vol. 92, no 3, p. 262. 53 “Through the heart of Dixie, the way Sherman did”. Lewis et D’Orso 1998 227 Le gĂ©nĂ©ral Sherman conduisit une offensive meurtriĂšre lors de la guerre de SĂ©cession, Ă  travers la GĂ©orgie et la Caroline du Sud, durant laquelle les troupes fĂ©dĂ©rales pratiquaient la politique de la terre brulĂ©e. 54 Cette organisation de jeunesse, nĂ©e sous le parrainage des vieilles organisations traditionnelles, dont la NAACP, va rapidement se radicaliser et se porter Ă  la tĂȘte de l’action Ă  l’échelle locale. 55 La NAACP, National Association for the Advancement of Colored People naĂźt en 1909 sous les auspices notamment de Du Bois. 56 “People always say that I didn't give up my seat because I was tired, but that isn't true. I was not tired physically, or no more tired than I usually was at the end of a working day.... No, the only tired I was, was tired of giving in” Rosa Parks. 57 Les Musulmans Noirs, Black Muslims, sont organisĂ©s dans la Nation de l’Islam. Cette organisation politique et religieuse radicale associe le refus du christianisme au nationalisme africain-amĂ©ricain. 58 “I had a lot of admiration for him, considering his background and where he came from and his having had to struggle so hard just to reach the point of being respected as a leader of the Black Muslims. He was a very brilliant man. Even when he was with the Black Muslims, I didn’t disagree with him altogether.” 59 “Parks’ memorialization promotes an improbable children's story of social change—one not-angry woman sat down, the country was galvanized and structural racism was vanquished.” 60 “The great temptation for the biographer of an iconic figure is to portray him or her as a virtual saint.” 61 “Obama has been thoroughly decoupled from the social movements that laid the basis for his election. He has been turned into a kind of saviour who descended onto the world stage, transcendent of race and other fetters of identity, a transformational force upon whose shoulders the future of the nation and the free world rests.” 62 Ce terme a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© notamment par des sociologues tels l’amĂ©ricain d’origine tchĂšque Karl Wolfgang Deutsch Deutsch et Foltz 1963 et des historiens tel Eric Hobsbawm Hobsbawm, Eric et Terence Ranger, eds. The Invention of Tradition. Cambridge Cambridge University Press, 1983. et Benedict Anderson Anderson, Benedict, Imagined Communities Reflections on the Origin and Spread of Nationalism New Edition, Londres Verso, 2006.Top of page References Electronic reference Olivier Maheo, Histoire et mĂ©moire du mouvement des droits civiques, terrain privilĂ©giĂ© du fratricide rassurant », Textes et contextes [Online], 9 2014, Online since 05 December 2017, connection on 17 August 2022. URL of page About the author Olivier Maheo Doctorant, CREW EA 4399, UniversitĂ© Paris 3 Sorbonne Nouvelle, UFR du Monde Anglophone, 5, rue de l’École de MĂ©decine, 75006 Paris By this author Published in Textes et contextes, 15-2 2020 Top of page ixsbr.
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